14 mai 2014
Quand Guy Verhofstadt oublie sa "révolution postnationale"
Les listes de l'UDI et du MoDem s'en vantent suffisamment: leur programme et leur candidat à la commission européenne, Guy Verhofstadt, sont "les plus européens".
Ce n'est pas faux. Comme je l'explique dans mon article ce mercredi dans La Croix, "Les Européens" sont ceux - avec Europe Écologie Les Verts - dont les propositions vont le plus loin vers un approfondissement de l'intégration européenne.
Il n'en reste pas moins que, dans cette perspective, je gratifierais volontiers leur candidat à la présidence de la Commission européenne d'un "bien mais peut mieux faire"!
L'ancien premier ministre de Belgique est un fédéraliste convaincu. En 2005, il a écrit un livre pour Les États-Unis d'Europe: manifeste pour une nouvelle Europe (De Verenigde Staten van Europa: manifest voor een nieuw Europa). En 2012, Guy Verhofstadt a co-écrit avec Daniel Cohn-Bendit un Debout l'Europe! Manifeste pour une révolution postnationale en Europe.
On ne saurait donc être plus clair. Il n'en reste toutefois rien dans son "plan pour l'Europe". Ce n'est que sur la page destinée aux Espagnols qu'il assume encore sur son site Internet le "besoin d'une Europe fédérale". Qu'on le partage ou non, il s'agirait pourtant d'un projet porteur d'une véritable vision pour l'Union européenne de demain.
Loin du PS, qui fait campagne contre l'austérité mais la pratique au gouvernement et la soutien à l'échelon union-européen. Loin de l'UMP, qui est membre d'un parti politique européen fédéraliste mais qui ne l'assume pas face aux électeurs français et joue durant la campagne électorale à "cachez ce Juncker que je ne saurais voir".
Ce qui me conduit à mon second point: la désignation, avant le scrutin, par les principaux partis politiques européens de leur candidat à la présidence de la commission européenne constitue une nouveauté. Un petit pas vers une vie politique européenne.
Or, même chez les démocrates et libéraux européens la situation semble confuse, puisqu'on compte pas moins de quatre programmes: celui de Guy Verhofstadt, celui de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE, le parti qui - autre source de confusion! - a pris le nom du groupe commun avec le PDE au Parlement européen), celui du Parti démocrate européen (PDE) et, enfin, celui des "Européens" UDI-MoDem.
Avec parfois de véritables différences entre le libéralisme décomplexé de l'ADLE et le tropisme franco-français anti-libéral de l'UDI-MoDem: réciprocité et respect des normes environnementales et sociales dans le commerce international (comme tous les partis politiques français, même si tous n'assument pas le mot protectionnisme...), convergences sociale et fiscale (comme tous les partis politiques français non souverainistes), gouvernement économique de la zone euro doté d'un budget propre (comme le PS), SMIC européen (comme le PS), etc.
Pis, outre le fait que le programme de Guy Verhofstadt n'est rédigé qu'en anglais (est-ce une façon de reconnaître qu'il ne s'adresse qu'à un petit milieu mondialisé?), les pages de son site Internet destinées aux ressortissants de chaque État membre ne sont pas toutes en langue nationale (Bulgares, Tchèques, Lettons, Slovènes, Croates, Estoniens, Hongrois, Lituaniens et Slovaques sont priés de parler volapük intégré anglais).
Le plus intéressant, c'est que le texte n'est pas le même... pour une campagne qui se veut pourtant pour la première fois transnationale!
Comme déjà indiqué, seuls les Espagnols sont gratifiés du "besoin d'Europe fédérale". Les Suédois, en revanche, se voient rassurés:
"L'approfondissement de l'intégration européenne ne conduit pas à une perte de souveraineté mais à une Suède plus forte dans le monde"
"En djupare europeisk integration leder inte till minskad suveränitet utan ett starkare Sverige i världen"
Au-delà d'appels répétitifs contre la bureaucratie et pour la poursuite des libéralisations, certains électeurs ont droit à un petit message personnalisé, euro-obligations pour les uns, libre-circulation des travailleurs pour les autres:
Italie: "Abandonner l'euro ou blâmer l'Europe n'est pas la solution à la crise actuelle. Il est certain que nous devons changer l'Europe. L'Europe doit être mise au service de ses citoyens et relever les défis que les États ne sont pas en mesure de faire seuls, comme la sécurité des frontières, les migrations de masse ou encore le changement climatique. L'Europe n'est pas une camisole de force, comme beaucoup continuent pourtant à le répéter. L'Europe est plutôt une opportunité de croissance et de développement au niveau local, régional, national et européen, aussi longtemps que nous la faisons agir comme un véritable Union. L'Europe doit prendre l'initiative de réduire la lourdeur excessive de la bureaucratie et de la réglementation, libérant le potentiel de ses industries et des petites et moyennes entreprises. Elle doit être fière de son "Made in", marque de haute qualité, de standard élevé et d'une véritable créativité. Il y a encore de nombreux marchés clés, tels que les secteurs des télécommunications, des transports et de l'énergie qui ont besoin d'une plus grande libéralisation. Cela va créer de nouveaux emplois, des entreprises plus robustes et innovantes et des prix plus bas pour les consommateurs. Il y a encore trop de marchés clés tels que les télécommunications, les transports et l'énergie qui doivent être davantage libéralisés. On doit également prévoir l'introduction d'euro-obligations pour encourager l'investissement productif et la croissance économique dans la zone euro."
"Abbandonare l’euro o colpevolizzare l’Europa non è la soluzione contro la crisi di oggi. È certo che dobbiamo cambiare l’Europa. L’Europa deve nuovamente essere messa al servizio dei suoi cittadini per affrontare le sfide, che i singoli stati, non sono in grado di fare individualmente, come la sicurezza delle frontiere, la migrazione di massa o ancora il cambiamento climatico. L’Europa non è una camicia di forza, come molti continuano a ripetere. L’Europa è piuttosto l’opportunità di crescita e sviluppo per ogni sua realtà locale, regionale, nazionale ed europea, a patto che la facciamo agire come una vera Unione. L’Europa deve dare l’esempio abbattendo l’eccesiva pesantezza della burocrazia e della regolamentazione, liberando le potenzialità delle sue industrie e delle piccole medie imprese. Deve essere orgogliosa portatrice del Made in, quale marchio di alta qualità, elevatissimi standard e genuina creatività. Ci sono ancora molti mercati chiave, come quelli delle telecomunicazioni, dei trasporti e dell’energia che necessitano maggiore liberalizzazione. Ciò creerà nuovi posti di lavori, imprese più robuste e innovative e abbasserà i prezzi per i consumatori. Inoltre, deve essere prevista l’introduzione di Eurobond per incoraggiare gli investimenti produttivi e la crescita economica nella zona euro."
Grèce: "Dans les années précédentes, nous avons vu une Union européenne qui a été lente à réagir à la crise, qui a gardé une attitude prudente face à la corruption et ne s'est pas engagée dans le combat pour les libertés civiles, à la fois chez elle et à l'étranger. Les Grecs ont été frustrés par l'UE, restée les bras croisés au lieu de prendre des mesures lorsque les choses ont commencé à aller mal, alors qu'elle était depuis longtemps au courant de ce qui se passait en Grèce. Nous devons réformer l'Union européenne. Nous avons besoin d'une nouvelle Union. Une Union agissante et déterminée à résoudre la crise avec plus d'unité budgétaire et économique Une Union dans des positions audacieuses sur les libertés civiles et la lutte contre la corruption. Nous avons besoin d'actes de l'Union et pas de paroles"
"Τα προηγούμενα χρόνια, είδαμε μία Ευρωπαϊκή Ένωση η οποία καθυστέρησε να αντιδράσει στην κρίση, κράτησε επιφυλακτική στάση έναντι της διαφθοράς και δεν δεσμεύτηκε στον αγώνα υπέρ των ατομικών ελευθεριών, τόσο στο εσωτερικό όσο και στο εξωτερικό. Οι ‘Έλληνες έχουν απογοητευτεί από την ΕΕ. Έμεινε άπραγη αντί να αναλάβει δράση όταν τα πράγματα ξεκίνησαν να πηγαίνουν στραβά και ενώ ήταν από καιρό ενήμερη για το τι πήγαινε στραβά στην Ελλάδα. Είναι ανάγκη να μεταρρυθμίσουμε την Ευρωπαϊκή Ένωση. Χρειαζόμαστε μία νέα Ένωση. Μία Ένωση ικανή και αποφασισμένη για την επίλυση της κρίσης με περισσότερη δημοσιονομική και οικονομική ενότητα. Μία Ένωση τολμηρή στις θέσεις της για τις ατομικές ελευθερίες και στον αγώνα κατά της διαφθοράς. Χρειαζόμαστε μία Ένωση των πράξεων και όχι των λόγων."
Roumains (et Bulgares): "Nous devons expliquer aux citoyens européens que la migration de main d'œuvre est bénéfique pour nous tous. Elle génère de la croissance économique et crée des emplois. Pour chaque nouveau travailleur migrant, il y a un nouveau salaire qui entraîne de la consommation et des investissements nouveaux. C'est ce qui maintient le moteur économique en route. Roumains/Bulgares peuvent maintenant travailler partout en Europe et nous en tirons tous profit. L'Union européenne a besoin de gens qui travaillent dur, quel que soit l'État membre dont ils viennent. Dans la prochaine législature, le Parlement européen doit viser l'élimination de tous les obstacles qui limitent aujourd'hui la libre circulation des travailleurs et un esprit d'entreprise ambitieux afin de créer une économie plus saine et plus juste."
"Trebuie să le explicăm cetățenilor europeni că migrația forței de muncă este benefică pentru noi toți întrucât generează creștere economică și duce la crearea de noi locuri de muncă. Pentru fiecare lucrător migrant există un salariu, care duce la investiție și consum, iar acest lucru pune în mișcare motorul economic. Românii pot lucra oriunde în Europa și noi toți beneficiem de pe urma acestui fapt. Uniunea Europeană are nevoie de mână de lucru calificată, de oameni care muncesc indiferent din ce stat membru vin ei. Viitorul mandat al Parlamentului European trebuie să ne determine să continuăm lupta pentru a elimina toate barierele, care stau în calea libertății de mișcare a forței de muncă și a antreprenoriatului ambițios pentru a crea o economie europeană mai sănătoasă și mai echitabilă."
Photo guyverhofstadt.eu
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Commentaires
Pour toi l'alde a un programme plus européen que les verts? En quoi?
Bien à toi
Écrit par : Romain Blachier | 14 mai 2014
Effectivement, je mettais EELV au même niveau, mais le écologistes vont peut-être un peu plus loin dans l'approfondissement de l'intégration européenne: "Europe fédérale" (ils assument le mot!), referendum le même jour dans toute l'UE sur une Constitution, listés transnationales aux européennes.
Je vais donc en effet mentionner EELV dans ma note!
Cela dit, ils sont depuis le TSCG et sans Daniel Cohn-Bendit davantage dans la critique de l'UE que dans la promotion de leurs idées fédéralistes...
Bien à toi!
Écrit par : Laurent de Boissieu | 14 mai 2014
L'amnésie est le propre de la plupart des hommes politiques à moins de faire enfin preuve de lucidité, tel est, peut-être, le cas de Guy Verhofstadt, mais pas celui de Daniel Cohn-Bendit.
Écrit par : cording | 15 mai 2014
Cette note met en avant les "oublis" de Guy Verhofstadt et l'éventuelle multiplicité de ses discours.
Je trouve au contraire que Guy Verhofstatd a un discours particulièrement clair en faveur du fédéralisme (je viens d'écouter une interview de lui sur France Info, mise en ligne sur son site), et beaucoup plus clair que celui de ses 2 grands concurrents, Juncker et Schulz, et de leurs représentants en France (respectivement UMP et PS), qui tentent plus de ménager la chèvre et le chou. Verhofstatd "assume" bien, même s'il sait que libéralisme ou fédéralisme sont presque des gros mots en France.
Quand aux discours différents d'un pays à l'autre, je ne sais si les autres candidats font mieux. Il est aussi logique et classique dans une élection de s'adresser avec des nuances à un électorat ou à un autre. Les hommes politiques français eux-mêmes ont-ils toujours exactement le même discours face à des agriculteurs du Lot, à des banquiers parisiens, à d'anciens ouvriers lorrains et à des retraités niçois ?
Écrit par : Libéral européen | 20 mai 2014
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