24 octobre 2013
Droit du sol: lepénisation de l'UMP ...ou républicanisation du FN?
Quelques réflexions sur le débat autour du droit du sol.
Il convient selon moi de distinguer:
- Les partisans d'un droit du sol "passif", celui actuellement en vigueur (en sus du droit du sang). Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert, de plein droit et de façon automatique, la nationalité française à ses 18 ans (s'il respecte certaines conditions liées à la durée de sa résidence en France).
- Les partisans d'un droit du sol "actif", tel qu'il fut appliqué entre 1993 et 1998. Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert, de plein droit et s'il en manifeste la volonté, la nationalité française à ses 18 ans (s'il respecte certaines conditions liées à la durée de sa résidence en France). Il s'agit depuis longtemps de la position de la droite.
- Les partisans du droit sol (qu'il soit "passif" ou "actif"), à l'exception des enfants nés de parents étrangers en situation illégale sur le territoire français. Cette idée fait l'objet de la récente pétition lancée par Jean-François Copé en tant que président de l'UMP: "Je pense qu'une personne entrée illégalement en France n'a pas vocation à y rester. La question du droit du sol pour les enfants de clandestins doit à cet égard être posée. Il ne s'agit bien sûr pas de supprimer le droit du sol, mais de l'interdire pour ceux qui ne respectent pas la loi. La nationalité ne doit pas récompenser l'illégalité".
Il est donc malhonnête de faire croire que l'UMP proposerait de supprimer le droit du sol alors qu'elle propose uniquement de le conditionner à une présence légale sur le territoire français.
- Les opposants au droit du sol. Telle est depuis longtemps la position du FN, le projet de Marine Le Pen proposant la "suppression du droit du sol". Cette position est contraire à la tradition républicaine française depuis la Deuxième République (reprenant là la tradition monarchique).
À noter d'ailleurs que l'ex-chevènementiste Florian Philippot, vice-président du FN, semble vouloir infléchir ce qui constitue pourtant un des fondamentaux du lepénisme: "Il convient ainsi de mettre fin à l'attribution automatique de la nationalité pour les enfants nés de parents étrangers" (communiqué). Or, mettre fin au droit du sol automatique, ce n'est pas ou plus le supprimer purement et simplement. En étant provocateur, on pourrait donc moins parler de "lepénisation de l'UMP" que d'amorce, sur ce point précis, de républicanisation d'une partie du FN. Un militant politique anti-FN le regrettera, mais le citoyen non partisan que je suis ne peut que s'en féliciter.
[Ajout 26/10/2013. Entretien intéressant sur le sujet avec la juriste Marie-Laure Basilien-Gainche: "Le projet de l’UMP est très flou"]
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Commentaires
Le problème de la position de Copé, c'est qu'elle est complètement irréaliste sur le plan pratique, et injuste sur le plan philosophique. En effet, le mineur n'a pas juridiquement à bénéficier d'un titre de séjour (en d'autres termes, un mineur ne peut être présent illégalement sur le territoire). Dès lors, pourquoi la situation administrative de ses parents aurait-elle des conséquences sur la sienne - qui plus est, 18 ans plus tard ? Par ailleurs, quand doit s'apprécier la situation administrative des parents : à la naissance de l'enfant ? Quid s'ils sont régularisés par la suite ? Sans même parler des éventuelles contestations ultérieures de la paternité. Bref, le droit du sol possèdes aussi la vertu de la simplicité - ce n'est pas une justification suffisante, évidemment, mais c'est à prendre en compte.
Quant au FN, on y trouve autant de positions sur la nationalité et la définition de l'identité française que de militants, ou presque...
Par ailleurs, sur la tradition du droit du sol, d'après Wikipedia il existait déjà sous l'ancien régime, et n'a pleinement été rétabli (après sa suppression par le Code civil napoléonien) qu'en 1889.
Enfin, le droit français de la nationalité est en réalité pour une partie importante un droit du sang, puisque toute personne née d'au moins un parent français, en France ou à l'étranger, est française.
Écrit par : Joël Gombin | 25 octobre 2013
Tu soulèves de vraies questions (j'objecte simplement qu'un mineur, par définition, dépend de ses parents et qu'il est donc normal que sa situation dépende jusqu'à sa majorité de la situation de ses parents: le principe qu'un enfant né de clandestins ne bénéficie pas du droit du sol et ne possède à ses 18 ans que la nationalité de ses parents n'a donc rien de choquant en soi). Bref, il serait bien de connaître avec plus de détails la proposition de Jean-François Copé.
Quant à l'assimilation du futur Français, elle dépend en effet selon moi davantage de sa scolarisation dans l'école publique (enfin, telle qu'elle devrait être...) - et là il y a peut-être quelque chose à revoir dans les conditions liées à la durée de résidence en France - que de la situation juridique de ses parents, dans ou hors la loi. Paradoxalement, un enfant de parents étranger qui vit en France depuis l'âge de six mois et parfaitement assimilé devra être naturalisé tandis qu'un enfant né en France de parents étrangers mais qui a ensuite vécu entre deux pays et dans une famille non intégrée ici sera automatiquement Français à 18 ans (s'il a eu depuis l'âge de 11 ans sa résidence effective et habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins 5 ans).
À propos du FN, je suis d'accord sur la diversité interne mais je tenais à insister dans ma note sur le caractère inédit de la prise de position implicite de Florian Philippot sur ce point de programme fondamental.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 25 octobre 2013
Je partage votre opinion et voici ce que j'écrivais le 24 octobre : http://0z.fr/KLFPI
Écrit par : santo | 25 octobre 2013
Le droit du sol issu de la tradition républicaine française de la deuxième République n'est que la reprise d'une tradition issue de la monarchie française d'Ancien Régime qui faisait de tout résident dans le royaume un sujet du roi.
Écrit par : cording | 25 octobre 2013
Sur le droit du sol sous la monarchie, je ne dis pas le contraire! Mais je l'ajoute dans ma note puisque cette précision revient dans les commentaires ;)
Écrit par : Laurent de Boissieu | 25 octobre 2013
Parler de droit du sol sous la monarchie, c'est anachronique puisqu'on ne fait pas référence à la même chose.
Actuellement, il s'agit du statut de citoyen, c'est à dire le droit de vote et le droit de rester sur le territoire national (et donc d'y percevoir des prestations sociales). Toutes choses qui n'existaient pas sous l'ancien régime...
Dans le numéro du Débat de cet été, portant sur l'enseignement de l'histoire, on en plaisante : l'un des auteurs remarque que l'attachement de la gauche au droit du sol est peut-être lié aux pouvoirs magiques qu'elle prête à la terre de France (qui ferait automatiquement de ceux qui naissent dessus des citoyens français).
Il s'agit sans doute d'une allusion à des positions de l'extrême droite avant guerre ('pas un gramme de terre française à la semelle de ses souliers', etc).
Le même numéro remarque à plusieurs reprises, par un raisonnement d'ailleurs contestable, qu'il est de plus en plus difficile de savoir quoi enseigner et comment, compte-tenu de la diversité des origines des élèves.
Le raisonnement est contestable : dans le fameux 'nos ancêtres les gaulois', ne faut-il pas voir aussi et avant tout une histoire institutionnelle de la France...? Qui resterait donc commune aux élèves de différentes origines.
Mais cela n'en reste pas moins une source de tensions et de problèmes.
Donc, l'idéologie qui voudrait faire du droit du sol un élément inamovible car lié à l'ancien régime fait sourire, surtout venant d'héritiers présumés et acharnés de la Révolution française. Ils sont déjà en train de laisser tomber la laïcité, jusqu'où iront-ils ?
Écrit par : ted | 27 octobre 2013
Merci pour cette contribution. J'ai justement à côté de moi ce numéro du Débat ...mais dans une pile avec beaucoup (trop) d'autres lectures en retard...
Écrit par : Laurent de Boissieu | 27 octobre 2013
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