25 mars 2013
"Manif pour tous" et gaz lacrymogènes
Quelques réflexions au sujet de la "Manif pour tous", des familles et des gaz lacrymogènes:
1. Au nom de la liberté d'expression et de manifestation, il est normal en démocratie de pouvoir manifester sans recevoir du gaz lacrymogène ou des coups de matraque. Il est d'ailleurs odieux de disqualifier les opposants au "Mariage pour tous" en qualifiant en soi cette opinion d'homophobe. Certes, malheureusement l'homophobie existe, et en France les tribunaux sont heureusement là pour la condamner, mais l'homophobie n'est pas consubstantielle de l'opposition au mariage des couples de personnes de même sexe.
2. Il est normal si on décide de manifester sans autorisation ou de détourner l'itinéraire déclaré d'une manifestation de se heurter aux forces de l'ordre: aux individus concernés d'assumer s'ils sont aspergés de gaz aérosols ou reçoivent des coups de matraque. Lors de la "Manif pour tous" de dimanche, ce fut le cas en réaction aux "actions isolées" d'une "petite minorité" (la Préfecture de police de Paris dénombre 98 interpellations sur 300.000 manifestants*), parfois liée aux groupuscules d'extrême droite (un de leurs militants a tweeté une photo du fourgon de police où il se trouvait).
3. Il est irresponsable de participer avec ses enfants à une manifestation non autorisée, de vouloir détourner avec ses enfants l'itinéraire déclaré d'une manifestation ou de rester avec ses enfants là où une manifestation dégénère. Je l'ai dit hier au sujet de manifestations illégales d'étrangers en situation irrégulière, je le dis de nouveau aujourd'hui au sujet de la "Manif pour tous": le père que l'on voit sur cette vidéo qui circule sur Internet, avec la volonté assumée de faire de son enfant un "bouclier humain", est irresponsable. Mais qui regarde ces images honnêtement voit bien que cet homme au comportement isolé est désapprouvé par la quasi-totalité des autres manifestants et se fait fermement repousser par le service d'ordre de la "Manif pour tous".
4. Certaines personnes qui manifestaient ont en effet reçu du gaz lacrymogène alors qu'elles ne participaient pas et n'étaient pas à proximité des débordements de la place Charles de Gaulle en direction des Champs-Élysées. La "Manif pour tous" ayant été une grande réussite en terme de mobilisation, tous les manifestants n'ont pas pu atteindre l'avenue de la Grande Armée. Certains ont donc été refoulés avenue Foch puis avenue Carnot et dans les rues avoisinantes. C'est là que la réaction des forces de l'ordre semble avoir été disproportionnée et non mesurée, avec usage de gaz lacrymogène sur des manifestants pacifiques et responsables, qui ne souhaitaient pas aller sur les Champs-Élysées, périmètre interdit, mais simplement rejoindre l'avenue de la Grande Armée.
À qui la responsabilité? Selon moi, elle est partagée:
- la Préfecture de police, qui a semble-t-il sous-estimé la mobilisation. D'après le préfet de police, l'itinéraire déclaré par les organisateurs "était suffisamment vaste": peut-être, mais le fait est que les forces de l'ordre empêchaient les manifestants, piégés dans un entonnoir dans les avenues et rues voisines, d'accéder avenue de la Grande Armée.
- le jusqu'au-boutisme d'une partie des organisateurs, qui, comme le souligne la Préfecture de police, "ont joué avec le feu en continuant, jusqu'à l'avant-veille de la manifestation, à distribuer des tracts «tous sur les Champs-Élysées le 24 mars»".
- les groupuscules extrémistes, qui avaient dès le début exprimé l'intention d'occuper les Champs-Élysées et sont passés à l'action.
* Le organisateurs dénombrent, eux, 1.400.000 personnes.
N.B. je n'y étais pas, et je n'ai pas couvert la manifestation; cette note - je reconnais là sa faiblesse - est donc uniquement issue de témoignages que j'ai pu lire ou recueillir et d'images que j'ai pu visionner.
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21 mars 2013
Impôt sur le revenu: comparaisons historiques et internationales
Quelques rappels, à l'heure où la question du taux d'imposition revient dans le débat public (malheureusement via une taxe usine à gaz et non via l'impôt sur le revenu).
Historique du taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu en France:
1934: 42 %
1935: 50,4 %
1938: 69,3 %
1948: 70 %
1955: 77 %
1959: 71,5 %
1967: 81,3 %
1972: 60 %
1980: 75 %
1986: 58 %
1996: 54 %
2001: 52,8 %
2002: 49,6 %
2003: 48,1 %
2006: 40 %
2010: 41 %
2012: 45 %
Sources: Thomas Piketty (1915-1998) puis mise à jour personnelle
Comparaison du taux d'imposition maximal sur les revenus au sein de l'Union européenne
Suède: 56,6 %
Belgique: 53,7 %
Royaume-Uni: 50 %
Allemagne: 47,5 %
France: 46,8 %
Union européenne (moyenne): 38,1 %
Bulgarie: 10 %
Source: Eurostat (2012) - le mode de calcul retenu explique la différence du taux français.
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19 mars 2013
Élection législative partielle #circo6002: les gagnants et les perdants
Une élection législative partielle s'est déroulée dimanche 17 mars dans la 2e circonscription de l'Oise, après l'annulation de l'élection de Jean-François Mancel (UMP). Ayant obtenu moins de 12,5% des inscrits, la candidate du PS (Sylvie Houssin) a été éliminée. Le second tour opposera donc l'UMP et le FN (Florence Italiani).
Je vous propose trois graphiques pour illustrer le vote comparé des électeurs de la circonscription aux premiers tours des élections législatives de juin 2012 et de l'élection partielle.
La forte abstention - à l'origine de l'élimination de la candidate PS - explique les pertes en voix de l'ensemble des catégories politiques.
Ceux qui sont stables:
- l'extrême droite (en 2012: FN + Parti de la France; en 2013: FN)
- au sein de la gauche, le Front de gauche
- l'extrême gauche (en 2012: LO + NPA; en 2013: LO)
Les gagnants:
- l'UMP (en 2012: y compris 470 voix et 0,9% des suffrages exprimés du candidat Debout la République classé divers droite par le ministère de l'Intérieur)
- le FN, qui sera en duel avec l'UMP et non plus en triangulaire UMP-PS-FN au second tour
Le perdant:
- au sein de la gauche, le PS
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12 mars 2013
L'extrême droite divisée sur la collectivité territoriale d'Alsace
Je vous invite à lire mon article publié sur La-Croix.com:
http://www.la-croix.com/Actualite/France/L-extreme-droite...
13:43 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer | |
10 mars 2013
Chávez, c'est De Gaulle plus Gustavo Gutierrez
L'actualité permet parfois de déceler les vrais clivages politiques de fond, au-delà des étiquettes partisanes. C'est actuellement le cas avec les réactions à la mort d'Hugo Chávez.
Les propos du ministre PS Victorin Lurel viennent de provoquer une polémique: "Toute chose égale par ailleurs, Chávez c'est De Gaulle plus Léon Blum (...) Le monde gagnerait à avoir beaucoup de dictateurs comme Hugo Chavez puisqu'on prétend que c'est un dictateur".
La comparaison idéologique (*) entre De Gaulle et Chávez rejoint mon analyse, puisque cela fait longtemps que je qualifie Chávez de "De Gaulle vénézuélien": appel direct au peuple, souveraineté et indépendance nationales, État fort, progrès social, mais aussi - quitte à ma fâcher avec mes amis gaullistes - personnalisation et mise en scène du pouvoir, ainsi qu'une interprétation parfois plus personnelle que juridique des institutions.
Bien entendu, il existe aussi des différences. Le Venezuela de Chávez flirte, il est vrai, avec l'autoritarisme - mais sans jamais basculer de la démocratie vers la dictature -, de même qu'il est socialement plus avancé que la France de De Gaulle (il correspondrait donc sur ce point à la minorité gaulliste "de gauche" et non, bien évidemment, à la majorité gaulliste "de droite").
Mais Hugo Chávez est sans conteste idéologiquement plus proche de De Gaulle que la plupart de ceux qui se réclament aujourd'hui du gaullisme, crient au "populisme" lorsqu'on leur parle du peuple, et récusent en pratique si ce n'est en théorie les piliers du gaullisme que sont la souveraineté et l'indépendance nationales ou encore l'interventionnisme économique et social de l'État.
Ce qui est en revanche étrange dans les propos de Victorin Lurel, c'est la comparaison avec Léon Blum. Ce dernier était davantage une sorte de François Hollande de l'époque: une appartenance à la droite du parti socialiste (tellement loin de la révolution bolivarienne!), un positionnement tactique au centre du parti socialiste lorsqu'il a fallu le gérer, un réel décalage entre le discours et la pratique ("peur du qu'en-dira-t-on communiste": Blum avait un discours marxiste et une pratique sociale-démocrate, Hollande a un discours social-démocrate et une pratique sociale-libérale). Sans même parler de la personnalité et du style si opposés de Blum (ou Hollande) et de Chávez, ce dernier étant bien plus en phase avec Jean-Luc Mélenchon!
Et s'il faut absolument comparer Hugo Chávez avec une personnalité socialiste historique, je pencherais plutôt pour le Belge Henri De Man, y compris - je le concède - la triste dérive ultérieure de certains planistes français.
Reste que la meilleure comparaison serait selon moi plutôt le théoricien de la "théologie de la Libération", Gustavo Gutierrez.
Bref, contrairement à ce que dit Victorin Lurel, Chávez ce n'est pas De Gaulle plus Léon Blum, c'est plutôt De Gaulle plus Gustavo Gutierrez!
(*) Historiquement, en revanche, Chávez ne possède forcément pas la dimension du De Gaulle du 18 Juin 1940 et de la Résistance.
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