23 novembre 2011
Pourquoi je demeure contre le droit de vote des étrangers
La question du droit de vote et d'éligibilité des étrangers (1) revient dans le débat politique. En tant que citoyen, j'y suis franchement et résolument hostile.
Pour deux raisons essentielles:
1. Lien indissociable entre citoyenneté (droit de vote) et nationalité - je ne développe pas cette idée, maintes fois expliquée par des politologues, des juristes, des philosophes et des politiques.
2. Lutte contre le tribalisme et le communautarisme, qui tendent à faire passer avant l'appartenance à la communauté nationale des appartenances que la République se doit par nature de ne pas reconnaître (fondées sur l'origine géographique, la couleur de peau, la religion, etc.).
La seule inégalité légitime en République est en effet celle fondée sur la distinction entre nationaux et résidents étrangers (qui n'ont, précisément, pas le droit de vote ou pas accès à certains emplois publics), les citoyens étant, eux, égaux devant la loi sans distinction d'origine, de race supposée ou de religion. Ceci contrairement au discours d'extrême droite consistant à trier les Français en fonction de leur origine (expression "Français de souche") ou de leur religion (hier les Français protestants ou juifs, aujourd'hui les Français musulmans).
Réserver le droit de vote aux seuls nationaux (parallèlement à la suppression de la binationalité en cas de naturalisation), c'est donc favoriser l'assimilation républicaine en participant de la prise de conscience de la part des Français d'origine étrangère que leur communauté de destin c'est désormais celle qu'ils forment avec tous leurs concitoyens Français (avec lesquels ils partagent des droits exclusifs (2)), et non pas, par exemple, avec leurs voisins de palier étrangers, même s'ils possèdent la même origine, la même couleur de peau ou pratiquent la même religion qu'eux.
En réalité, pour être honnête, il n'y a qu'un argument valable à mes yeux en faveur du droit de vote des résidents étrangers: à défaut de rétablir le lien indissociable entre citoyenneté et nationalité, rompu par l'actuelle construction européenne (traité de Maastricht), ce serait le seul moyen de noyer en quelque sorte la "citoyenneté européenne", qui fait qu'un Français est aujourd'hui artificiellement sensé se sentir plus proche d'un Letton ou d'un Bulgare que d'un Marocain ou d'un Québécois.
(1) Le terme "immigré", qui ne signifie juridiquement rien (même si des ignares parlent du "droit de vote des immigrés"), est à proscrire au profit des seules notions de Français et d'étrangers, "comprendre par-là ‹non citoyens de la République Française› et pas quelque autre fantasmagorie", comme le souligne joliment Brath-z sur son blog.
(2) C'est d'ailleurs pour cette raison que Dominique de Villepin propose son "revenu citoyen", comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner.
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Commentaires
L'argumentation développée ici se tient bien, même si je regrette la petite pique anti-européenne qui l'accompagne.
Mais, pour le plaisir de la controverse, j'ajouterai un bémol sur le terme immigré. J'ai longtemps tenu la même position que Laurent. Et, effectivement, il faut faire attention à l'usage du terme qui n'est bien souvent pas adéquat.
Mais on ne peut nier pour autant que ce terme représente une réalité : français d'origine étrangère, français fils d'immigrés, étrangers présents en France depuis longtemps partagent souvent les mêmes difficultés et posent souvent les mêmes problèmes. Dans les faits, dans une banlieue populaire, il y a peu de différence entre - par exemple - un Algérien venu en France à 5 ans avec ses parents et un Français né en France de parents algériens. Dans la même classe d'école et la même cité, tiraillés entre deux culture (ou plutôt méconnaissant les deux), ne se sentant ni vraiment français, ni vraiment algérien, pensant (à tort) que leur avenir est bouché et donc qu'il n'est même pas la peine de tenter d'apprendre à l'école ou de s'intégrer dans le monde du travail, trouvant refuge dans une sous-culture de banlieue, dans les petits trafics voire parfois dans des racines mythique (l'islamisme), les deux auront la même trajectoire.
Le terme "immigré" est donc être justifié dans un certain nombre de cas - recherche sociologique, politiques publiques scolaires, politique de la ville pour casser des ghettos - pour lesquels il représente bel et bien une réalité, qu'on le veuille ou non.
Écrit par : Libéral européen | 24 novembre 2011
Je pense qu'il faut dissocier le droit de vote aux élections municipales du droit de vote aux autres élections locales et ,bien sûr, aux élections nationales. Tout ceci, sans modifier les conditions d'éligibilité bien entendu.
Que les personnes habitant dans une commune, depuis plus de 5 ans, par exemple ,aient le droit de vote serait un facteur d'intégration, le premier pas vers une adoption de la nationalité française . On pourrait donc considérer ce premier droit de vote comme un sas, une forme de reconnaissance qui montrerait aux étrangers que la France est prête à les accueillir comme des français à part entière.
Écrit par : Philippe Gorisse | 24 novembre 2011
Philippe Gorisse > Le droit de vote est un tout, conséquence élémentaire de l'indivisibilité de la République. Par conséquent, le fait d'avoir dissocié droit de vote aux élections municipales et européennes des autres en permettant aux étrangers ressortissants d'états de l'Union Européenne d'y prendre part n'a pu être rendu acceptable qu'en signe de bonne volonté dans le cadre de la "construction européenne" (et même cela me semble personnellement bien dur à avaler...).
En l'absence de tout projet semblable impliquant les pays du monde entier, instaurer ainsi une exception (qui porte atteinte à la condition même de citoyen) ne peut se justifier.
Écrit par : Brath-z | 24 novembre 2011
@Libéral européen
« Dans les faits, dans une banlieue populaire, il y a peu de différence entre - par exemple - un Algérien venu en France à 5 ans avec ses parents et un Français né en France de parents algériens. »
Question nationalité, il n'y a aucune différence. Les 2 enfants sont algériens et pourront être français vers 16 ans.
Écrit par : nom | 24 novembre 2011
« Lutte contre le tribalisme et le communautarisme, qui tendent à faire passer avant l'appartenance à la communauté nationale des appartenances que la République se doit par nature de ne pas reconnaître (fondées sur l'origine géographique, la couleur de peau, la religion, etc.).’
C’est là le risque !
Une anecdote : Ce « témoignage » n’est pas unique, je l’ai vécu à de nombreuses reprises.
J’ai été bénévole dans une association caritative située dans une cité à forte densité d’origine immigrée. La distribution de colis alimentaire nécessitait au préalable la constitution d’un dossier avec composition de la famille, ressources du foyer, dépenses, etc.…je reçois une dame maghrébine, voilée, d’un certain âge. Impossible d’avoir un dialogue, elle ne maîtrise pas le français. Tant bien que mal, je lui fais comprendre qu’il serait préférable qu’elle revienne accompagnée.
Quelques heures plus tard, elle revient accompagnée par un jeune homme ; C’est son fils !
Elle me présente le livret de famille et je constate que c’est bien son fils, qu’il a 25 ans et qu’il est né à l’hôpital de Gonesse (Val d’Oise) France.
Que voit-on ? Une femme qui est en France depuis au moins 25 ans, qui ne maîtrise pas le français, qui est analphabète et à qui on voudrait donner le droit de vote !!!!
N’est-ce pas mettre le doigt dans un engrenage dangereux ?
Écrit par : Barreti Laurent | 25 novembre 2011
@Laurent Baretti : résider en France depuis au moins 25 et ne pas pouvoir s'exprimer en Français pour des choses simples, ça me paraît impossible, sauf à avoir affaire à un cas de retard mental.
Écrit par : Libéral européen | 25 novembre 2011
@Libéral européen: Il vous suffit de faire un tour dans des cités telles que Trappes, Mantes la jolie, Garges les Gonesse, Clichy s/bois pour s’en rendre compte, mais on peut toujours refuser d’admettre la réalité…..
Ceci dit j’ai bien précisé « qu’elle ne maîtrisait pas le français ».
Et combien même aurait-elle des éléments de langages « simples », est-ce suffisant pour s’informer, lire un programme ou une profession de foi ? N’est-ce pas risquer de voir certains groupes lui dire le « bon choix » ?
Écrit par : Barreti Laurent | 25 novembre 2011
Pour avoir longtemps vécu à Saint Denis, j'ai eu en effet l'occasion d'observer que de nombreux étrangers présents de longue date en France ne maitrisaient que fort peu la langue, à peine de quoi dire "bonjour", "au revoir", etc.
C'est peut-être une impression de ma part, mais il me semble que ce phénomène s'est généralisé dans certains quartiers depuis quelques années (je dirais depuis 2003-2004), au point qu'on puisse se demander parfois si la langue principalement parlée dans ces endroits est le français. Après tout, il semble logique que des étrangers parlant la même langue ou des langues proches entre elles s'installent les uns à côté des autres, histoire de ne pas se retrouver trop handicapés au quotidien vis-à-vis du voisinage. Un genre de généralisation des "quartiers algériens" (les guillemets s'imposent car il n'y a là aucun statut légal) des cités-dortoirs ouvrières dans les années 1960-1970.
En revanche, ça pose problème aux enfants de ces familles étrangères, qui peuvent moins que d'autres s'assimiler à la culture (et notamment à la langue) française.
Écrit par : Brath-z | 25 novembre 2011
Donner le droit de vote aux immigrés lors des élections locales serait une erreur. En effet la modification du corps électoral des municipales et des autres élections locales faites en y adjoignant des étrangers non communautaires mettrait ces derniers en position d’arbitre de consultations se gagnant à la marge. Accorder ce droit de vote créerait automatiquement des tensions entre Français et étrangers non communautaires.
J'insiste sur ce point : ce droit de vote deviendrait une des causes du racisme.
Pour les étrangers communautaires il n'y a pas de problèmes puisqu’il existe des systèmes de réciprocité qui favorise, par nos concitoyens, l’acceptation de ce droit de vote des étrangers.
La mise en œuvre du droit de vote aux immigrés lors des élections locales est plus propre à semer la discorde qu’à favoriser l’intégration des non communautaires, alors que les conditions pour devenir Français, et donc pouvoir légitimement voter à toutes les élections, sont souples. En particulier notre pays accepte la bi nationalité.
Devenir national est une possibilité largement ouverte et constitue le meilleur instrument d’intégration. Le préserver nécessite de ne pas morceler les attributs qui lui sont liés.
Écrit par : aaa | 25 novembre 2011
Bonjour,
Je vous propose de venir débattre sur http://www.2012election.fr a propos de la prochaine élection présidentielle. Il y a un forum ou le débat sera le bienvenue.
Cordialement,
Écrit par : Geoffrey | 30 novembre 2011
C'est sympathique, mais, nous, on aime bien venir débattre ici, où les débats volent généralement à haut niveau.
Écrit par : Libéral européen | 01 décembre 2011
Et puis bon, moi, j'ai tiqué en lisant "autres" dans les catégories...
Même si je soutiens personnellement le candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon, je trouve limite insultant pour des personnes comme Philippe Poutou, Nicolas Dupont-Aignan, Corine Lepage, Christine Boutin, Hervé Morin, Jean-Pierre Chevènement, Nathalie Artaud, etc. d'être assimilées dans une seule catégorie "fourre-tout". D'autant plus que, de mon point de vue, on peut trouver bien plus de choses à dire à propos de ces candidats qu'à propos d'autres, plus "dominants".
Écrit par : Brath-z | 01 décembre 2011
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