16 juin 2010
Sarkozy contre Sarkozy
Certains mettront en avant le "pragmatisme" de Nicolas Sarkozy à propos de la réforme des retraites. Personnellement, je préfère parler de reniement de Nicolas Sarkozy.
En décidant de ne pas prendre en compte dans le calcul du bouclier fiscal la hausse d'un point de la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu (41% au lieu de 40% aujourd'hui), Nicolas Sarkozy remet en effet en cause un principe fondamental de sa politique.
Pas de ces mesures sur lesquelles - selon la conjoncture économique, social ou politique - on peut jouer. Non, de ces principes intangibles qui fondent une pensée politique (voir citations ci-dessous).
Finalement, en remettant en cause le bouclier fiscal, Nicolas Sarkozy reconnait donc lui-même l'erreur et l'échec du sarkozysme dans le domaine de la fiscalité.
Un principe fondamental du sarkozysme
"L'objectif qui consiste à limiter les prélèvements de l'État à un maximum de 50% doit être considéré comme un minimum. En l'occurrence, il ne s'agit ni d'économie, ni de politique, ni même de fiscalité... mais tout simplement de bon sens. Parce que, enfin, si l'on croit que toute peine mérite salaire et que chacun a le droit de profiter librement de ce qu'il a chèrement acquis, alors on doit se fixer comme règle que jamais la somme des prélèvements de l'État ne dépasse 50% de ce qu'un individu a pu gagner par son travail."
Nicolas Sarkozy, Libre (Robert Laffont/Xo Éditions, 2001)
"Poser le principe que nul ne peut se voir confisquer plus de 50% de son revenu par l'impôt direct, y compris la CSG et la CRDS, c'est aussi encourager le travail et la réussite. C'est mettre un terme à une fiscalité confiscatoire."
Nicolas Sarkozy, Ensemble (Xo Éditions, 2007)
"L'idée que l'on n'abandonne pas plus de la moitié de ses revenus aux impôts fait partie de la structuration politique et idéologique du quinquennat. La crise exige une priorité en sa faveur, mais rien ne serait pire que de renier des valeurs fondamentales parce qu'il y a la crise."
Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée, cité dans L'Express, 25/03/2009
"Je ne toucherai pas au bouclier fiscal car je crois au principe selon lequel on ne peut prendre à quelqu'un plus de la moitié de ce qu'il gagne. Si on laisse passer une exception, comme par exemple la CSG, ce n'est plus un bouclier."
Nicolas Sarkozy, entretien pour Le Figaro, 15/10/2009
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Commentaires
Je trouve ce commentaire un peu sévère à l'égard de Sarkozy. Certes, c'est évidemment un reniement de sa part et il est juste de la signaler. Mais il ne repose pas sur un remise au cause par Sarkozy du principe théorique du bouclier fiscal (les 50% des revenus, etc.), mais correspond à l'adaptation "comme on peut" à une situation exceptionnellement grave que constitue l'effondrement inévitable du système de retraite par répartition.
Moins que "l'erreur et l'échec du sarkozysme dans le domaine de la fiscalité." c'est surtout l'erreur et l'échec du système social français dans le domaine des retraites qui saute aux yeux. On ne devait surtout pas laisser le système tel quel dès lors qu'on constatait (à partir du début des années 1970) un ralentissement de la démographie. Puisque tout le système de la répartition reposait sur l'hypothèse d'une hausse infinie de la population active, dont on savait bien à partir des années 1970 qu'elle était fausse, ne pas réformer le système en profondeur, ceci à partir des années 80, était suicidaire ! On va commencer à en payer le prix.
Le maintien en l'état du système français de retraite par répartition reposait d'ailleurs sur la même illusion que le système des fameux prêts immobiliers subprimes américains qui reposaient, eux, sur l'hypothèse d'une hausse infinie des prix de l'immobilier. Beaucoup de beaux donneurs de leçon de la crise des subprimes en France se sont livrés (parfois volontairement) à un aveuglement parfaitement similaire concernant le système de retraite, et n'ont donc qu'à la fermer ! En particulier à gauche (il n'y a que des hommes politique de droite qui eu le courage de commencer à réformer le système - pour le sauver d'ailleurs : Chirac-Juppé en 1995, Chirac-Raffarin-Fillon en 2003, Sarko-Fillon en 2010).
Écrit par : Libéral européen | 16 juin 2010
"Ce reniement ne repose pas sur un remise au cause par Sarkozy du principe théorique du bouclier fiscal, mais correspond à l'adaptation "comme on peut" à une situation exceptionnellement grave que constitue l'effondrement inévitable du système de retraite par répartition."
-> Si pour s'adapter à la conjoncture il faut remettre en cause un principe fondamental de sa pensée politique, c'est bien la preuve que ladite pensée était erronée. Sans même parler de principe fiscal républicain (la progressivité de l'impôt sur le revenu), cela montre bien l'erreur intrinsèque du bouclier fiscal : faire peser toute éventuelle hausse des impôts sur les classes moyennes en préservant de fait les classes supérieures.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 16 juin 2010
Certes, votre raisonnement est juste Monsieur de Boissieu.
Il n'empêche que le reniement de Sarkozy me semble tout relatif au regard de l'enjeu du tsunami financier et social du système de retraite.
Écrit par : Libéral européen | 16 juin 2010
Mais il n'y a pas de "tsunami financier et social du système de retraite" ! La crise a peut-être accéléré l'approche du vide, mais la chute, tout le monde sait qu'elle nous attend en raison 1) de la démographie 2) de la concurrence européenne (sécurité sociale pesant sur le coût du travail en France et donc uniquement sur le prix des biens produits en France).
C'est d'ailleurs ce qu'il m'a semblé lire quelques lignes plus haut ("à partir du début des années 1970")...
Bref, la question n'est pas là la réforme des retraites (dont j'ai déjà parlé dans une précédente note), mais la reconnaissance par Nicolas Sarkozy que le sarkozysme dans le domaine de la fiscalité a échoué et était une erreur.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 16 juin 2010
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