24 novembre 2009
Au vote, citoyens !
Via FrédéricLN, je tombe sur un billet d'Authueil (que je découvre à cette occasion avec intérêt). Pour résumer, tout présidentiable relèverait par nature de la "psychiatrie lourde". Et vlan pour De Gaulle, Mitterrand, Lecanuet, Pompidou, Poher, Duclos, Defferre, Rocard, Giscard d'Estaing, Chaban-Delmas, Chirac, Marchais, Barre, Le Pen, Jospin, Balladur, Sarkozy, Royal et Bayrou. Tous dans le même sac ! Tous psychologiquement déséquilibrés !
Que propose notre blogueur zinfluent ?
Si on veut que ça change, il faudrait déconcentrer le pouvoir politique, ramener la présidence de la république à un niveau plus modeste. Il faut ensuite limiter au maximum la désignation directe des dirigeants suprêmes par le peuple, au profit d'une sélection indirecte. C'est ce que font tous les pays qui ont une bonne gouvernance : les pouvoirs sont équitablement répartis et le chef est désigné par le parti qui a remporté les élections.
Tout d'abord, si l'on retranche par nature les sept monarchies, l'élection présidentielle au suffrage universel direct est majoritaire au sein des vingt républiques que compte l'Union européenne (douze États membres : Autriche, Bulgarie, Chypre, Finlande, France, Irlande, Lituanie, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie et Slovénie).
Ensuite, le principe de la démocratie c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. En démocratie, une décision légitime ne peut donc qu'émaner du peuple, directement (référendum) ou indirectement (élection de représentants, au suffrage universel direct ou indirect). Or, par définition, plus on s'éloigne du suffrage universel direct, plus on s'éloigne de la démocratie.
L'élection présidentielle au suffrage universel direct est en outre l'unique élection (un référendum est une votation et non une élection) au cours de laquelle le peuple vote en un seul et même corps, dont le résultat ne dépend pas de la somme de "487 élections locales", comme disait en 1967 Charles de Gaulle.
Bref, il s'agit de l'élection la plus démocratique possible. Celle à l'occasion de laquelle le paysage politique peut se recomposer et une nouvelle force politique émerger (ce qui était également le cas, avant leur territorialisation, des élections européennes).
Sans oublier que le problème institutionnel aujourd'hui n'est pas celui des pouvoirs du président de la République mais, bien au contraire, celui de la pratique de Nicolas Sarkozy qui se comporte en premier ministre et non en président de la République.
Enfin, le blogueur Authueil parle de "gouvernance". Bel aveu ! Car la gouvernance, justement, c'est la notion avancée par l'"élite éclairée" qui souhaite rompre avec le principe d'un gouvernement démocratique afin de renvoyer à ses foyers un peuple qui ne vote pas toujours comme il faut.
À défaut de pouvoir changer de peuple, il s'agit au moins de le désarmer en multipliant les filtres entre le bulletin de vote et la décision politique...
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Commentaires
Merci pour le lien ; avant de poursuivre je précise que je ne rejoins pas Authueil (qui au passage, s'il faut classer les gens, est sarkozyste tandis que je suis bayrouiste), sur cette préconisation d'un suffrage indirect.
Cependant on peut souligner que le système français est bel et bien une aberration à l'échelle mondiale. Si on prend un autre point de vue, celui de The Economist dans son classement des démocraties du monde, l'un des critères est "le Parlement est-il l'institution politique suprême, avec une suprématie claire sur les autres pouvoirs d'État ?"
Ce corps intermédiaire entre le peuple et la décision politique est, selon les auteurs du classement, une condition de la démocratie, alors que vous y voyez une façon de "rompre avec le principe d'un gouvernement démocratique".
J'en déduis que le problème n'est pas dans le mode d'élection, mais banalement dans l'équilibre des pouvoirs ... et le multipartisme. Car très peu de démocraties sont viables quand un parti détient la majorité absolue. La clé du débat politique, y compris dans la France de la Vème République, ça a été la construction de coalitions par la négociation.
Écrit par : FrédéricLN | 24 novembre 2009
Quand je parle de psychiatrie lourde, ce n'est pas depuis 50 ans, mais depuis une dizaine d'années. Regardez donc le casting de 2002 et de 2007, dites moi qui, parmi les gros, était psychologiquement équilibré ? Jospin, Le Pen, Bayrou, Sarkozy, Royal ?
Ce que je constate, c'est que l'hyperconcentration des pouvoirs sur le président de la république créé un charge psychologique lourde sur son titulaire. Le processus de sélection ajoute encore à cela, avec un scrutin devenu crucial, qui commence un an avant, avec une pression énorme. Un personne psychologiquement équilibrée ne va sans doute pas s'embarquer dans cette galère. Trop couteux psychiquement. Pour y aller, il faut vraiment avoir un problème d'ego surdimensionné, une bonne dose de masochisme et une soif de pouvoir qui, à ce niveau là, relève pour moi de la pathologie. Le tryptique Bayou, Royal Sarkozy est sur ce point exemplaire !
Ce que je préconise, c'est que le pouvoir soit mieux réparti. Par exemple, que le premier ministre retrouve une vraie place, pas le simple directeur administratif qu'il est devenu depuis 2007. Je préconise aussi que le premier ministre ne soit pas élu directement (comme c'est le cas actuellement puisqu'il ne procède que du président) mais désigné par les députés, pour éviter l'hyperpersonnalisation des campagnes électorales au suffrage universel direct.
Cela n'empêchera pas de continuer à être en démocratie, dont vous semblez avoir une vision réductrice, limitée au scrutin uninominal direct.
Frédéric, je suis divers droite et certainement affilié à "isme" quelconque ;)
Écrit par : authueil | 24 novembre 2009
autheil > Tout cela ressemble furieusement à de la IIIème République mâtinée de "gouvernance" façon amérique-unienne (pour faire plaisir à M? de Boissieu) !
Sinon, mon opinion sur le sujet est que le concept de gouvernance est fondamentalement incompatible avec l'action politique française depuis un bout de temps (le règne de Louis XV, au moins) : si aux Etats-Unis d'Amérique (ou dans une moindre mesure au Royaume-Uni) les différents partis et formations politiques s'inscrivent tous - à quelques groupuscules près - dans un cadre conçu comme "limite" au changement (aussi bien économique, social, sociétal, institutionnel), en France, une grande tradition est d'avoir grosso-modo une bonne moitié de tendances et formations qui se proposent de modifier le système même dans lequel évolue politique le pays. La gouvernance, c'est plus ou moins de la gestion orientée dans un cadre indépassable. Le gouvernement, lui, peut consister en la fondation d'un nouveau mode de gouvernance (exemple récent : le passage d'un république indirecte et parlementaire à une démocratie représentative directe et exécutive - pour ne pas dire "présidentielle" - avec la Constitution de 1958). En France, pour des raisons que je n'ai pas totalement identifiées (pas eu le temps, mais ça fait partie de mes projets), on préfère le gouvernement à la gouvernance, la possibilité de changer le cadre de notre politique, tout comme on préfère la confrontation frontale et inconditionnelle entre majorité et oppositions au consensus pratiqué outre-Manche (ou, par exemple, à Bruxelles), qui ressemble assez à un "régime des partis" qui, historiquement, ne s'est installé que ponctuellement et toujours en "fin de règne" d'un régime (fin du Second Empire, fin de la IVème République, notamment).
Écrit par : Brath-z | 24 novembre 2009
Sans rentrer dans le fond du sujet (quoique), je me méfie comme de la peste du terme "gouvernance".
Même si, dans un sens certes différent, il a été utilisé autrefois en France, cette importation anglo-saxonne est suspecte. Ce mot :
*a un contenu anglosaxon bien précis notamment longtemps utilisé par le FMI (la "bonne gouvernance" selon les USA consiste par exemple à privatiser les services publics, comme s'il s'agissait d'un modèle unique à suivre), ce qui a permis de la diffuser dans le monde.
*a été utilisée à tort et à travers partout, notamment dans les entreprises. Il est devenu un argument à la mode du "marketing" "corporate" et du jargon du "consulting", avant le "développement durable". Halte à la généralisation du sous-jargon marketing ! On a parlé ensuite de gouvernance de l'hôpital, des universités, de la ville de Paris, de la région Aquitaine, de l'école du quartier, du cirque Pinder, etc. N'importe quoi.
Revenons aux valeurs sûres : les fresques du Palais public de Sienne notamment peintes par Ambrogio Lorenzetti autours de 1340, à la source de la Renaissance. Elles montrent les effets d'une bonne et d'une mauvaise politique. Cette oeuvre importante de l'histoire de l'art a toujours été appelée en français "Les effets du bon et du mauvais gouvernement" ("Allegorie ed effetti del Buono e Cattivo Governo" en italien). Ces mots simples et justes suffisent à se faire comprendre.
Écrit par : Libéral européen | 24 novembre 2009
@Libéral européen : tu tournes bien, je trouve ! :))
@FrédéricLN : normal, The Economist classe avec ses critères britanniques de la démocratie (parlementarisme dans le cadre d'une monarchie héréditaire). Mais c'est surtout la fin de votre commentaire que je trouve très intéressant :
"Très peu de démocraties sont viables quand un parti détient la majorité absolue" ...or le Royaume-Uni est l'exemple même d'un État où un parti détient la majorité absolue des sièges (avec un mode de scrutin uninominal à un tour : je doute que vous en soyez un chaud partisan !)
cf. http://www.europe-politique.eu/elections-royaume-uni.htm
"La clé du débat politique, y compris dans la France de la Vème République, ça a été la construction de coalitions par la négociation" : si la négociation a lieu avant les élections ou entre les deux tours des élections, pourquoi pas. Mais si la négociation a lieu après les élections législatives, dans le dos des électeurs, c'est un déni de démocratie !
Écrit par : Laurent de Boissieu | 24 novembre 2009
@authueil : il est vrai que vous avez précisé dans votre note que "depuis 2007, ça c'est même aggravé". Il est vrai également que certaines personnalités concernées relèvent peut-être de la psychiatrie (mais je n'irais pas jusqu'à écrire "lourde"...).
Mais ce qui m'a fait bondir dans votre note (même si j'ai par ailleurs trouvé votre blog très intéressant), c'est votre volonté de "limiter au maximum la désignation directe des dirigeants suprêmes par le peuple, au profit d'une sélection indirecte" (je ne vais pas répéter ici ce que j'ai déjà écrit plus haut).
Et je ne limite pas la démocratie au scrutin uninominal direct, mais je dis, en effet, que plus on s'éloigne du suffrage universel direct, plus on s'éloigne de la démocratie (je n'ai jamais parlé dans ma note des modes de scrutin, uninominal ou de liste).
Enfin, je suis d'accord pour que notre président de la République rende au premier ministre la place du premier ministre. Mais je ne vois pas trop ce qu'apporterait l'investiture du premier ministre par le Parlement (d'autant plus que s'est installée la partique de la déclaration de politique générale du gouvernement par application de l'article 49 alinéa premier).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 24 novembre 2009
L'élection présidentielle est loin d'être l'élection la plus démocratique.
Certes, comme c'est très justement dit dans cet article, elle est la seule ou le peuple vote comme un seul corps électoral. Ce qui est en cause n'est pas son mode : élection au suffrage universel direct, mais son résultat - l'élection d'un seul homme.
Ce système n'est pas le plus démocratique de part son résultat. Un homme qui a été choisi au 1er tour avec 31.18% des voix (et encore en 2002, ce fut avec 19.88%) se retrouve une semaine plus tard être paré de la dignité "d'élu à la majorité absolu des voix".
Ce système n'est pas "le plus démocratique", car il ne rend pas compte de la diversité des choix des électeurs... Oubliés tous les électeurs qui ont voté pour de "petits" candidats au profit des deux seuls qui iront au 2ème tour.
Il n'est pas "le plus démocratique" car il encourage très fortement une dérive du système démocratique : le "bipartisme". Il n'y a qu'à voir le "traumatisme" de 2002 et de la présence de JM Le Pen au second tour et les appels ensuite du PS au "vote utile" pour éviter que cela ne se reproduise et qui sont tout sauf une expression du "plus démocratique".
Ce qui serait l'élection la plus démocratique, ce serait celle de l'assemblée nationale au suffrage universelle directe et à la proportionnelle intégrale.
L'UMP obtient 31.18% des voix (score de Sarkozy au 1er tour de l'élection présidentielle), 31.18% des députés de l'assemblée nationale sont UMP.
Le PCF obtient 1.98% des voix (score de MG BUffet au 1er tour de l'élection présidentielle), 1.98% des députés de l'assemblée nationale sont PCF.
Voilà l'élection la plus démocratique possible... Mais qui pose bien des problèmes, et pourrait faire l'objet d'un très long article de blog, si ce n'est d'un livre entier.
Écrit par : pingouin094 | 24 novembre 2009
Je prends la balle au bond : oui ce serait le plus démocratique, mais celà créerait un système démocratique assez inefficace car difficilement gouvernable.
Le curseur entre efficacité et démocratie est délicat à manier. Mais, en tout état de cause, il ne doit pas aller plus loin du côté "démocratie" que les limites d'une stabilité et d'une efficacité minimum. Au risque de mettre en péril la démocratie elle-même.
Écrit par : Libéral européen | 24 novembre 2009
@pingouin094 : votre argumentation est intéressante, et on pourrait effectivement a priori considérer que l'élection la plus démocratique serait un suffrage universel direct sur liste nationale à la représentation proportionelle intégrale. C'est-à-dire grosso modo (sans le seuil de répartition des sièges) celui qui était en vigueur pour les élections européennes avant 2003.
Ce serait en tout cas le mode de scrutin dont le résultat en sièges refletrait le plus parfaitement le vote des électeurs. Mais il entraînerait forcément des négociations post-électorales entre les partis afin de former une majorité parlementaire de coalition. Bref, au final les électeurs voteraient sans savoir pour quelle majorité ! Nous serions donc très très loin de la démocratie...
En conclusion, le scrutin le plus démocratique pour les législatives serait celui qui trouve un bon équilibre entre la représentation du vote des électeurs et la formation d'une majorité stable. Comme vous dites, cela pourrait faire l'objet d'un très long article de blog, si ce n'est d'un livre entier !
Mais l'élection présidentielle joue un autre rôle que celui d'élire une assemblée parlementaire : il s'agit d'élire l'Homme de la nation, gardien des institutions au-dessus des partis. Je sais bien que Nicolas Sarkozy ne joue pas ce rôle que lui assigne les institutions gaullistes, mais c'est une autre histoire...
Cette élection au suffrage universel direct présente par ailleurs un autre avantage : c'est l'unique occasion de recomposer le paysage politique. Contrairement à ce que vous écrivez, c'est en effet la seule élection qui puisse casser le clivage droite-gauche. En 1969 comme en 2002, il n'y a ainsi pas eu de second tour droite-gauche (mais, respectivement, droite-centre et droite-extrême droite). C'est ce qu'a bien compris François Bayrou, au-delà des aléas électoraux. Ce qui provoque la bipolarisation (voire le bipartisme en cas de passage un jour de deux à un seul tour), c'est plutôt le mode de scrutin aux élections législatives
cf. http://www.france-politique.fr/bipolarisation.htm
Écrit par : Laurent de Boissieu | 24 novembre 2009
Dans le cadre d'une démocratie représentative (j'insiste sur ce point, ce n'est pas valable pour une démocratie directe ou à 100% participative), il me semble qu'on peut se baser sur l'un des deux principes suivants :
- soit l'élection de représentants compris comme des individus
- soit l'élection de représentants compris comme des porteurs d'idées
Dans le premier cas, ce qui préside au choix ce sont les qualités, les principes, les idées, les conceptions d'un homme (ou d'une femme, "homme" au sens large).
Dans le second cas, ce qui préside au choix ce sont les idées d'un courant de pensée.
Les deux principes me paraissent justifiables et justifiés, l'un ne pouvant guère être comparé à l'autre, que ce soit en terme de morale ou d'efficacité.
Le rationalisme fait préférer le deuxième critère au premier, suspecté d'être fondé sur une préférence affective là où le second est censément fondé sur une adhésion idéologique. Néanmoins, force est de constater que dans les deux cas on mêle sentiments et réflexion. Ce qui explique que bien souvent on mélange un peu les deux principes, puisque la distance entre l'idéal et la réalité se mesure à l'arrivée par celle entre le paradis terrestre et l'URSS (ça, c'est pour le quota de sentences godwiniennes), bien qu'on porte plus d'un côté que de l'autre.
J'ai l'impression qu'en France, la tendance est au premier principe (peut-être pour des raisons anthropologique), tandis qu'au Royaume-Uni, par exemple, c'est le second principe qui domine. Ceci-dit, les sénateurs français sont élus (grosso-modo et apparemment pour seulement 180 d'entre eux) au scrutin par liste - quoiqu'indirect, mais c'est un autre débat -, alors que les représentants britanniques sont élus par un scrutin uninominal - quoique tempéré par le quasi bipartisme.
Mon interprétation personnelle du cas français est que la "sensibilité" (concept totalement invalidé historiquement, mais c'est pas grave !) française porterait parfois à adhérer massivement à des "aventuriers" (Napoléon Ier et III, Boulanger, de Gaulle), qui transcenderaient les clivages et feraient exploser les frontières idéologiques (qui feraient "bouger les lignes", pour reprendre une expression de certains journaliste que j'abhorre) tout en brisant l'inertie du système en vigueur (chose que ne permet pas la "gouvernance"). On peut à mon avis faire remonter cette tendance au moins jusqu'au pacte capétien liant le peuple à la tête de l'état (le roi, à l'époque) pour tempérer le désir de la classe dominante d'exploiter à outrance ses privilèges. Le dernier exemple en date que j'ai en tête de ce type de pacte étant le CNR, où de Gaulle (la tête de l'état) s'engage à ce que les ouvriers, paysans et employés ne soient pas "trop" exploités tandis que le PCF (grosso-modo le peuple) s'engage à ne pas faire la révolution.
Écrit par : Brath-z | 25 novembre 2009
@Laurent de Boissieu : "Mais si la négociation a lieu après les élections législatives, dans le dos des électeurs, c'est un déni de démocratie !"
C'est pourtant exactement ce qui se passe dans la plupart des grandes démocraties, et des plus démocrates d'entre elles en particulier (Europe du Centre-Nord). Dont nos différents voisins ...
C'est aussi ce qui se passait en Italie jusqu'à l'actuelle loi électorale taillée sur mesure pour M. Berlusconi ... et c'est ce qui se passerait au Royaume-Uni si aucun parti n'y obtenait la majorité absolue, ce qui est tout à fait possible. C'est aussi ce qui se passe au Royaume-Uni dans toutes ses collectivités locales (où souvent il n'y a pas de majorité absolue). La même chose se produit dans beaucoup de pays hors d'Europe ... jusqu'aux Etats-Unis où les coalitions se construisent au Parlement, projet par projet ! Déni de démocratie, vraiment ?
Pour moi, les électeurs accordent leur confiance à des partis. Et ceux-ci cherchent à trouver un compromis entre leurs orientations, compromis qui tient évidemment compte du degré de confiance qu'ils ont chacun obtenue. Le représentant du parti ayant eu le plus grand nombre de sièges se voit confier la conduite de la coalition.
L'orientation opposée (plus radicale que la vôtre !) - selon laquelle la majorité des électeurs confie de façon définitive le pouvoir à des dirigeants sur la base de leurs engagements avant élection, et sans pouvoir en rediscuter après - s'appelle le "mandat impératif", et c'est la négation même du débat politique, donc de la démocratie.
Écrit par : FrédéricLN | 25 novembre 2009
@FrédéricLN : que cela soit ce qui se passe ou non ailleurs ne change strictement rien au fait que pour moi il s'agit d'un déni de démocratie. L'exemple le plus typique de ce déni de démocratie étant le Parlement européen : PS et UMP présentent des projets soit-disant différents durant la campagne électorale pour finalement adhérer au Parlement européen à deux groupes qui cogèrent au nom d'une affreuse culture du compromis.
Le mandat impératif est impossible, mais afin de rester en démocratie il doit tout de même y avoir un minimum d'impératif dans le mandat que les électeurs confient à leurs représentants. À commencer, il me semble, par le fait de savoir avec qui ils gouverneront (ou non) et sur quelles orientations générales (après, les circonstances changent forcément un peu la donne en cours de mandat).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 25 novembre 2009
Une expression qui me hérisse les poils sur le dos, c'est bien celle-là : "la plupart des grandes démocraties".
Soit on parle géographiquement, auquel cas il faut préciser de quels pays on parle (et ça se résume généralement aux Etats-Unis et au Canada, rarement on y rajoute le Brésil), soit on parle en terme de valeurs et là je dis stop : au nom de quoi quelqu'un peut se permettre d'affirmer que par les valeurs qui les sous-tendent les démocraties allemande (fondée sur l'ethnicité), amérique-unienne (fondée sur l'inégalité des citoyens), britannique (fondée sur l'obéissance à la couronne) etc. sont plus "grandes" (comprendre "dignes d'estime") que les démocratie française, polonaise, roumaine, iranienne, russe, etc.
On ne peut guère juger (s'il faut absolument le faire, ce que je récuse) les valeurs d'un régime (et plus particulièrement de la démocratie, sous quelque succédané qu'elle se présente) qu'à l'aune de son histoire (intérieure comme extérieure et prise dans son ensemble même si la tentation d'en jeter une partie peut être grande) et des grands courants de pensée (dont la plupart n'a d'ailleurs jamais été théorisée) qui ont animé ses diverses orientations politiques.
En France, tout laisse à croire (mais c'est peut-être en train de changer, en tous cas ça ne sera pas définitif, rien ne l'est jamais) que le consensus et la négociation entre structures officielles pour la bonne gestion du pays n'est pas une option très populaire. On préfère au contraire une politique franche, marquée et tranchée, quitte à faire chuter le parti à la faveur de la prochaine élection. Ça peut paraître aberrant à certains, mais en tous cas ça marche - la plupart du temps, comme du reste le régime du consensus outre-Manche - et ça correspond peu ou prou à un mythique "esprit français".
Écrit par : Brath-z | 25 novembre 2009
@ Brath-z : " ça marche - la plupart du temps, comme du reste le régime du consensus outre-Manche"
Effectivement, depuis que nous avons des majorités absolues à l'Assemblée et des Présidents qui peuvent faire ce qu'ils veulent (c'est-à-dire depuis 1981, aux cohabitations et au gouvernement Rocard près), la France marche droit vers la faillite.
Écrit par : FrédéricLN | 25 novembre 2009
@ FredericLN : Peut-être bien que la France marche droit vers la faillite, mais déjà je ne comprend pas pourquoi il faut imputer ce fait à la conception française du gouvernement qui fait s'affronter (et non pas "se concurrencer") des mouvements politiques animés et par idées et par des individus "forts" et/ou "relevant de la psychiatrie lourde" (et ça ne date pas de la Vème République, et ce n'est pas non plus épisodique comme au Royaume-Uni, c'est plutôt la règle depuis deux siècles), et ensuite vu la catastrophe économique qu'a produit la gestion britannique (et je ne parle pas du modèle de développement économique amérique-unien) depuis un bon bout de temps, je ne pense pas qu'il soit judicieux de penser qu'un mode de "gouvernance" permette de redresser la barre.
Nous courrons peut-être bien vers la faillite (encore que je considère cette "course vers la faillite" comme conjoncturelle et non structurelle, du moins en ce qui concerne les modes de gouvernement), mais tous ensemble, indifféremment du mode utilisé.
Écrit par : Brath-z | 26 novembre 2009
@ Brath-z : Bien noté, mais votre raisonnement se démonte par son absurdité. Si aucun type de gouvernement ne marche mieux que l'autre, choisissons l'anarchie ou la monarchie absolue, ce sera au moins plus simple.
L'Allemagne, qui présente tous les éléments de la "non-démocratie" selon les critères de Laurent de Boissieu, a été fort bien gérée par la "grande coalition" constituée après les précédentes élections.
Quant à expliquer *pourquoi* le type de gouvernement solipsiste que la Vème République française subit en cas de majorité absolue d'un parti, conduit au désastre, c'est très bien expliqué par un récent billet d'Etienne Duval sur le mythe de Narcisse. En gros, dès que le décideur politique n'a plus à écouter ou regarder un Autre, il peut également se dispenser de tenir compte de la réalité dans ses décisions.
http://mythesfondateurs.over-blog.com/article-le-systeme-de-narcisse-destructeur-du-politique-ou-la-confusion-entre-l-image-et-l-identite-39941422.html
Écrit par : FrédéricLN | 29 novembre 2009
@FrédéricLN. Juste un rectificatif...
Vous écrivez : "l'Allemagne, qui présente tous les éléments de la "non-démocratie" selon les critères de Laurent de Boissieu".
Or je n'ai point dit cela.
J'ai en effet écrit : "Le principe de la démocratie c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. En démocratie, une décision légitime ne peut donc qu'émaner du peuple, directement (référendum) ou indirectement (élection de représentants, au suffrage universel direct ou indirect). Or, par définition, plus on s'éloigne du suffrage universel direct, plus on s'éloigne de la démocratie."
Bref, je n'ai pas dit que le suffrage universel indirect était "non-démocratique", j'ai simplement constaté qu'il était moins démocratique que le suffrage universel direct.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 30 novembre 2009
@ Frédéric LN :
Outre que le début de votre commentaire frôle limite le point Godwin (mais j'aime bien les débats qui dépassent le point Godwin, pour peu que l'argument invalidant soit utilisé à bon escient, c'est-à-dire pour accentuer un point de l'argumentaire), je trouve qu'il démontre une grande incompréhension entre nous. Manifestement nous ne raisonnons pas dans les mêmes termes. Quelque part, tant mieux, ça oblige à s'expliquer clairement.
Pour résumer un point de mon argumentaire, vous avez écrit : "aucun type de gouvernement ne marche mieux que l'autre". Or ce n'est pas ce que j'ai dit moi-même. Les exemples de "mauvaise gestion" que j'ai donné sont conjoncturels. Dans mon esprit, ils ne sont pas symptomatiques d'un type de gouvernement, la preuve en étant que, justement, malgré les dissemblances en termes de conception gouvernementale entre le Royaume-Uni, la France, les États-Unis (et bien d'autres), tous ces pays affichent les effets, parfois terribles, d'une mauvaise gestion.
Ce que j'ai dit c'est, très précisément : "On ne peut guère juger (...) les valeurs d'un régime (...) qu'à l'aune de son histoire (...) et des grands courants de pensée (...) qui ont animé ses diverses orientations politiques".
S'abstenir de juger par relativisme et en dehors de toute conjoncture historique ne veut pas dire confondre dans un même moule tous les types présentés. Donc non, on ne peut pas dire qu'un type de gouvernement "marche" mieux qu'un autre. Non pas parce qu'en "valeur absolue" tous se valent, mais plus prosaïquement parce qu'on ne dispose d'aucune base de comparaison : les dissemblances culturelles, historiques, etc. entre les peuples et les pays ne permettant pas (sauf à être adepte de l'idéologie catholique du "progrès humain", du marxisme ou d'un samaritanisme humaniste) ce jugement, tout comme - si on raisonne sur un peuple bien précis - les circonstances historiques forcément différentes ne permettent pas non plus ce jugement.
Sauf à adopter des critères de jugement. Mais là, on sort du domaine du jugement moral (et bien souvent intemporel, voire transcendant) pour entrer dans celui du jugement personnel, subjectif par définition.
Et c'est précisément sur le domaine de la subjectivité que portent mes considérations sur la meilleure correspondance d'un système de confrontation à la France que la gouvernance, mieux adaptée au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, à l'Allemagne et aux États-Unis (mais aussi à Israël, la Russie, l'Iran - pour les autres pays, je ne sais pas -, avec toutefois des variantes assez énormes).
Pour moi est "meilleur" le type de gouvernement (notez qu'on est plus sur le domaine du régime politique, là) en adéquation avec l'histoire du (ou des, pour certains états) peuple et les grands courants de pensée qui l'ont traversé. Et pour la France, un type de gouvernement basé sur la confrontation est donc "meilleur" qu'un type de gouvernement basé sur la négociation et le compromis (et qui peut parfois dériver vers un type de gouvernement basé sur le négoce et la compromission, notamment dans le cas de l'UE actuellement qui me semble sur une pente glissante et risquée), ce qu'on appelle parfois "culture de gouvernement par le consensus". Telle est mon opinion en la matière.
Par contre, pour vous, j'ai l'impression (vous me corrigerez si je me trompe) que c'est l' "efficacité" du type de gouvernement qui prime et, parce que le gouvernement par le consensus vous semble plus efficace (plus à même, peut-être, de faire face à des crises ? plus stable ? il faudrait que vous expliquiez quelles sont vos considérations sur la plus grande efficacité de ce type de gouvernement), vous me semblez estimer dès lors qu'il est mieux adapté. Libre à vous. Mais alors vous avez l'histoire contre vous.
En ce qui concerne le mythe de Narcisse, je n'aurai qu'un seul commentaire : la confrontation et l'affrontement n'excluent pas le dialogue (en fait, ils le rendent indispensable), donc dans un type de gouvernement basé dessus, l'autre est toujours présent à l'esprit, non pas comme partenaire (comme dans le type de gouvernement basé sur la négociation et le compromis) mais comme concurrent.
Seuls quelques cas qui, peut-être, relèvent de la psychopathologie de masse me semblent totalement ignorer la présence d'un "autre" et, partant, se détacher du réel (sachant que, comme le disait Lénine, le rêve s'achève par l' "éternel retour du réel"). Un exemple qui me vient spontanément à l'esprit est l'attitude de M. Balladur et son entourage politique direct lors de son passage à Matignon et, surtout, de la campagne présidentielle de 1995.
C'est là un bien long commentaire, mais j'espère avoir éclairci quelque peu ma pensée.
Écrit par : Brath-z | 30 novembre 2009
@ Brath-z : merci pour ce développement fort intéressant. Il me permet certainement de me rapprocher de votre point de vue. Et je ne prône certainement pas un gouvernement par le (seul) consensus.
Le consensus des partis suisses a montré ses limites dans l'affaire des minarets, comme le consensus des partis français a été pris en défaut par le "Non" au TCE.
En fait, un consensus complet conduit exactement à la même impasse narcissique que le gouvernement d'un seul : on n'a plus besoin du peuple, plus besoin des citoyens.
Je crois plus simplement au débat constructif, comme il peut en exister entre partenaires d'une coalition qui ont besoin les uns des autres ... d'autant plus qu'il y a face à eux une opposition vigilante. Ainsi les libéraux ou les Verts ont-ils fait, je crois, un bon travail d'opposants à la coalition CDU-CSU-SPD qui a gouverné en Allemagne pendant quelques années.
Je crois aussi que, quand trop d'années d'irresponsabilité et d'aveuglement ont ruiné le pays, une coalition plus large est nécessaire pour remonter la pente : une coalition trop étroite, ou sans autre base que la cote de popularité d'une seule personne, est trop fragile pour prendre des décisions de grande envergure, qui ont forcément des conséquences lourdes.
L'épisode du CPE, raconté par Bruno Le Maire dans "Des hommes d'État", illustre parfaitement l'incapacité du "système politique français" dans son ensemble à combattre un fléau, le chômage de masse, pourtant reconnu par tous, électeurs et décideurs, comme le cancer de notre société et de notre économie (Bruno Le Maire raconte comment, des remèdes sérieux étant politiquement inenvisageables, on se rabat sur une rustine juridique que personne ne demandait et où personne n'a vu une solution au problème. Mais qui semble, au départ, ne gêner personne).
Bref, vous m'aurez compris, le comportement narcissique me semble très présent dans le monde politique, y compris dans un affrontement ritualisé entre majorité et opposition dont chacun se satisfait de son rôle, et le débite par coeur, sans se soucier de la présence ou non de spectateurs dans la salle.
Écrit par : FrédéricLN | 20 décembre 2009
@ FrédéricLN :
"je ne prône certainement pas un gouvernement par le (seul) consensus.
(...)
En fait, un consensus complet conduit exactement à la même impasse narcissique que le gouvernement d'un seul : on n'a plus besoin du peuple, plus besoin des citoyens.
Je crois plus simplement au débat constructif, comme il peut en exister entre partenaires d'une coalition qui ont besoin les uns des autres"
Là-dessus, je ne peux qu'être d'accord avec vous. Néanmoins, il reste le point délicat soulevé par M. de Boissieu : "si la négociation a lieu avant les élections ou entre les deux tours des élections, pourquoi pas. Mais si la négociation a lieu après les élections législatives, dans le dos des électeurs, c'est un déni de démocratie !"
Dans une conception plus consensuelle (vous avez rejeté le consensus absolu, je rejette moi-même l'affrontement absolu, en fait, j'estime comme précisé plus haut que "bien souvent on mélange un peu les deux principes", ceci à cause du - ou grâce au - "principe de réalité"), la négociation post élections est possible, elle peut même s'avérer être la règle. En France, on appelait cela du "tripatouillage", je crois bien, avant que l'expression de de Gaulle (le "régime des partis") ne s'impose. C'est dire à quel point c'était mal connoté !
En tous cas, la raison la plus évidente qui rend possible ces "arrangements post électoraux" me semble être le fait qu'il ne soit pas conçu d'incompatibilité profonde entre les acteurs (je pense avant tout aux appareils, je raisonne très peu en termes d'individus) de la scène politique, qu'au fond, si on laisse de côté des divergences conjoncturelle, chacun propose une version différente d'un même "codéveloppement" de la société, une même orientation (ou absence d'orientation) idéologique.
En France, on a, probablement pour des raisons historiques (la succession assez stupéfiante de régimes différents entre 1788 et aujourd'hui), voire pour des raisons anthropologiques (si on accepte et prolonge la thèse développée par Emmanuel Todd dans "Après la démocratie"), des conceptions politiques vraiment irréductibles et des orientations radicalement différentes qui proposent des modèles de développement de la société tout aussi différents. La Vème République favorisant les affrontements de vastes blocs (extrême-gauche, gauche, centre, droite, extrême-droite, voire d'autres secteurs géographiques comme l' "ailleurs" dans lequel M. de Boissieu classait le MRC et DLR dans son troisième commentaire sur cette note : http://www.ipolitique.fr/archive/2009/12/07/aliance-bayrou-royal.html#comments), les coalitions "naturelles" qui se forment dans l'assemblée une fois les parlementaires élus (PS-PRG, RPR-UDF, UMP-NC) s'amenuisent et se résument finalement à quelques formules éculées et connues (quand on vote PRG, on sent confusément que c'est un pis-aller à un vote PS). On a encore quelques restes dus à des "accidents de parcours" (du genre l'alliance des députés du PCF et des Verts, due principalement à l'impossibilité pour le PCF d'avoir un groupe à lui), mais dans l'immense majorité des cas il n'est pas même envisageable qu'au terme d'une élection chacun se compte et décide alors en fonction des rapports de force de procéder à telle ou telle alliance basée sur un compromis programmatique.
C'est la raison pour laquelle, il me semble, les éventuelles coalitions post électorales sont discutées... avant même les élections (voir le débat sur l'ouverture de la gauche au MoDem, celui sur la formation du Front de Gauche, ceux sur les rassemblements de la gauche au second tour qui agitent Europe Ecologie, le Front de Gauche et le PS, pour la droite, voir les débats acharnés sur le rapprochement tactique ou non du Front National dans les années 1980, la main tendue à Philippe de Villiers par la majorité présidentielle, l'alliance dès le premier tour des trois composantes principales de la dite majorité aux élections européennes). Parce qu'en dehors de situations exceptionnelles (du genre la victoire à 82% de Jacques Chirac au second tour de la présidentielle, d'où aurait pu sortir un "gouvernement d'unité démocratique" souhaité par François Bayrou, dans lequel, outre les composantes de la droite parlementaire, on aurait pu élargir l'union à la gauche jusqu'au PS, voire au PCF), une telle attitude serait perçue comme une trahison de l'électorat. A quelque niveau que ce soit, en France, nous élisons des représentants, pas simplement des parlementaires chargés d'administrer (ou co administrer) un pays.
Écrit par : Brath-z | 23 décembre 2009
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