27 août 2009
Le fossé s'élargit entre le MoDem et le Nouveau Centre
II y a deux ans et demi, ils appartenaient au même parti : l'UDF. Aujourd'hui, le MoDem de François Bayrou et le Nouveau Centre d'Hervé Morin n'en finissent pas de s'éloigner l'un de l'autre. Le Nouveau Centre, dont l'université d'été s'ouvre demain à Agen (Lot-et-Garonne), appartient au comité de liaison de la majorité présidentielle et, s'il se proclame centriste, le jeu des alliances le positionne à la droite de l'échiquier politique, sur la case autrefois occupée par l'UDF. Le MoDem, qui tiendra son université de rentrée la semaine prochaine, se situe, lui, dans l'opposition, et semble osciller entre la renaissance d'un centre indépendant, à équidistance de la droite (UMP et alliés) et de la gauche (PS et alliés), ou la construction avec la gauche d'une "alternative" à Nicolas Sarkozy.
"Toute victoire électorale suppose des rassemblements" afin de réunir une "majorité", avait déjà insisté François Bayrou il y a un an. "Au second tour d'une élection présidentielle, il y a forcément un rassemblement très large", confirmait-il hier à l'AFP. Si la main tendue à la gauche était implicite en septembre 2008, elle est devenue explicite depuis la participation de Marielle de Sarnez, samedi dernier, aux ateliers d'été de L'Espoir à gauche, courant "royaliste" du PS animé par Vincent Peillon. "Ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous oppose", a martelé la vice-présidente du MoDem en fustigeant le "jeu des alliances anciennes". Un autre vice-président du MoDem, Jean Peyrelevade, figure par ailleurs parmi les premiers signataires de l'appel à "une primaire populaire, ouverte au vote des sympathisants, afin que les citoyens de gauche et de progrès puissent choisir leur candidat à l'élection présidentielle". Publié hier dans Libération, ce texte se présente comme un "élément de la refondation de la gauche".
Aux élections municipales de mars 2008, le MoDem n'avait pas adopté de stratégie nationale, participant soit à des listes centristes indépendantes, soit à des alliances à géométrie variable, tantôt avec la droite, tantôt avec la gauche (dont Martine Aubry à Lille au second tour). Pour les élections régionales de 2010, François Bayrou a indiqué que son parti adopterait cette fois "une stratégie cohérente au niveau national". Si l'option de listes autonomes au premier tour semble l'emporter en interne, cela ne préjuge en rien de la stratégie qui sera adoptée entre les deux tours. Or, c'est ce choix qui déterminera le positionnement politique du MoDem (retour - improbable - au bloc de droite, ralliement au bloc de gauche ou maintien d'une troisième voie centriste).
Dans une élection à deux tours, les composantes des deux grands blocs d'alliance peuvent se compter au premier avant de se rassembler au second. Pour le prochain scrutin, tel est le choix opéré à gauche par les Verts, fort du succès des listes Europe Écologie aux européennes, ainsi que, peut-être, par le Nouveau Centre à droite. Le parti d'Hervé Morin et François Sauvadet, qui a déjà dévoilé les noms de ses chefs de file, hésite en effet au premier tour entre des listes d'union de la droite (comme aux élections européennes, scrutin à tour unique) ou des listes autonomes, partout ou dans quelques régions seulement.
Reste que, dans un paysage politique bipolarisé, le pari est risqué : aux régionales, il faut obtenir 5% des suffrages exprimés pour pouvoir fusionner et le double pour se maintenir ou, tout au moins, être en situation de force pour négocier des places. Or, aux dernières européennes, le MoDem n'a obtenu en moyenne nationale que 8,5%, ne dépassant le seuil des 10% que de justesse dans deux régions (Basse-Normandie, Lorraine). Tandis que le Nouveau Centre n'est jusqu'à présent jamais parti aux élections sous ses propres couleurs.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 27/08/2009
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Commentaires
Si le MoDem part sous ses propres couleurs, il va être intéressant de voir si, comme l'analyse Nicolas Domenach, il peut incarner une "troisième force", titre que les listes Europe Écologie lui ont piqué aux européennes dernières.
Pour ma part, j'ai tendance à penser que, sauf scrutin présidentiel où la personnalité compte plus (pour bien des gens) que l'orientation politique, un "centre indépendant" a du mal à dépasser les 10% et sert essentiellement à favoriser au coup pour coup tel ou tel camp politique... mais enfin, je peux me tromper !
Écrit par : Brath-z | 27 août 2009
L'élection présidentielle et les élections européennes sont effectivement les seules où une force centriste ne se trouve pas confrontée à un choix difficile.
Pour les autres élections se pose en effet le problème du second tour :
- maintien d'une ligne centriste - ni droite ni gauche - et risque d'être laminé (cf. Hintermann, Jobert, Chevènement).
- alliances à géométrie variable et risque de confusion (cf. le MoDem aux municipales).
- alliance avec l'un des deux blocs dominants et donc fin du positionnement centriste.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 27 août 2009
Je pense que M. Bayrou se refusera à renoncer à son positionnement centriste. Néanmoins, plus le temps passe, moins je trouve son positionnement "centriste", au sens du centre indépendant qui avait pu exister sous les IIIème et IVème Républiques.
J'ai plutôt l'impression qu'il hésite entre deux positionnements :
- son positionnement "historique" de démocrate-chrétien, dans une veine de "droite modérée" teintée de libéralisme économique classique (les écoles de Smith et Ricardo) qui lui offrirait une image de rassembleur doux et tendre (voire faible) un peu à la Poher
- son positionnement "structurel" plus gaulliste dans la lettre et la forme, un genre de centre affirmé et décidé (l' "extrême-centre" ?) réuni autour de la stature d'un seul homme qui s'entoure de personnages compétents issus de toutes les écoles de pensées (après tout, de Gaulle avait l'UNR et l'UDT) pour gouverner (ce positionnement lui viendrait peut-être d'un côté "messianique" lié soit à ses convictions religieuses soit à sa ferveur politique)
Je ne parle pas tant là de la stratégie ou des contradictions du MoDem mais de celles de son fondateur et président.
Disons que si le MoDem ne parvient pas à exister au-dessus de 10% à d'autres élections que la présidentielle (en d'autres termes, s'il n'arrive pas à s'imposer comme une force politique de tout premier plan en soi et pas à travers une figure), je pense que son intérêt stratégique serait un système d'alliances à géométries variables... raisonnement qui le conduirait à mon avis à perdre petit à petit la plupart de ses militants.
Par ailleurs, s'il parvient à incarner une "troisième force" capable de lutter à armes égales avec la gauche et la droite (un peu comme les Whigs américains dans la première moitié du XIXème siècle), le MoDem aura les moyens de mener une ligne centriste cohérente et forte, voire même à s'imposer comme première force du pays.
Concernant la possibilité de l'alliance avec l'un ou l'autre bord (alliance qui ne pourrait à mon avis avoir lieu que dans le cas d'un MoDem sans plus d'influence électorale que les radicaux de la IVème), outre l'opposition éventuelle de M. Bayrou, stratégiquement le MoDem serait à mon avis perdant sur les deux tableaux :
- en s'arrimant de manière systématique à un bloc ou à l'autre, il ne serait plus qu'une nouvelle UDF soit de droite, soit de gauche, ce qui lui ferait perdre des points du côté des militants qui risqueraient de déserter en masse
- en refusant de jouer le rôle d'arbitre de la victoire de tel ou tel camp au cas par cas par l'adoption d'une préférence systémique pour l'un ou l'autre bord, il risquerait de perdre le peu d'influence idéologique qu'il pourrait avoir
Donc réfuter le positionnement centriste serait à mon avis un suicide.
Si le MoDem a les moyens d'imposer sa ligne centriste, il ne devrait pas se gêner.
S'il n'en a pas les moyens, il devrait mener des luttes et "magouilles" politiciennes, quitte à perdre ses partisans, ne serait-ce que pour voir une partie de ses idées adoptées.
Enfin c'est là mon avis d'étranger aux intrigues d'appareils.
Écrit par : Brath-z | 27 août 2009
Pour compléter votre analyse Brath-z : le problème du positionnement centriste indépendant jusqu'au bout, c'est qu'il y a un risque de marginalisation dans les élections à deux tours (cf. le nombre de députés MoDem élus en 2007 - ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le MoDem plaide en faveur d'un scrutin mixte avec dose de proportionnelle aux législatives).
L'idéal, c'est donc en définitive les alliances à géométrie variable. Je n'ai d'ailleurs pas compris pourquoi François Bayrou avait d'ores et déjà annoncé qu'il y renonçait pour les régionales. J'y vois trois avantages :
- permet d'avoir des élus tout en restant centriste (François Bayrou a rompu dans le sang avec la droite, il n'y a maintenant qu'entre les deux tours de la présidentielle que cela peut valoir le coup de quitter ce positionnement en allant à gauche).
- permet de tenir un discours qui, à mon sens, passe bien auprès des Français : je m'allie avec les meilleurs et les plus compétents sans regarder leur étiquette politique (et tant pis ce qu'en dit le microcosme parisien !).
- permet de faire vivre la démocratie interne (sujet sur lequel le militant MoDem type est ultra-sensible) en donnant satisfaction aux instances locales (aux municipales le MoDem de Grenoble était très content de faire campagne avec le PS tandis que le MoDem de Bordeaux était très content de faire campagne avec l'UMP : comment imposer une stratégie nationale unique ?)
L'erreur que pourrait commettre François Bayrou serait de :
- surestimer ses forces dans un scrutin local en s'imaginant qu'il sera incontournable pour la gauche au second tour des régionales (syndrome des dernières municipales à Paris).
- sous-estimer la mystique unitaire au PS en pariant sur un éclatement fatal du parti entre pro et anti-alliance avec le MoDem et en espérant récupérer la mise à la présidentielle (reproduction de la stratégie Mitterrand, de sa CIR au PS sans passer par la SFIO).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 27 août 2009
Ah oui, forcément, si le parti ne casse pas la baraque en termes de résultats électoraux (comme jusqu'à présent), adopter une ligne "extrême-centriste" (je préfère personnellement l'expression "exclusivement centriste") est très risqué et peut tout à fait mener à la marginalisation.
Cependant, faire d'un mouvement dédié (tout de même) à parvenir aux affaires soit seul, soit épaulé de personnalités de tous bords "atypiques" (Chevènement ? Dupont-Aignan ?), soit en s'appuyant sur l'une ou l'autre composante de la gauche et/ou de la droite un simple parti charnière risque, à mon avis, de mécontenter un grand nombre d'électeurs.
Enfin, on en est pas encore là ! Le MoDem peut faire ses preuves et - qui sait ? - réussir son pari ou encore trouver une autre voie.
Par contre, pour le Nouveau Centre, là, j'ai des doutes... Un mouvement qui n'est "ni nouveau ni du centre" (dixit les auteurs de Grozbulles), qui ne compte que 7000 militants (soit au moins 2000 de moins que le NPA qui ne fait pourtant pas figure de poids lourd !) et fait figure de "tête flottante" n'a que peu de chance, à mon avis, de réussir une quelconque performance électoral, à moins d'être le seul candidat de droite, bien entendu.
Écrit par : Brath-z | 27 août 2009
Vos échanges aussi précis qu’intéressants n’intègrent toutefois pas le point de vue des militants. Je n’en suis pas - faut-il le préciser - mais je connais assez de personnes pour me témoigner des remous internes qui ont suivi l’ « échec » des européennes. La figure du chef unique et surtout, surtout les baronnies locales ont déçu et déçoivent encore.
L’autisme de BAYROU, sur sa volonté de devenir Président de la République ne doit pas non plus masquer le dégoût grandissant des partisans.
Pour faire simple, car il y a bien sûr des exceptions, les fédérations départementales ont des chefs de droite ou de gauche (précédemment à l’U.D.F. ou les Verts, voire le P.S.) et des militants très motivés mais jamais encartés auparavant. C’est le choc des cultures ou le sommet fédéral freine pendant que les jeunes voudraient tout bouffer. L’expérience de l’organisation – notamment des scrutins internes – a vu très souvent écarter les jeunes pour « ceux qui savent » et qui se sont très bien retrouvés dans leurs pantoufles, à la tête des Départements.
Résultat, plus que la bourde énorme du Chef lors de l’émission de France 2 avant le scrutin, où le débat avec COHN-BENDIT a révélé bien des choses, c’est l’absence de campagne du MoDem qui a provoqué le résultat qu’on connaît. En exemples : les tracts qui ne sont pas arrivés dans les boîtes aux lettres ou sur les marchés et pour cause, ils ne sont jamais arrivés dans les permanences ; les militants absents des déplacements nationaux alors que c’est créer le Buzz que de faire masse lors de la venue d’un Chef. Ou encore, les cafés politiques qui ne font réunir que les quelques militants du coin, et pas un seul extérieur venu par curiosité.
Bilan : un score faible, loin derrières les scores des grandes écuries et surtout une énorme déception. Alors BAYROU, a entendu le bilan mais sans écouter. Et puis, ce sont les barons et fidèles lieutenants qui se sont exprimés, et toujours pas la base.
Le renouvellement des adhésions est actuellement très mauvais : la base est en train de fuir.
Lors des prochaines élections régionales, BAYROU, encore seul aux commandes, va choisir l’extrême Centre : le maintien lorsque que c’est possible ou l’absence de mot d’ordre lorsque ces listes n’auront pas atteint les 10 % obligatoires. Mais peut-être pense-t-il faire encore un bon score ? Sauf que les militants ne seront plus là pour militer et que seuls les petits barons auront obtenus les premières places en position éligibles…
Son objectif reste toutefois la Présidentielle : et d’assurer la grosse centaine de signatures qui pourrait lui manquer pour atteindre les 500 obligatoires, en détenant quelques Conseillers Régionaux, tous dans les oppositions locales.
L’extrémisme, le refus d’alliance, la quête qui deviendra difficile pour les signatures en vu de la Présidentielle, pardon d’arriver ici à la comparaison d’un certain leader politique octogénaire du paysage français.
Écrit par : Jean-Michel BLUTEAU | 31 août 2009
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