29 juillet 2009
La Poste : le PS tombe le masque
Le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales a été présenté ce matin en Conseil des ministres. L'occasion pour l'opposition de pousser des cris d'orfraie contre la privatisation de La Poste. Mais l'occasion également pour le PS de tomber le masque...
La libéralisation du secteur postal a été lancée par le directive européenne 97/67/CE du 15 décembre 1997, donc acceptée au Conseil de l'Union européenne par le gouvernement de gauche plurielle (PS, PCF, Verts, MDC, PRG) dirigé par Lionel Jospin.
Aucun lien avec le projet de transformation de La Poste (établissement public industriel et commercial) en société de droit privé le 1er janvier 2010, s'époumone toutefois sur Europe 1 Benoît Hamon, porte-parole du PS : "La directive européenne prévoit la mise en concurrence, elle ne prévoit absolument pas le fait que l'on doive privatiser La Poste. Il n'y a aucun article de la directive européenne qui concerne le statut de La Poste au sens où il faudrait la faire passer de statut public à une société anonyme".
Benoît Hamon a raison : les directives européennes ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres. Ce qui signifie qu'elles n'interdisent pas de nationaliser et n'obligent pas à privatiser. La transformation de La Poste en société anonyme (pour l'instant à capitaux 100% publics) relève donc du seul choix du gouvernement de François Fillon Nicolas Sarkozy.
Il n'en reste pas moins que par la voix du chef de file de son aile gauche le PS opère subrestivement son coming-out social-libéral et clientéliste : ce qui préoccupe ce parti, ce n'est pas le démantèlement des services publics à travers leur libéralisation, c'est simplement le statut des agents desdits services publics.
Pour l'ensemble des citoyens, en revanche, ce qui compte c'est bien de savoir si les activités postales sont libéralisées ou non. À partir du moment où elles le sont, peu importe le statut de l'entreprise, public ou privé, puisqu'elle doit de toute façon se comporter comme une entreprise concurrentielle et non plus comme un monopole public (ces derniers étant prohibés par les directives européennes). Bref, ce n'est pas d'un Collectif contre la privatisation de La Poste dont ont besoin les citoyens, ce serait plutôt d'un collectif républicain pour la refondation des services publics (abrogation des directives de libéralisation, restauration des monopoles publics).
22:10 | Lien permanent | Commentaires (13) | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
Quelque chose m’échappe dans ce débat. Je n’ai jamais compris ce qui empêche une entreprise à capitaux privés d’avoir une mission de service public ?
Par ex : toute entreprise privée distribuant du courrier sur le territoire national devra le faire selon certains critères obligatoires (liste des critères à définir par le législateur en accord avec la définition française du service public)
Selon moi, l’Etat n’a pas vocation à distribuer du courrier, faire rouler des trains, voler des avions, distribuer de l’électricité ou du gaz, construire des centrales nucléaires…
Par contre, l’Etat a pour mission de contrôler et de vérifier que cela se fait dans le cadre de critères strictement définis.
Je ne vois pas en quoi mon courrier est mieux distribué aujourd’hui que quand la poste sera une entreprise privée.
Au contraire, j’attends avec impatience la concurrence ou au moins une évolution des guichets tels qu’ils sont aujourd’hui. Pour l’instant je n’ai pas le choix et je dois plusieurs fois par semaine aller à la poste, ce qui me déprime et/ou me met en rogne quasi à chaque fois que j’ai affaire à un guichetier : catégorie de personnel particulièrement lente et obtuse. Quant à Chronopost, filiale soit disant d’élite, j’enrage rien que d’y penser.
Heureusement que j’ai le choix et que je ne suis pas obligé d’utiliser la poste banque….
Écrit par : flo1966 | 30 juillet 2009
Si le cahier des charges de la mission de service public confiée à une entreprise à capitaux privés liste véritablement des critères en accord avec cette mission de service public, alors aucune entreprise privée ne répondra à l'appel d'offre car le service public c'est par définition ce qui est confié à l'État et non au privé puisque non rentable en respectant lesdits critères (maillage national, tarif accessible à tous les citoyens).
Si des entreprises privées répondent à l'appel d'offre, alors c'est que le cahier des charges n'est pas conforme à la mission de service public.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 31 juillet 2009
"peu importe le statut de l'entreprise, public ou privé, puisqu'elle doit de toute façon se comporter comme une entreprise concurrentielle"
... la nuance est quand-même abyssale pour l'Etat! On parlait un temps de bijoux de famille ou de patrimoine de l'Etat. Une chose est la mission de service publique, qui peut efféctivement (si les règles du jeu sont respectées) être remplie par une société privée, autre chose est de vendre l'ensemble de ses biens (et leviers d'action) à l'heure où l'on claironne que l'Etat ne peut rien face aux marchés...
Écrit par : sof | 31 juillet 2009
@ Laurent
Si je comprends bien votre analyse, un service public est obligatoirement déficitaire.
Sa mission de service public, le maillage national, tarif accessible… empêche une entreprise privée de gagner de l’argent donc ça n’intéresse pas le privé.
Ok.
@ Sof
Si la définition de Laurent est bonne comment peut on considérer quelque chose qui perd de l’argent (donc ne vaut rien) comme un « bijou de famille » comme du « patrimoine »
Franchement, j’ai du mal à imaginer que l’on ne puisse pas dégager des marges, faire des économies, dans nos services publics avec pléthore de fonctionnaires, services redondants et livrés à la gabegie permanente…..tout en assurant un service de qualité aux citoyens.
Écrit par : flo1966 | 31 juillet 2009
@sof : Je suis d'un avis exactement opposé !
Comme je l'ai écrit, je ne pense pas que libéralisée une mission de service public demeure un service public (peu importe que cette activité libéralisée soit ensuite exercée par une entreprise de droit public ou de droit privé, à capitaux 0%, 49%, 51% ou 100% publics).
Par ailleurs, je suis contre l'économie mixte (sauf industries stratégiques ou plan de sauvetage temporaire, par exemple) : soit une activité n'est pas considérée comme une activité de service public, alors l'État n'a pas à l'exercer (construction automobile par exemple, ce qui n'a rien à voir avec la notion de patrimoine de l'État !); soit une activité est considérée comme une activité de service public, alors l'État doit l'exercer via un établissement public en situation de monopole (EPA ou EPIC selon le domaine).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 31 juillet 2009
@flo1966 : Vous m'avez compris ! Ce qui ne m'empêche pas d'être 100% d'accord avec la fin de votre commentaire (même si les choses avancent un peu, comme la fusion des impôts et du Trésor public ou de l'ANPE et de l'UNEDIC). Le problème c'est qu'on fait l'inverse de ce qu'il faudrait faire (erreur initiée par François Fillon avec France Télécom, il me semble) : on libéralise les services publics mais on achête la paix sociale en conservant le statut des agents (souvent scandaleux par rapport à ce que vivent la plupart des salariés dans le privé).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 31 juillet 2009
A propos de votre article "La Poste : le PS tombe le masque", il est succulent de remarquer que le premier coup de boutoir porté contre le service public de La Poste, date de la loi de juillet 1990, transformant l'administration des PTT en deux "EPIC" (France Telecom d'un côté, La Poste de l'autre).
Oui succulent : Le premier ministre de l'époque s'appelait... Michel Rocard ! Il n'avait pas encore inventé la taxe carbone... mais était déjà très (sarkoziste ?) libéral !
Écrit par : gilleron | 31 juillet 2009
@ flo1966 : la raison pour laquelle l'état doit s'occuper de la distribution du courrier est de faire en sorte que ce courrier arrive partout et puisse partir de partout sur le territoire. Une entreprise privée n'a a priori aucun intérêt à percevoir et distribuer le courrier dans des zones de densité faible. Le rôle de l'état est bien de garantir la continuité des services, que ce soit le courrier, l'électricité, l'eau, le transport public, etc... Cela ne passe pas forcément par des entreprises nationalisées, mais la privatisation des services rend les tarifs plus élevés et l'expérience montre que la concurrence est un leurre. Les opérateurs de téléphonie mobile ont des accords ; sans sécu, les médicaments sont plus chers, comme aux USA ; l'électricité va coûter plus cher mécaniquement, puisque les opérateurs rachètent l'énergie à EDF réseau pour la revendre plus cher.
Les citoyens ont souvent considéré les élections Européennes comme secondaires, pourtant c'est bien le fait d'avoir eu un parlement libéral depuis 1979 qui a conduit à des directives libérales que nous devons traduire par la loi en France.
Écrit par : Henry | 04 octobre 2009
@Henry : petite nuance : les directives sont adoptées soit par le Conseil soit par le Conseil et le Parlement européen (codécision), ce qui a conduit à des directives libérales ce n'est donc pas "d'avoir eu un Parlement européen libéral depuis 1979", mais ce sont les choix politiques libéraux des gouvernements, notamment français, de droite comme de gauche. D'où l'hypocrise insupportable du PS en poussant aujourd'hui des cris d'orfraie sur La Poste alors que la déconstruction républicaine ce n'est pas la "privatisation" mais la libéralisation du secteur postal qu'il a acceptée au pouvoir.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 04 octobre 2009
Bon, sur ce sujet, pour mettre les pieds dans le plat :
* J'ai bien compris que le courrier serait un bien et service essentiel pour lequel il faut assurer un service équitable sur le territoire. Mais est-ce plus essentiel que l'eau (géré dans beaucoup d'endroit par des sociétés privées sous forme de délégation de service public) ou que le pain et le lait, par exemple (totalement géré par la privé de la production à la distribution) ? Bref, on accepte que le pain soit géré par le privé, pourquoipas le courrier (est-il plus vital que le pain ???!).
* Le sujet de la Poste n'est-il pas un combat d'arrière garde. Hormis qques cartes postales de vacances, presque tous les courriers que je reçois sont des factures et formulaires administratifs divers. Beaucoup sont comme moi. En lent mais inexorable déclin, La Poste est-elle vaiment si essentielle que celàà l'haure du téléphone et d'Internet
Écrit par : Libéral européen | 05 octobre 2009
@Libéral européen :
* parmi les nationalisations que je souhaite, il y a effectivement en priorité un service public de l'eau.
* on pourrait alors imaginer qu'aujourd'hui le service public moderne assuré par La Poste ce n'est pas seulement le courrier postal mais aussi l'accès Internet à haut débit; bref, on pourrait fusionner La Poste et France Télécom au sein d'un grand service public moderne ...que l'on pourrait par exemple appeler l'administration publique des postes et des télécommunications (PTT) !
Écrit par : Laurent de Boissieu | 05 octobre 2009
J'ajouterai à la remarque de Laurent qu'il y a une bonne partie du territoire où l'accès à Internet est assez problématique. Venant moi-même d'une région rurale, j'ai eu toute les peines du monde à avoir un débit ridicule, et il a fallu attendre d'arriver en ville avant d'accéder à l'ADSL, en 2007. Étant donné que la construction de nouvelles lignes ADSL sont gelées pour le moment (et depuis deux-trois ans, déjà), c'est tout un secteur du territoire et une part de la population pour qui le courrier postal reste une solution première (avec le téléphone, tout de même) pour communiquer.
Et puis il y a une chose qu'un email ne remplacera jamais : la lettre d'amour ;).
Écrit par : Brath-z | 06 octobre 2009
OK pour la lettre d'amour ;-))
Tout ça amène en tout cas à constater, au delà de nos divergences d'idée, qu'il manque une vraie doctrine sur le service public :
- Il faudrait poser à plat tous les biens et services essentiels, et se poser la question de savoir si le privé peut le faire dans les conditions correctes pour tous ou sinon le public. Bref, décider ce qui doit relever d'une service public ou non. Personnellement je vois de moins en moins en quoi, en 2009, le courrier physique est plus essentiel que le pain. Mais, quelle que soit la réponse, au moins, il faut se poser la question de fond.
- Concernant ce qu'on a décidé qui doit relever du service public, il faut alors en finir avec cette idée de rentabilité ou d'équilibre.
Bien sûr, il faut que ce soit géré au cordeau, avec une rigueur extrême (en gros, avec les méthodes du privé ou même plus), avec intelligence, car l'argent public ne doit pas être gaspillé en frais de fonctionnement (le genre de chose qu'ils ont du mal à comprendre dans les hôpitaux où la chasse aux gaspillage passe toujours pour un trahison du service public, alors que c'est le contraire :moins de gaspillage et de frais de fonctionnement, ce peut-être un IRM ou un médecin de plus).
Mais, dés lors que c'est du service public, celà relève de la solidarité nationale et on peut accepter des déficit (ex. typique : le transport ferroviaire qui doit irriguer tout le territoire, le fret pour sauvergarder l'environnement, etc.).
Écrit par : Libéral européen | 06 octobre 2009
Les commentaires sont fermés.