06 juillet 2009
Nicolas Sarkozy embauche Michel Rocard et Alain Juppé
En confiant aux deux anciens premiers ministres Michel Rocard (PS) et Alain Juppé (UMP) la présidence de la commission chargée de réfléchir aux "priorités justifiant un effort exceptionnel d'investissement", financé par l'emprunt national annoncé le 22 juin devant le Parlement réuni en congrès, Nicolas Sarkozy est pleinement dans son rôle de président de la République au-dessus des partis. J'ai suffisamment critiqué sa volonté de rompre avec la vision gaulliste de la fonction présidentielle pour ne pas saluer aujourd'hui... cette rupture dans la rupture !
Certes, il y a également une arrière pensée politicienne : donner l'impression de poursuivre l'ouverture à gauche. Lors du dernier remaniement ministériel, aucune nouvelle personnalité issue de l'opposition n'avait en effet intégré l'équipe de François Fillon.
Dans ce contexte, l'appel à Michel Rocard se veut un symbole de la poursuite de cette politique. Même si, en réalité, il n'en est rien : l'ouverture consiste à élargir son gouvernement à des personnalités politiques extérieures à la majorité. Comme François Mitterrand et Michel Rocard en 1988 avec des ex-UDF, puis Nicolas Sarkozy et François Fillon en 2007 avec des ex-PS.
Elle ne consiste pas à nommer une commission de réflexion politiquement pluraliste. Ce qui relève non de l'ouverture mais du sens bien compris de l'intérêt national (même si, in fine, c'est bien entendu au gouvernement de prendre ses responsabilités politiques et de trancher). À l'image des commissions ou comités présidés par Marceau Long en 1987 (réforme de la nationalité), Pierre Avril en 2002 (statut pénal du président de la République), Bernard Stasi en 2003 (application du principe de laïcité), Edouard Balladur en 2007 (révision de la Constitution) et 2008 (réforme des collectivités locales).
Mais faisons fi de cette arrière pensée politicienne en espérant que la montagne n'accouchera pas d'une souris, et que le futur emprunt national permettra effectivement de lancer une politique keynésienne d'investissements publics de long terme.
Contentons-nous simplement de regretter, plus globalement, qu'il ait fallu attendre la crise pour enfin sortir de le pensée unique néolibérale, avec la crainte que l'emprunt national ne serve alors pas à lancer cette autre politique mais simplement à renflouer les caisses de l'État.
Un test pour savoir si Nicolas Sarkozy a véritablement changé, quitte à affronter les foudres des gardiens du dogme, à Paris (de son mentor Edouard Balladur aux enfants de la Fondation Saint-Simon), Bruxelles (Commission européenne), Francfort (BCE) et Washington (FMI). Guaino 1 - Fillon 0 ?
16:02 | Lien permanent | Commentaires (9) | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
Excellent article qui remet bien tout en place.
Je parie que certains de vos confrères qui n'ont ni vos scrupules ni votre professionnalisme vont annoncer à grands renforts médiatiques un nouveau pas dans l'ouverture, comme avec la participation de Michel Rocard a une simple commission parlementaire en 2007 (je ne sais plus laquelle et je ne sais plus quel rôle il y tenait).
J'ai parfois l'impression que certains journalistes chargés de suivre l'actualité politique et institutionnelle découvrent tous les jours... le fonctionnement ordinaire des institutions !
Écrit par : Brath-z | 06 juillet 2009
Merci Brath-z pour ce commentaire !
Michel Rocard avait effectivement participé dès 2007 à une commission chargée d'élaborer un livre vert sur les conditions d’exercice du métier d’enseignant, avant d’en claquer la porte en 2008, en raison de "l'exploitation politique mensongère et manipulatrice" de son travail faite, selon lui, par la droite...
Il préside actuellement la "conférence des experts" sur la taxe carbone, et a en outre été nommé ambassadeur de France chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique !
Écrit par : Laurent de Boissieu | 06 juillet 2009
Xavier Darcos annonce 800.000 chômeurs de plus fin 2009.
Et la seule solution que le gouvernement nous propose ?
Endetter davantage encore l'état, auprès des particuliers cette fois, pour financer un 2ème plan de relance.
Il suffit de voir l'état catastrophique de l'économie japonaise après 5 plans de relance successifs (!) pour se convaincre de l'inefficacité de cette stratégie.
Messieurs Juppé et Rocard,
Vous qui avez maintenant en charge l'analyse du bien-fondé du futur emprunt d'état,
Vous qui avez soutenu il y a quelques années la seule solution viable permettant d'endiguer durablement la crise actuelle, à savoir la création de 2 millions d'emplois par une RTT massive mais "intelligente" (généralisation de la semaine de 4 jours - expérimentée depuis 12 ans avec succès sur 400 PME),
Vous avez le devoir, en tant que responsables politiques, de ne pas laisser le processus de déliquescence actuel de notre société se poursuivre !
http://appeldu2mai.fr
Écrit par : MKL | 07 juillet 2009
@ MKL
La semaine de 32h00 comme remede à la crise. C'est une plaisanterie ? Et 32h00 payés 39h00 je suppose ?
Si certains secteurs de services (et encore....) peuvent se le permettre, autant tout de suite saborder les restes de notre industrie, ça ira plus vite.
Il y a vraiment un probleme dans ce pays qui à mon sens vient de l'ignorance crasse de la population en matière d'économie, meme les bases les plus simples.
Ceux qui hurlent contre l'endettement de l'Etat sont les memes qui défilent des que l'on supprime un poste de fonctionnaire. Ca serait trop drole mais à la reflexion: pathétique.
Notez la position actuellement intenable du PS qui voulait un plan de relance (par la conso !!!!!) de 50 milliards (le postier en voulait 100. Qui dit mieux ?) Avec quel argent ? Mais qui aujourd'hui, parce que le PS doit s'opposer par principe, est contre l'emprunt.
Il n'y a pas de regle si ce n'est le pragmatisme: adapter sa philosophie aux circonstances et non pas essayer de faire coincider la réalité avec le dogme.
Ex: en 97/2002, en période de croissance, alors qu'il aurait fallu massivement désendetter, embaucher un million de pseudo fonctionnaires n'était pas forcément une idée de genie.
Plomber la croissance par le gel mécanique des salaires grace aux 35h00 n'était pas non plus une idée dont on peut etre fier (j'ai pour ma part perdu 16 à 20% de pouvoir d'achat entre 1997 et 2006, merci mme Aubry)
Écrit par : flo | 07 juillet 2009
Stupide la semaine de 4 jours (modulable sur 1 ou plusieurs années) ?
Je vous concède que cette mesure est difficile à "caser dans la conversation" dans le contexte de matraquage idéologique actuel.
Et pourtant cette idée n'est pas de gauche à l'origine, ci-dessous les premières personnalités politico-économiques à avoir, en leur temps, plébiscité ce concept :
- Michel Barnier dans son livre "Vers une Mer Inconnue"
- Gilles de Robien (à l'origine de la loi expérimentale, coaché par Pierre Larrouturou)
- Jacques Chirac (lors de sa visite de Brioches Pasquier (Pitch), qui passait à 4j)
- Brice Hortefeux (lors d'une conférence patronale sur le sujet animée par PL)
- Claude Bébéar, AXA
- Antoine Riboud, B.S.N.Danone
- Kleber Beauvillain, Helwett Packard
- Christian Boiron, laboratoires Boiron
- Jean Peyrelevade, Crédit Lyonnais
- Patrick Artus, Caisse des Dépôts
- Jean Boissonnat, Économiste
- Alain Duhamel Journaliste
- Alain Juppé
- Philippe Douste-Blazy
- Philippe Seguin
- Michel Rocard
...
On peut imaginer que ces personnalités ainsi que les 400 chefs d'entreprises ayant mis en place les 4j (Mamie Nova, Fleury Michon, Télérama, labos de recherche, petites SSII informatique, commerces, auto-écoles...) ne sont pas tous des imbéciles !
Selon 2 études du Ministère du Travail et de la Caisse des Dépôts et Consignations, sa généralisation créerait entre 1.6 et 2 millions d'emplois en CDI en 3 ans, même en temps de crise, et sans 1ct d'augmentation du déficit budgétaire de l'état ni des charges des entreprises.
Alors , imaginez, 2 millions de chômeurs ou rmistes retrouvant un réel pouvoir d'achat + l'effet sur la confiance de tous les consommateurs de voir des emplois se créer en masse un peu partout...
=> explosion de la consommation et donc de la croissance !!
L'expérience montre même que non seulement la semaine de 4 jours ne nuit pas à la compétitivité de l'entreprise, mais au contraire elle l'améliore ! => Surcroit de motivation de ses équipes (moins de fatigue/stress, meilleur équilibre vie pro/vie perso, montée en qualification des postes...).
Témoignage :
« Co-dirigeant d'une entreprise de 44 personnes, j'ai eu la chance de rencontrer Pierre LARROUTUROU en 1994. J'ai mis en place un de ses concepts "la semaine de 4 jours" (création d'emplois par la réduction du temps de travail-loi expérimentale de Juin 1996). Après quelques mois d'étude avec le personnel pour réorganiser l'entreprise (ouverture 6 jours par semaine mais 4 jours de travail pour les salariés, la mise en place s'est effectuée avec une incroyable énergie et avec des résultats financiers inespérés. La très grande leçon de cette "aventure" c'est la découverte de la capacité de tous les salariés à trouver des solutions concrètes aux problèmes de l'organisation de chaque service dans la mesure où ils sont impliqués dans le projet. »
Pour l'anecdote, en 1997, AXA annonça dans La Tribune le début d'une étude visant à adopter la semaine de 4 jours (1200 créations d'emplois prévus), le lendemain, l'action... montait de 5% !
Malheureusement, le projet est tombé à l'eau pour cause de 35h (et là je vous rejoins sur le fait qu'il faut abroger cette mesure inefficace et ruineuse).
http://nouvelledonne.fr
Écrit par : MKL | 07 juillet 2009
Admettons que des sommités et non des moindres se sont penchés sur la question.
M'enfin j'ai besoin de quelques précisions.
On parle bien de 32h00 payés 39 ? sinon, je ne vois pas comment éviter une révolution et les tetes de nos dirigeants au bout d'une pique rouillée si on réduit les salaires de 20 % (grosso modo)
Si on parle bien de 32h00 payés 39 il s'agit de 20% d'activité/productivité en moins (pour exactement les memes charges...) que vous me dites devoir compenser par des embauches. Et ces nouvelles embauches, elles ne sont pas payés ? Elles ne générent pas de charges nouvelles pour l'entreprise ?
Veuillez avoir l'extreme amabilité de m'expliquer ce mystère.
Écrit par : flo | 07 juillet 2009
Quelques éléments de réponse sur les exonérations de charge et le bilan financier de la semaine de 4j au niveau de l'entreprise.
Les entreprises passées à 4j (-20% de RTT donc) ne souhaitent en général pas embaucher 20% de personnel supplémentaire mais plutôt 10% et compenser ensuite par des gains de productivité.
La masse salariale (ensemble des salaires) nette augmente donc de 10%.
Les entreprises passant à 4j qui respectent ces 10% minimum d'embauche sont totalement exonérées de cotisation UNEDIC (part salariale et part patronale, logique, puisque ces chômeurs ne reçoivent plus d'indemnité), soit 6.4%.
On demande ensuite un effort aux salariés sur leur rémunération de 3.6%.
Total pour l'entreprise : +10% -6.4% -3.6% = 0
Entre en jeu ensuite un système de prime d'état au salarié, en fonction du niveau de salaire :
- sous 1500€net/mois, la prime compense intégralement la perte de salaire
- au-dessus, elle compense de manière à ce que la perte ne dépasse pas 3%.
Pour l'état cela représente un effort de seulement quelques milliards d'€, qui seraient vite récupérés par l'augmentation des prélévements type CSG/RDS (un salarié est mieux payé qu'un chômeur) et par des rentrées supplémentaires de TVA (on imagine bien que les 2 millions de chômeurs ou rmistes retrouvant un emploi correctement payé se remettront à consommer massivement)
Les calculs du bilan macro-économique de la semaine de 4j, réalisés par Patrick Artus, chef du service études économiques de la Caisse des Dépôts et Consignations, sont disponibles ici (datent de 1997 donc en francs mais toujours valables) :
http://www.nouvellegauche.fr/limpact-macroeconomique/
Écrit par : MKL | 09 juillet 2009
Les arguments de MKL sont à étudier :
- Effectivement, mieux vaut des salariés que des chômeurs, pour plein de raison, sociales (on remplit son CV, on redevient employable, on reste au courant des innovation de son métier ou on en apprend un autre par la pratique), économiques (un travailleur produit des richesses et se remet à consommer, le jeu économique normal fonctionne), psychologiques (image de soi, confiance dans l'avenir) et sociologique (réintégration dans la vie sociale de chômeurs dont la vie pouvait par ailleurs se détructurer).
- La France me semble avoir prouvé qu'il existe - pas partout, mais souvent - des marges de productivité. Les Français auraient en effet, je crois, l'une des meilleures productivité du monde. Mais je ne sais pas si elle s'est améliorée, comme on peut l'imaginer, avec les 35h00 ?? Qui a des stats là-dessus ?
Écrit par : Libéral européen | 15 juillet 2009
@ Libéral européen
Oui, malgré les déclarations à l'emporte-pièces de certains de nos dirigeants politiques qui laissent entendre que la France est la traîne sur le plan de la productivité, c'est en fait le contraire, nos sommes en tête avec les USA et l'Allemagne.
Depuis 30 ans, la France produit 76% de plus avec 10% de travail humain en moins. Et en même temps, grâce au baby-boom et grâce au travail des femmes, la population active a augmenté de 23% mais la durée légale du temps travail n’a pas changé. On lit et on entend partout que « la France est passée à 35heures » mais, en réalité, selon l’Insee, la durée réelle d’un temps plein est de 41h en moyenne.
Infos et stats complémentaires détaillées avec sources :
http://www.nouvelledonne.fr/pdf/d5_lacroissancenestpluslasolution.pdf
Écrit par : MKL | 24 juillet 2009
Les commentaires sont fermés.