19 mars 2009
La papamobile capote en Afrique
Dois-je en parler ? Salarié d'un journal catholique, mais pour ma foi personnelle éloigné depuis longtemps de l'Église catholique, n'est-ce pas casse-gueule de me lancer dans une note sur les propos controversés du Pape au sujet des préservatifs ? Sans doute, mais j'en ai un peu ras-le-bol des postures des uns et des autres.
À ma gauche, les anti-papistes forcenés qui déforment les propos du Pape. Et qui, parfois, d'un coup, se mettent à glorifier Jean-Paul II pour mieux taper sur Benoît XVI. Alors qu'hier ils ne se gênaient pas pour défomer les positions dudit Jean-Paul II, en l'accusant des mêmes maux que Benoît XVI aujourd'hui !
À ma droite, les pro-papistes aveugles qui défendent Benoît XVI en démontrant, non sans talent, que les anti-papistes déforment les propos du Pape (cf. Eolas et Koz*) ...mais sans véritablement répondre sur le fond. Car, sur le fond, les propos de Benoît XVI me semblent bel et bien choquants.
Qu'a-t-il dit exactement ?
Philippe Visseyrias, France 2 : Saint-Père, parmi les nombreux maux dont souffre l'Afrique, il y a en particulier la propagation du sida. La position de l'Église catholique sur les moyens de lutter contre le sida est souvent considérée irréaliste et inefficace. Allez-vous aborder ce thème durant votre voyage ?
Benoît XVI : Je dirais le contraire. Je pense que l'entité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est justement l'Église catholique, avec ses mouvements, avec ses réalités diverses. Je pense à la communauté de Sant'Egidio qui fait tellement, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida, je pense aux Camilliens, à toutes les sœurs qui sont au service des malades... Je dirais que l'on ne peut vaincre ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. S'il n'y a pas l'âme, si les Africains ne s'aident pas, on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d'augmenter le problème. On ne peut trouver la solution que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c'est à dire un renouveau spirituel et humain qui implique une nouvelle façon de se comporter l'un envers l'autre, et le second, une amitié vraie, surtout envers ceux qui souffrent, la disponibilité à être avec les malades, au prix aussi de sacrifices et de renoncements personnels. Ce sont ces facteurs qui aident et qui portent des progrès visibles. Autrement dit, notre effort est double : d'une part, renouveler l'homme intérieurement, donner une force spirituelle et humaine pour un comportement juste à l’égard de son propre corps et de celui de l'autre; d'autre part, notre capacité à souffrir avec ceux qui souffrent, à rester présent dans les situations d’épreuve. Il me semble que c'est la réponse juste, l'Église agit ainsi et offre par là même une contribution très grande et très importante. Nous remercions tous ceux qui le font.
source : La Croix
Quand le Pape dit que, dans l'absolu, le meilleur moyen de lutter contre le SIDA c'est la chasteté (à ne pas confondre avec l'abstinence) et la fidélité, il est dans son rôle. C'est ce que disait également Jean-Paul II. Quand le Pape dit que, partant de là, on ne peut pas résoudre ce fléau uniquement en distribuant des préservatifs, il est toujours dans son rôle. Et tout humanisme, religieux ou athée, pourrait certainement se nourrir des réflexions de Benoît XVI sur l'"humanisation de la sexualité".
Mais quand le Pape dit que distribuer des préservatifs "risque d’augmenter le problème" du SIDA, c'est une insulte envers tous ceux qui, catholiques (et ils sont nombreux) ou non-catholiques, luttent sur le terrain contre ce fléau et aident ceux qui en sont les victimes. Même si sa distribution n'est pas accompagnée d'un message sur l'"humanisation de la sexualité", le préservatif demeure en effet un outil de prévention.
* Koz défend d'ailleurs le Pape tout en proposant d'"augmenter le problème", puisqu'il reconnaît tout de même, au détour d'une phrase, l'utilité du préservatif dans la lutte contre le SIDA : "Oh bien sûr, à l'échelle d'un rapport et d'un individu, et sous les réserves précédemment exposées (non-fiabilité à 100%, ndlr), le préservatif est intéressant", admet-il. À transmettre d'urgence à Benoît XVI !
Ajout du 24 mars : Le Figaro vient de révéler que l'Osservatore Romano contredit dans son édition du dimanche 22 mars les propos de Benoît XVI en vantant la méthode dite "ABC" pour lutter contre le SIDA : "A" comme abstinence (abstinence), "B" comme fidélité (be faithful) et "C" comme préservatif (condom use). "Ces trois facteurs, insiste le quotidien du Vatican, ont une influence importante sur la réduction de l'incidence du sida". Miracle !, le préservatif n'est soudainement plus un facteur qui risque d'augmenter le problème mais un facteur qui contribue à lutter contre le fléau...
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Commentaires
Alors, que je m'explique : je parle d'1 rapport de d'1 individu. Mais il me semble que, puisque l'on parle d'épidémie, il faut voir plus loin. A moyen ou long terme, la sécurité ressentie peut conforter la personne dans des comportements sexuels à risque (multiples partenaires, relations concomitantes....), au lieu de l'amener à modifier son comportement.
Compte tenu de l'absence de fiabilité du préservatif - fiabilité inhérente et fiabilité dans le cadre d'un "usage typique" (ie dans des conditions réelles") - ceci peut amener à une contamination ultérieure, de surcroît en toute bonne conscience.
Je pense, dans ce cas, aller dans le sens du Pape, qui n'a pas dit que l'utilisation du préservatif aggravait le problème mais que sa distribution pouvait l'aggraver, ce que je comprends comme une référence aux politiques basées sur une telle distribution.
Écrit par : koz | 19 mars 2009
Non, je ne pense pas que ce soit le sentiment de sécurité ou d'insécurité qui induise ou non le comportement à risque.
Pour le long terme, je comprends bien le chemin vers l'"humanisation de la sexualité". Mais pour le court terme, l'utilisation du préservatif (et donc sa distribution : comment séparer les deux !) contient et n'aggrave pas le fléau du SIDA.
D'ailleurs, jusqu'aux propos de Benoît XVI les rôles étaient bien partagés : au Pape de dire l'absolu (chasteté et fidélité), aux Églises nationales de tenir compte des réalités humaines et de terrain (chasteté et fidélité, à défaut utilisation du préservatif).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 19 mars 2009
Le pape dans les propos que tu cites ne traite pas du problème du jugement prudentiel lors des comportements sexuels à risque, çà n'est pas son propos, et c'est le rôle comme tu dis des pasteurs locaux de donner des recommandations personnelles à leurs fidèles.
Relis bien le texte, le pape explique qu'il convient d'agir sur les comportements vis à vis de son propre corps et celui de l'autre.
Excuse moi, mais baiser en se disant qu'on a pas de risque de mettre une femme enceinte ou chopper une MST, çà aide pas à responsabiliser son comportement face aux pulsions qu'on a tous...
Être maître de soi pour exercer sa sexualité de façon autre qu'uniquement hédoniste,sans refouler c'est un apprentissage. qui demande du temps...
Et statistiquement parlant comme l'explique Koz dans son billet en se basant sur les infos l'OMS la diffusion des préservatifs entraîne une augmentation des risques de contamination puisqu'un usage "typique" selon les termes OMS entraine un taux de grossesse entre 10 et 14%. je trouve que la raisonnement de Koz se tiens en montrant s ij'ai bien compris, que çà augmente aussi par analogie le risque de contamination par le SIDA qui est un virus plus petit q'un spermatozopide, en sécurisant trop les gens dans des comportement à risque...
Écrit par : Blogblog | 20 mars 2009
Encore une fois, comme je l'ai écrit, j'entends bien ce que veut dire le Pape sur l'"humanisation de la sexualité". Mais je ne parviens toujours pas à comprendre en quoi la distribution de préservatifs "risque d'augmenter le problème".
Je ne pense en effet pas que la personne se dise "j'y vais car j'ai un préservatif". Je pense qu'elle se dit "j'y vais" de toute façon, et que, en attendant que le message sur l'"humanisation de la sexualité" face éventuellement son chemin, mieut vaut que cette personne y aille avec un préservatif que sans.
Quant à l'argument sur la fiabilité du préservatif, je ne veux pas m'apesantir dessus car c'est un argument éculé (le préservatif masculin reste le moyen de contraception et de protection le plus simple et le plus fiable, même s'il ne l'est pas à 100%). Et puis, de toute façon, l'Église catholique est contre toute méthode "non naturelle" de contraception, donc le discours serait identique même si le préservatif était fiable à 100%.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 20 mars 2009
Messieurs, je vous prie de bien vouloir m’excuser par avance, ma hauteur de vue en la matière étant au ras des pâquerettes.
Concernant les déclarations du Pape, vous pouvez les retourner dans tous les sens, je les trouve criminelles. Et si aggravation il y a c’est dans le durcissement de la ligne de JPII.
Msg Di Falco, tout en désapprouvant du bout des lèvres la position de Benoît XVI a expliqué que le préservatif est cher et qu’il peut être utilisé plusieurs fois voire prêté d’où une possible aggravation du problème dans son utilisation (en Afrique)
Même cette explication ne me convainc pas du tout et je la trouve ambiguë. Cette même ambiguïté sur la question du préservatif que je trouve aussi dangereuse qu'une condamnation.
J’approuve votre remarque sur la fiabilité du préservatif dont la remise en cause est une fois encore d’une rare hypocrisie. Serait il fiable à 100% que l’Eglise serait encore plus contre.
Le pape est peut être dans son rôle et je comprends qu’il puisse difficilement prêcher « enfilez vous les uns les autres » mais il pourrait au moins observer sur ce sujet un silence bienvenu plutôt que de nous faire partager une opinion aussi criminelle que moyenâgeuse.
Quand au blabla sur l'humanisation de la sexualité... quelle bonne blague !
Puis-je ingénument demander ce qu'il y connait lui à la sexualité ? Soit il pratique en douce et c'est un hypocrite soit il n'y connait rien. Dans les deux cas il se tait.
Ensuite Benoît peut développer tout le blabla théologique et philosophique qu’il veut, la sexualité des mammifères humains est le résultat d’interactions chimiques et hormonales complexes induisant des pulsions qu’il appartient à chacun de gérer comme il le veut. Pour le reste et entre adultes consentant, comme disait Coluche, « chacun fait ce qu’il veut avec son cul. »
Et je trouve personnellement choquant que quelqu’un puisse me dire ce que je dois faire ou ne pas faire de ma sexualité.
Nous avons pour Pape un super théologien obtus. Quand aurons nous un être humain ?
Écrit par : flo | 20 mars 2009
@Flo. Concernant les propos de Benoît XVI, vu que je les désapprouve également (cf. ma note), je laisse les défenseurs répondre, s'ils reviennent ici...
Juste deux petits désaccords, toutefois : 1) contrairement à vous, je ne dénie pas au Pape le droit de parler de sexualité 2) le Pape s'adresse aux catholiques, et personne n'est obligé d'être catholique (en résumé : si au départ chacun fait effectivement ce qu'il veut avec son cul, quelqu'un qui fait le choix de se revendiquer catholique ne peut plus faire ce qu'il veut avec son cul).
Écrit par : Laurent de Boissieu | 20 mars 2009
A Flo,
Justement, tu parles de pulsions et c'est bien là qu'est le problème. On ne peut pas dire de la sexualité qu'elle est le produit d'interactions complexes et de pulsions, parce ces deux choses s'opposent. C'est la pulsion libidinale dont parle Freud et développée comme concept par Bernard Stiegler.
Pour ma part, ce que je comprends du message du Pape, c'est qu'on peut faire l'amour autant que l'on veut avec son partenaire, mais on fait l'amour, on jouit, on éjacule, on mouille, on crie, on rit, on pleure, on sue, pas comme des bêtes. En conscience. Et c'est tellement plus érotique, tellement plus beau que de s'offrir l'un à l'autre. Effectivement, parfois sans réfléchir, parfois à minuit quand il pleut sous un porche de l'Ile Saint-Louis ou dans une casemate d'observation ornithologique à midi. C'est là que tout est beau.
Et considérer que le rapport d'amour, le gland qui caresse le clitoris (désolé d'être aussi prosaïque, mais je crois qu'il faut dire les choses.), malaxer les seins, les bouffer, sucer un pénis dans l'amour et la confiance, n'est pas possible en Afrique, penser que les Africains sont des bêtes à deux dos, CA SUFFIT ! C'est garder une vision de l'Africain comme un ersatz d'homme. Et nous ferions bien de regarder à deux fois chez nous afin de nous responsabiliser nous d'abord. Le Pape est évidemment conscient de la portée de chaque parole, et jamais il ne dit que l'usage du préservatif est un danger. Il dit, pour ce que j'en comprends, que la distribution à tout-va de préservatifs, est ridicule car elle incite à des comportements proprement animaux. Et finalement, moi, je trouve ça plutôt sain qu'il dise des choses pareilles, et c'est éminemment prosaïque aussi. Si les responsables d'associations humanitaires, qui sont au plus près de la situation sanitaire parfois désastreuse de pays africains en déshérence absolue, parlaient ainsi (tout en donnant des préservatifs, évidemment, en expliquant, en disant que c'est un mal nécessaire, en expliquant aux couples qu'ils doivent rester ensemble, mais je pense qu'elles le font, j'en suis même certain.), je pense que la pandémie serait moins virulente.
Laurent, Koz, dont tu parles, n'arrête pas d'être grivois et de dire, en filigrane, qu'il baise comme un furieux avec sa chère et tendre. Est-ce qu'il met un préservatif ? Alors, c'est vrai, il est privilégié, patin, couffin, mais je suis sûr que parfois c'est aussi dur pour lui. Est-ce qu'il va voir ailleurs pour autant ?
Écrit par : RA | 20 mars 2009
J’ai dit « interactions CHIMIQUES complexes » Il s’agit donc d’un processus interne et non la réaction à un stimulus externe.
Stiegler distingue la pulsion (ici sexuelle) tourné vers un plaisir immédiat, de la pulsion libidinale développée par Freud. Cette dernière : « l’énergie libidinale détourne les pulsions de leur objet sexuel pour les fixer sur des objets sociaux et produire, par là même, ce qu’on appelle la civilisation. »
Il reprend à son compte ce que développe Claude Levi-Strauss dans Les Structures Elémentaires de la parenté : « l’alliance matrimoniale, le don de soi à l’autre, à travers l’acte sexuel, serait l’acte suprême car procréateur des générations futures »
Mais Stiegler en fait un tout autre usage et compare la pulsion au comportement capitaliste, chez lui destructeur de l’énergie sociale pour en faire une critique de la bourgeoisie.
Si je comprends bien Freud et Levi Strauss, je ne souscris pas à Stiegler. Car si il est bien un modèle social de morale stricte et de comportement monogame c’est celui de la bourgeoisie occidentale avec pour objet la transmission du capital.
Ceci mériterait un débat plus approfondi et nous sommes déjà hors sujet.
Écrit par : flo | 20 mars 2009
Merde, il faut que je tombe sur la seule nana qui connaît la pensée de Stiegler ;)
En gros, pour ce que j'en comprends, Benoît,mon pote le Pape, nous dit, forniquez comme des bêtes,mais avec votre légîtime, voilà tout. Et il a raison. Les Africains ne sont pas plus cons que toi ou moi. Ils comprennent très bien.
Le papier de Miclo dans Causeur est parfait, à ce propos.
Écrit par : RA | 20 mars 2009
@RA. Non, justement, le problème c'est que Benoît XVI ne dit pas que cela. Jean-Paul II ne disait effectivement que cela. Mais BenoÎt XVI ne dit pas que cela. Je crois que ma note est assez claire sur la différence entre les deux discours, celui du précédent Pape et celui du Pape actuel. Comme le dit Flo, on peut retourner dans tous les sens les propos de Benoît XVI, mais il ferme la porte à des années de travail d'une Église tenant compte des réalités humaines et de terrain.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 20 mars 2009
@RA toujours. Je viens de lire, sur vos recommandations, l'article de Miclo sur Causeur. C'est parfaitement nul, en effet...
Je cite Miclo : "Nulle part, le pape ne dit qu'il ne faut pas utiliser de capotes. Nulle part, il n'en condamne l'usage. Il dit simplement qu'on ne peut pas se contenter de cette solution et qu'en distribuant à l'Afrique des préservatifs on se donne certainement bonne conscience, mais on ne règle rien du tout. Et quand on ne règle pas un problème, on l'aggrave..."
1) J'en ai marre de cette hypocrisie qui consiste à dire que le Pape n'a pas dénoncé l'utilisation du préservatif mais a dénoncé la distribution du préservatif; comment utiliser le préservatif s'il n'a pas été distribué ? En encourageant, comme cela se fait parfois en Afrique, la réutilisation dangereuse de préservatifs déjà utilisés ???
2) Non, le Pape ne dit malheureusement pas qu'"on ne peut pas se contenter de cette solution". Il dit que la distribution de préservatifs, non seulement n'est pas une solution, mais "risque d'aggraver le problème". En quoi ??? Pourquoi ???
3) "Et quand on ne règle pas un problème, on l'aggrave..." Pardonnez-moi, mais quelle connerie cette phrase !!! Diriez-vous que les soins palliatifs aggravent les maladies incurables ???
Écrit par : Laurent de Boissieu | 20 mars 2009
Laurent,
Sans vouloir apparaître aussi savant que Miclo ou Koz, sans être pédant non plus, sans vouloir adopter de double discours (au passage, on s'est toujours tutoyés, on va continuer ? J'utilise des initiales pour des raisons personnelles;) ), je pense, en analysant ma propre réaction, que je n'ai pas envie de croire que Benoît est un salaud. En filigrane, c'est ce que je lis partout et cela m'agace profondément. S'ila dit ce qu'on veut qu'il ait dit, alors c'est effectivement la pire des ordures. Or, je sens une humanité supérieure chez cet homme (n'oublions jamais que c'est un homme.) Je suis agacé par les hommes d'église (église étant à prendre au sens générique.) Et j'ai appris à les connaître. A les entendre. Ma première réaction équivaut à la tienne, la révolte, la fureur, l'emportement. Et je réfléchis.
Est-ce que le Pape, tout d'abord, a tort de parler de sexualité ? Je ne crois pas. Il est dit dans la Bible : "Il n'est pas bon que l'homme aille seul." Puis "Croissez et multipliez." Le Cantique des Cantiques nous invite d'aimer, de caresser notre conjoint. Ensuite, le pape démontre par l'utilisation même du mot, qu'il est bien vivant dans ce monde, et pas enfermé dans sa tour d'ivoire comme on le dépeint trop hâtivement. Maintenant, dire que le préservatif n'est pas suffisant pour gréver la pandémie, cela me semble presque évident. Il faut un changement des mentalités. En Afrique et partout dans le monde. Il faut réapprendre d'aimer. C'est vrai que c'est dur, j'en fais l'amère expérience avec ma compagne qui m'en fait voir de toutes les couleurs, jusqu'à en péter les plombs, je le dis bien volontiers. Mais je me bats, je me bats, Laurent, je me bats aussi fort que je le peux pour construire quelque chose. Je ne veux nullement professer ou m'ériger en guide, en juge, en conscience. Je dis ce que je vis, en chrétien, avec joie, parfois avec difficulté. Nous allons loin, nous nous aimons, pour l'instant, nous restons d'un point de vue strictement sexuel, chastes. C'est un combat, c'est très difficile, Laurent, vraiment, et je ne conseille à personne de vivre cela. Nous y trouvons notre bonheur dans d'autres formes de sexualité, sans pénétration. Nous nous donnons du plaisir, nous parlons, nous ne parlons plus, nous nous aimons. Et c'est dur, vraiment, crois-moi. Quelque fois, j'ai envie de la violer et quelque fois elle a envie, vraiment. Nous n'attendrons pas le mariage, vraisemblablement, mais d'abord, nous voulons nous connaître, savoir jusqu'à quel point chacun peut aller, quelles sont nos forces, nos faiblesses, nous construisons. Et peu ou prou, c'est un peu ce que le Pape nous demande. Si Dieu nous donne la chance de nous considérer l'un pour l'autre, l'un à l'autre, nous n'aurons pas besoin de préservatifs et nous pourrons être amants véritables.
Qu'est-ce que c'est que cette position de considérer qu'un Camerounais ou un Angolais seraient incapables de construire pareillement ? Sommes-nous si différents ? Suis-je si supérieur à l'homme noir que lui ne puisse jamais transcender son désir sexuel ? Oui, Laurent, le Pape nous demande de nous aimer autrement, de poser pierre après pierre. Et qu'on ne vienne pas me dire que je serais privilégié ou toutes ces balivernes. j'évolue dans un milieu privilégié, certes, mais sans un sou en poche, sans travail, certes en voie d'en trouver un, mais tout de même. Je suis pauvre au milieu de gens aisés, j'en souffre, cela ne m'oblige pas pour autant de multiplier les aventures sexuelles, je pourrais, mais je n'en ai pas envie. Tout va ensemble, le désir de famille, de mariage, de don de l'un à l'autre, le travail, tout est lié. Est-ce que le Pape dit autre chose ? Je ne crois pas, mais encore une fois, je ne suis pas une autorité, loin de là. Et si l'on pense que je suis assez ingénu pour ne pas voir la droitisation de l'Eglise, on se fourre le doigt dans l'oeil. J'ai pris le pouvoir dans mon canard en foutant dehors un type qui pensait un peu trop l'heure de la réaction venue. Et j'impose moi aussi mes vues, à l'intérieur de l'Eglise, et on me laisse faire, on m'encourage, voire. Alors, c'est sûr, à Radio Courtoisie et à l'institut du Bon pasteur, on ne me lira pas, mais je m'en fous. Les discours de pureté sexuelle, très peu pour moi. Je vis très bien notre équilibre borderline et dis assez comme il est complqiué et instable. Mais dans le même temps, elle m'émeut et je l'aime et elle me rend heureux. Cela me suffit. Est-ce que cela rejoint la position du Pape, peut-être, un peu, et après tout, ce n'est pas grave.
Tu évoques, laurent, les soins palliatifs pour les maladies incurables. Là aussi, tu mélanges tout, en te marquant tout le respect qui t'es dû, comme hôte de ces lieux. Un des principaux hopitaux des derniers jours à Paris est la Maison Jeanne Garnier, une institution catholique où tout est fait pour ne pas souffrir. Le Padre Pio a fondé en italie un hopital où l'éradication de la souffrance est le point-clef de l'établissement. On aggrave le problème en distribuant des préservatifs, parce que l'on continue de dire aux gens, baisez qui vous voulez, quand vous voulez, comme vous voulez. Et le jour où on n'a plus de préservatifs sur soi, eh bien, on continue et c'est là qu'on transmet le virus dont on est peut-être proteur et c'est là qu'on aggrave le problème, laurent. Tu vois que ce n'est pas simple, tu vois qu'il y a bien plus de complexité. Même moi qui suis si modestement intelligent, j'arrive à percevoir cette nuance. C'est dire...
Maintenant, que le Pape soit un peu jésuitique en disant "distribution" au lieu d'"utilisation", cela te surprend-t-il réellement ? Et encore, tu te fondes sur le papier e Miclo, et pas sur le texte complet de l'intervention du pape, dont on a retiré ces quelques phrases pour lui décocher quelques flêches. Toi qui es journaliste, et brillant journaliste, tu sais combien votre corporation a tendance de trier trois mots et de les mettre en exergue pour vendre. Eh bien, je crois que le pape, ce pape, n'est pas très rompu à ces méthodes. Que c'est un intellectuel pur. Je lecomparerais à Bourdieu qui disait souvent qu'il avait besoin de temps, un besoin "terrible", disait-il de temps, pour expliciter ses positions. Comme tous les intellectuels. Le Pape n'échappe pas à cette règle et oui, il n'est pas infaillible.
Bien à toi, dans la paix retrouvée, je l'espère grandement.
Écrit par : RA | 20 mars 2009
Cher RA,
Je ne crois pas que Benoît XVI soit "un salaud" ! D'ailleurs, dans ma note je m'oppose aussi bien aux "anti-papistes forcenés" qu'aux "pro-papistes aveugles". Seulement, il est vrai que je m'adresse essentiellement aux seconds, vu que ces derniers répondent déjà très bien aux premiers...
Je pense toutefois que Benoît XVI a bien dit ce qu'il a dit, que c'est indéfendable, mais j'ose effectivement espérer qu'il s'agit d'une erreur de communication (une de plus ! - il y a d'ailleurs eu un cafouillage entre le prononcé du Pape et le texte transmis en salle de presse aux journalistes). Et je pense donc qu'il devrait vite l'admettre et recadrer son message, afin de disperser le trouble qu'il a semé dans de nombreux esprits, jusqu'au sein de l'Église catholique (je ne parle pas pour moi, puisque je m'en suis éloigné depuis longtemps, mais de personnes engagées dans l'Église avec qui j'ai parlé, hier, de ce sujet, ce qui a d'ailleurs motivé ma note...).
Deux autres divergences :
- La distribution de préservatifs me semble aujourd'hui indispensable pour lutter contre le SIDA (même si ce n'est pas forcément suffisant, mais c'est indispensable en tenant compte des réalites humaines et de terrain).
- Non, cela n'aggrave pas le problème selon moi. Je ne peux que répéter ce que j'ai écrit plus haut : je ne pense pas que la personne se dise "j'y vais car j'ai un préservatif". Je pense qu'elle se dit "j'y vais" de toute façon, et que, en attendant que le message sur l'"humanisation de la sexualité" face éventuellement son chemin, mieut vaut que cette personne y aille avec un préservatif que sans.
Pour le reste, je suis globalement d'accord avec toi :
- Comme je l'ai également écrit plus haut : contrairement à Flo, je ne dénie pas non plus au Pape le droit de parler de sexualité.
- Tu dis que le préservatif n'est pas suffisant pour enrayer la pandémie et tu parles d'un changement des mentalités nécessaire. Or j'ai également parlé dans ma note de l'"humanisation de la sexualité" dont parle Benoît XVI, qui pourrait certainement nourrir tout humanisme, religieux ou athée.
Bien à toi, dans le respect de tes choix personnels de vie.
Écrit par : Laurent de Boissieu | 20 mars 2009
La Papamobile décapotable, finalement, je n'y "croix" pas...
KLC
http://www.kerfon-le-celte.net/
Écrit par : KERFON LE CELTE | 31 mars 2009
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