20 août 2007
La France en Irak occupée
Bernard Kouchner est en visite en Irak. Il est humain qu'il veuille rendre hommage à ses amis tués dans ce qu'il reste de cet État : Sergio Vieira de Mello, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies; Nadia Younes, Fiona Watson et Jean-Sélim Kanaan, membres de son équipe au Kosovo. Mais Bernard Kouchner n'est pas que Bernard Kouchner : Bernard Kouchner est ministre des affaires étrangères de la France. Et sa visite est présentée comme "officielle" et non comme privée.
On pouvait penser que Nicolas Sarkozy avait changé sur l'Irak en particulier et sur sa conception des relations avec les États-Unis en général, après avoir - très tardivement, en janvier dernier - rendu hommage à la position de Jacques Chirac lors de la crise irakienne de 2003. Ce retour de la France sur une terre occupée par les Américains et leurs alliés prouve qu'il n'en est rien.
Si la nomination de Bernard Kouchner au gouvernement a été présentée comme un exemple de l'ouverture à gauche affichée par Nicolas Sarkozy, sur l'Irak les deux hommes semblent sur la même ligne depuis toujours. Contre une intervention unilatérale américaine, certes (Nicolas Sarkozy, en janvier 2003 : "la décision d'un conflit ne peut être qu'une décision collective, prise après un débat au conseil de sécurité de l'ONU" car "les Américains n'ont pas à décider seuls, sans tenir compte de l'avis d'autres nations, du fait de savoir s'il doit ou non y avoir paix ou guerre"). Mais pour une intervention sous couvert de l'ONU ou, tout au moins, contre une opposition de la France à cette dernière (Nicolas Sarkozy, en septembre 2006 : "La menace de l'utilisation de notre droit de veto était inutile", dénonçant dans le discours prononcé par Dominique de Villepin au Conseil de sécurité de l'ONU, le 14 février 2003, "l'arrogance française", les "mises en scène" et la "grandiloquence stérile").
Comme me l'a dit un ancien ministre : "Si Nicolas Sarkozy avait dit ce qu'il pensait, le gouvernement aurait explosé". À l'époque, il était numéro deux du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Aujourd'hui, il est président de la République. Et, logiquement, "Sarkozy l'Américain" réoriente sa politique dans un sens plus conforme à ses convictions. Mais nul ne peut lui en faire le reproche : il a été élu pour cela.
Reste à savoir s'il ira jusqu'au bout en tenant une de ses promesses électorales implicites, qui briserait le tabou gaulliste du retour de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN. "La France, qui a quitté les structures intégrées de l'OTAN en 1966, n'en reste pas moins un membre très actif et l'un des principaux contributeurs opérationnels", expliquait-t-il dans le numéro de janvier-février de la revue Défense de l'IHEDN. Concluant que la France "devra demain réduire l'écart entre son discours et la réalité de la situation".
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