Le PS voulait-il interdire le voile aux mères accompagnatrices de sorties scolaires?
29 octobre 2019
Le Sénat examine, ce mardi 29 octobre 2019, une proposition de loi du groupe Les Républicains soumettant les parents accompagnateurs de sorties scolaires à l'interdiction du port de signes ou tenues par lesquels ils "manifestent ostensiblement une appartenance religieuse".
Dans une étude demandée par le Défenseur des droits et publiée en décembre 2013, le Conseil d'État avait exposé que les mères voilées accompagnant des sorties scolaires n'étaient pas soumises, par principe, à la neutralité religieuse, mais pouvaient l'être par exception, sur décision du chef d'établissement. "Les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l'éducation peuvent conduire l'autorité compétente, s'agissant des parents qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s'abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses", avait-il été analysé. Pour Les Républicains, il s'agit donc de sortir de ce cas par cas, à la discrétion des chefs d'établissement, afin d'établir une règle commune.
En 2003, la question de l'opportunité d'une clarification législative s'était déjà posée.
Estimant qu'il était "urgent de lutter contre le communautarisme", le groupe socialiste, unanime, avait déposé une proposition interdisant, pour les élèves comme pour les "visiteurs", "le port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques dans l'enceinte des établissements publics ainsi que dans toutes les activités extérieures organisées par eux". Dit autrement, il s'agissait bien, apparemment, d'interdire le voile aux mères accompagnatrices de sorties scolaires.
L'UMP (devenue Les Républicains), elle, était à l'époque divisée. D'un côté, les chiraquiens (Alain Juppé, Jean-Louis Debré, François Baroin) plaidaient en faveur d'une "disposition législative qui interdira expressément le port visible de tout signe d'appartenance religieuse et politique dans l'enceinte des établissements scolaires". Certains d'entre eux, comme Jean-Louis Debré, envisageaient même de l'étendre aux établissements privés sous contrat.
De l'autre, les sarkozystes s'y opposaient. Dans un communiqué, quatre d'entre eux (dont Christian Estrosi) dénoncèrent "les laïcards intégristes" et le fait que "pour lutter contre les agissements d'une minorité, on en vienne à pénaliser l'immense majorité des pratiquants de toutes les religions". Un compromis fut finalement trouvé entre Alain Juppé, président de l'UMP, et Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur. L'aboutissement en fut loi de 2004 interdisant aux élèves des établissements publics de manifester "ostensiblement" une appartenance religieuse.
Pour la petite histoire, lorsqu'en 2015 la question du voile religieux resurgira, la droite se divisera de nouveau, mais à front renversé. "Nous ne voulons pas de femmes voilées", déclarera Nicolas Sarkozy en souhaitant étendre cette interdiction aux mères accompagnatrices de sorties scolaires (position actée en interne par l'UMP dès 2011), aux étudiants des universités publiques, aux usagers des administrations et jusqu'aux salariés des entreprises. Cette fois, ce sera l'ancien chiraquien Alain Juppé qui s'opposera à toute nouvelle interdiction concernant "des adultes".
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