Jacques Sapir, de Causeur à Éléments
15 janvier 2016
L'économiste Jacques Sapir a accordé un entretien au magazine Causeur titré "Entre le camp national-républicain et l'extrême droite, le FN doit choisir".
Selon lui, le FN "sort du cadre républicain" en raison de ses propositions "sociétales", citant trois points:
- la remise en cause de l'avortement
- le rejet des Français de confession musulmane ("dire que les musulmans seraient des citoyens de seconde zone")
- le racisme et le racialisme, deux idées distinctes mêlées dans les propos de Jacques Sapir ("Quant aux militants, bien sûr que certains tiennent des propos racistes. Il y a des cons partout! Il y en a aussi chez Les Républicains ou au Parti socialiste. J'ai par exemple été très choqué par les propos de Claude Bartolone sur la «race blanche»")
Jacques Sapir appelle donc les dirigeants du FN à "faire cette clarification" afin que ce parti s'inscrive "dans l'arc républicain", passe du bon côté du mur politiquement infranchissable qui sépare l'acceptable de l'inacceptable ("...il y a une majorité de Français qui ne veulent sous aucun prétexte du Front national au pouvoir. Cela pose la question du discours du FN, qui demeure dans l'ambiguïté, et ne dit pas la même chose à Carpentras ou au Pontet qu'à Hénin-Beaumont ou Forbach. Or, au premier tour, on choisit, mais au second on élimine celui qui fait peur. Qu'est-ce que les Français craignent le plus? Il y a un certain nombre de propositions que j'appellerais sociétales, qui lui aliènent les votes de nombreux Français...").
Si l'intégrisme religieux n'est quasiment plus représenté au sein de la direction du Front national, les deux autres points renvoient à un clivage fondamental à l'intérieur du parti lepéniste (comme l'analyse également l'écrivain racialiste Renaud Camus: "...le seul vrai clivage sépare les remplacistes des antiremplacistes et il passe au sein du FN", 31 décembre 2015 sur Twitter).
D'un côté, une aile "assimilationniste" (Marine Le Pen, Florian Philippot) qui veut défendre tous les Français sans distinction d'origine, de couleur de peau ou de religion. De l'autre, une aille "identitaire" (Marion Maréchal Le Pen) reprenant les concepts de l'extrême droite racialiste ("Français de souche", "grand remplacement": autant de mots codés pour défendre une France et une Europe "blanches").
Pour la même semaine, Jacques Sapir a également accordé un entretien à l'organe militant Éléments. Or, sauf changement radical et récent d'orientation (1), cette revue représente une extrême droite dont le marqueur idéologique est d'être racialiste, anti-universaliste, anti-égalitaire, européiste et régionaliste.
Bref, il est totalement contradictoire de la part de Jacques Sapir de déclarer le mardi 12 janvier qu'"entre le camp national-républicain et l'extrême droite, le FN doit choisir", puis d'accorder le samedi 16 janvier un entretien à l'organe d'un courant qui - en dépit de convergences en politiques économique ou internationale - représente le pire du pire de l'extrême droite pour un national-républicain (en dehors bien entendu des groupuscules nostalgiques, folkloriques et donc anecdotiques).
D'où un statut Facebook, volontairement paramétré pour en discuter avec mes seuls contacts (ni "public" ni "amis d'amis"), puis une discussion privée - divulguée sans autorisation par l'équipe d'Éléments sur son blog - avec David Desgouilles.
En conclusion, mes propos ne faisaient que reprendre ceux de Jacques Sapir dans Causeur, en ajoutant simplement qu'Éléments appartient justement à cette extrême droite qui "sort du cadre républicain". Outre la flagrante contradiction, cela revient pour Jacques Sapir à tendre à ses contradicteurs le bâton pour se faire battre, en risquant au passage de perdre encore un peu plus de soutiens ...en dehors de l'extrême droite.
(1) Ses rédacteurs m'assurent qu'ils ne sont soudainement plus racialistes... tout en me conseillant sur Twitter de (re)lire, pour preuve, un texte où Alain de Benoist expose précisément sa pensée racialiste (Contre tous les racismes, Éléments n°8-9, 1974)!
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