François Hollande et Marine Le Pen, deux conceptions divergentes de la souveraineté
12 octobre 2015
Le président de la République et la présidente du Front national se sont opposés, le 7 octobre, au Parlement européen, sur la question de la souveraineté.
François Hollande promeut l'idée d'une "souveraineté européenne" partagée avec la souveraineté française, là où Marine Le Pen ne conçoit qu'une souveraineté française et indivisible.
Le déplacement de François Hollande au Parlement européen, le 7 octobre 2015, aux côtés de la chancelière allemande Angela Merkel, a été l'occasion d'une passe d'arme avec Marine Le Pen.
Au-delà de la polémique autour des propos de la présidente du FN, qualifiant le président de la République de "vice-chancelier administrateur de la province France", François Hollande et Marine Le Pen se sont opposés sur la notion de souveraineté.
La souveraineté partagée de François Hollande
Dans ses déclarations, François Hollande a successivement parlé de "souveraineté pour l'Europe" puis de "souveraineté européenne". Concrètement, considérer qu'il existe une "souveraineté européenne", c'est considérer que l'Union européenne doit constituer un État souverain.
Personne n'imaginant un État européen unitaire, il s'agirait forcément d'un État européen fédéral - qui n'existe pas aujourd'hui - partageant la souveraineté avec les États membres de l'Union européenne. Comme son ancien mentor Jacques Delors, François Hollande parle ainsi d'une "fédération d'États-nations".
Sa conviction se fonde sur l'idée qu'une France, même juridiquement pleinement souveraine, ne serait en réalité pas souveraine dans le monde d'aujourd'hui en raison de sa taille (trop petite). "Il n'est d'autre solution qu'une Europe forte pour garantir notre souveraineté", plaide-t-il en effet.
Aux yeux de François Hollande, le souverainisme c'est forcément "le souverainisme dans chaque pays". Bien que de fait lui-même souverainiste, à l'échelon européen et non uniquement français, il refuse donc ce terme en allant jusqu'à affirmer que "le souverainisme, c'est le déclinisme". Comme François Mitterrand déclara, vingt ans auparavant, que "le nationalisme, c'est la guerre".
La souveraineté indivisible de Marine Le Pen
À l'inverse, Marine Le Pen se réfère à une souveraineté indivisible, telle que définie dans la Constitution française. La présidente du FN n'a d'ailleurs pas manqué de souligner, dans l'hémicycle du Parlement européen, face à François Hollande, que le titre premier de la Constitution s'intitule "De la souveraineté".
"Cette conception de la souveraineté fondée sur l'unité et l'indivisibilité s'oppose à une organisation fédérale de l'État, qui fait coexister en son sein plusieurs entités souveraines", décrypte le site officiel de l'administration française.
L'attachement à ce principe fondamental, appartenant à ce que le Conseil constitutionnel appelle "l'identité constitutionnelle de la France", est commun à tous ceux qui, de droite ou de gauche, se disent ouvertement "souverainistes". Les uns et les autres y ajoutent bien entendu ensuite leurs propres convictions (par exemple la préférence nationale et le protectionnisme économique pour Marine Le Pen).
L'actuelle Union européenne est en regard un "objet politique non identifié", plus intégré qu'un simple organe de coopération entre États souverains, mais moins intégré qu'une véritable fédération avec partage de souveraineté entre un État fédéral et des États fédérés. C'est pourquoi la Constitution française se contente pour l'instant de disposer que la France "participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences".
Laurent de Boissieu
La Croix, 09/10/2015
3 commentaires
"préférence nationale et protectionnisme économique": ces deux expressions sont très/trop abruptes.
En fait le programme du Front National (dont je suis sympathisant en tant que gaulliste, et pour lequel je vote - comme ça les choses sont claires) et surtout le discours de Marine Le Pen sont plus nuancés. Elle fait référence à la priorité nationale pour les marchés publics en particulier, et au niveau individuel, à compétence et situation égale. Au sujet du protectionnisme économique, je pense que l'expression est impropre. Marine Le Pen, et aussi le programme du FN, font allusion au protectionnisme "intelligent": http://www.nationspresse.info/editorial-et-libres-propos/imposture-et-posture-de-ceux-qui-critiquent-le-concept-de-protectionnisme-du-front-national.
Cordialement.
De plus en plus de personnes évoquent en effet la préférence nationale voire une préférence régionale dans le sens de consommer français ou consommer local (circuits courts), en particulier dans l'attribution des marchés publics. Ici il ne s'agit pas de cela mais de la préférence nationale classique du FN, que vous évoquez également, qui consiste à prioriser l’emploi (à compétences égales) et le logement social (à situation égale) aux personnes ayant la nationalité française.
Sur le protectionnisme économique, qu'on l'appelle "protectionnisme intelligent", "protectionnisme éclairé" ou "protectionnisme schtroumpfé" ne change strictement rien, au-delà des éléments de communication politique, au fait qu'il s'agisse de protectionnisme économique.
Bref, rien de "très/trop abrupt" dans ma parenthèse (qui est par nature une parenthèse et non une thèse).
Bien à vous.
Hollande se trompe et nous trompe depuis 2005 comme toute la classe dirigeante, il ne peut y avoir de souveraineté partagée parce qu'alors ce n'est plus une souveraineté. Une souveraineté, cela ne se partage pas. Pour qu'il y ait une souveraineté européenne il faudrait qu'il y ait un peuple européen pour une démocratie européenne donc un budget et une solidarité européenne par des transferts financiers dont l'Allemagne ne veut pas, à juste titre, en entendre parler. Nous avons vu cet été, avec le cas grec, que cela n'existait pas : l'Allemagne et ses alliés et vassaux (Hollande) ont imposé leur point de vue et il n'y a pas eu la moindre négociation.
L'UE n'a rien fait pour mettre à niveau économique et social les nouveaux entrants de 2005 et a fortiori ceux de 2007, la Roumanie et la Bulgarie qui donc restent les parents pauvres d'une Union Européenne qui se contrefout d'eux.
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