Les Identitaires et le FN: des divergences idéologiques à la convergence politique
23 juillet 2015
Version longue de la fin de mon article "Marion Maréchal – Le Pen joue l'ouverture aux Identitaires" (La-Croix.com):
Les Identitaires régionalistes et européistes
La présence de Philippe Vardon, chef de file des « identitaires » niçois, en cinquième place dans les Alpes-Maritimes sur la liste de Marion Maréchal – Le Pen en Provence-Alpes-Côte d’Azur fait polémique.
S’il faudra attendre les élections européennes de 2014 pour que le Bloc identitaire appelle à voter FN, le groupe niçois présidé par Philippe Vardon – Nissa Rebela – a soutenu Marine Le Pen dès la présidentielle de 2012. Le FN refuse toutefois de soutenir sa candidature aux législatives de la même année. En 2013, le Rassemblement bleu Marine refuse toujours son adhésion.
Aux élections départementales de mars 2015, le FN avait déjà investi des membres de Nissa Rebela, dont son secrétaire général Benoît Loeuillet. Cette fois, la porte s’ouvre également pour Philippe Vardon.
Auparavant, pourtant, Marine Le Pen avait rejeté tout rapprochement avec Les Identitaires qu’elle qualifiait en novembre 2012 sur BFMTV d’« européistes» et de « régionalistes».
S'il se réclame du « fédéralisme », le Bloc Identitaire ne reprend cependant pas à son compte le slogan fédéraliste d’une « France fédérale dans une Europe fédérale ».
En interne, le Bloc identitaire promeut la construction d'une « France fédérale » à travers « la restauration des libertés et des identités historiques des peuples de France ». Nissa Rebela se revendique ainsi le « défenseur des patries charnelles, partisans de la France des régions ».
En externe, en revanche, le Bloc identitaire se contente de parler d’« Europe fédérée », et non fédérale. Dans un texte intitulé « l’Europe, vite! », retiré depuis de leur site Internet, Les Identitaires demandaient néanmoins « un Parlement avec deux chambres dont l’une représentant les régions, un président élu au suffrage universel direct et les trois piliers du pouvoir régalien que sont la monnaie (nous l’avons), une armée à commandement européen unique débarrassé du carcan de l’OTAN et une politique étrangère commune ».
Quoi qu'il en soit, dans un autre texte, toujours en ligne, le Bloc identitaire conspue ceux qui prônent un « stupide repli souveraino-passéiste ». En mai 2012, sur Twitter, Philippe Vardon interpellait encore le dirigeant souverainiste du FN Florian Philippot: «Le drapeau européen est presque le seul élément identitaire de cette Union européenne: laissez-le en paix! ».
Les Identitaires racialistes
Reste sur le fond une autre opposition entre le FN et Les Identitaires. D’un côté, le FN sous Marine Le Pen défend l’égalité de tous les citoyens sans distinction d’origine ou de couleur de peau, à condition que les immigrés s’assimilent à la culture française.
Répondant à l’hebdomadaire VSD, en janvier 2003, Marine Le Pen avait justement récusé le qualificatif d’extrême droite en visant l'ancien mouvement dirigé par les fondateurs des Identitaires, Fabrice Robert, Guillaume Luyt et Philippe Vardon. « L’extrême droite, ce sont des groupuscules comme Unité radicale. Ils ont de tout petits cerveaux, une tendance à l’accoutrement vert-de-gris, de grosses chaussures et détestent tout ce qui n’est pas blanc de peau. Je n’ai rien à voir avec eux ».
De l’autre, Les Identitaires ne se placent pas uniquement sur le terrain de la défense de l’identité culturelle mais aussi d’une « identité ethnique » européenne. Il s'agit alors de préserver les « Français de souche », c’est-à-dire dans leur esprit les Français blancs de peau, contre « le métissage ethnique » et « toute logique intégrationniste ou assimilatrice ». Selon eux, « l’immigration extra-européenne » pose en effet problème en soi, puisque « l’Europe ne saurait intégrer des peuples qui seraient anthropologiquement hétérogènes ».
Dans Catarina, « bulletin des Identitaires du Pays niçois », Philippe Vardon dénonçait par exemple en 2007, sur trois pleines pages, la nouvelle affiche frontiste présentée par Marine Le Pen avec « une jeune fille extra-européenne dépitée parce que ses espoirs de nationalité, d’assimilation, d’ascenseur social, et de laïcité ont été brisés: non, ce n’est pas la dernière affiche de SOS Racisme, mais bel et bien celle de la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen! (…) Le message est clair, Français d’origine immigrée vous avez votre place chez nous (au FN et en France). Là où nous, identitaires, comme la majorité des électeurs du FN serions tentés de dire "Français d’origine immigrée, vous avez votre place chez vous!"».
En encadré, un communiqué enfonçait le clou: « (...) Les "stratèges" parisiens du Font national devraient tout de même se rappeler que si des millions de Français, et parmi eux de très nombreux Niçois, ont apporté leurs voix au FN lors des élections présidentielles de 2002 ce n’est certainement pas pour plébisciter la société multiraciale! L’évolution jacobine et assimilationniste du FN nous permet une fois de plus de réaffirmer notre différence et notre spécificité identitaire ».
Rapprochement entre le FN et Les Identitaires
Plusieurs raisons expliquent malgré tout l’actuel rapprochement entre le FN et Les Identitaires, qui ont rompu en 2012 avec leur aile la plus radicale (Philippe Milliau, Richard Roudier). Cette rupture est d'ailleurs intervenue à la suite d’un conflit avec Philippe Vardon. De fait, celui-ci a finalement contribué à infléchir le racialisme du Bloc identitaire, qui, par exception, accepte dorénavant « à titre militaire (Légion étrangère) » les naturalisations d’étrangers « extra-européens ».
Tout d’abord, Les Identitaires ont acquis des compétences et une notoriété en matière de propagande et de communication politiques. Ce qui constitue un vivier de cadres formés pour un FN qui en manque encore.
Plusieurs maires frontistes ont donc embauché des Identitaires au sein de leur service de communication, Julien Langella par Marc-Étienne Lansade à Cogolin et Damien Rieu par Julien Sanchez à Beaucaire.
Ensuite, Marion Maréchal – Le Pen comme la grande majorité des militants FN se retrouvent dans le vocabulaire du Bloc Identitaire, que récusent à l’inverse Marine Le Pen et Florian Philippot: « Français de souche », « grand remplacement » ou « remigration ».
Enfin, auteur l’année dernière d’un pamphlet titré « L’imam Estrosi», Philippe Vardon a fait condamner en 2013 la mairie de Nice pour subvention illégale du culte musulman. Un fait d’arme contre Christian Estrosi, tête de liste LR-UDI aux régionales, qui le rend populaire au sein de l’électorat du FN voire d’une partie de celui de droite sur un sujet devenu le cheval de bataille des Identitaire.
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