Vers une internationale de centre gauche
17 mai 2013
C'est une mini-révolution qui se prépare dans le petit monde des "internationales", ces fédérations de paris politiques nationaux peu connues du grand public au-delà des grandes internationales historiques (en France, le parti socialiste s'est ainsi longtemps appelé Section française de l'Internationale ouvrière: SFIO et le parti communiste Section française de l'Internationale communiste: SFIC).
Étant depuis longtemps passionné par la comparaison des systèmes partisans et des clivages idéologiques, je me suis au contraire très tôt intéressé à ces structures et à leur équivalent européen. Je crois même avoir été le premier à les présenter en français sur Internet (cf. l'archive de mon site en 2001, qu'il s'agisse des internationales ou des fédérations européennes de partis politiques).
Quoi qu'il en soit, une nouvelle "internationale" est en cours de formation, regroupant l'aile droite de l'Internationale Socialiste: l'Alliance Progressiste.
Sur cette ligne sociale-libérale, il existe déjà des clubs et des rencontres plus ou moins formelles de dirigeants parfois issus de partis de l'Internationale Socialiste (IS). La grande nouveauté, c'est qu'il s'agit cette fois de partis en tant que tels, et non des moindres, accompagné pour le SPD allemand d'une diminution drastique de sa contribution financière à l'IS. Il ne s'agit pas au sens strict d'une scission, puisque lesdits partis restent membres de l'IS, mais cela y ressemble donc fortement.
Une première conférence internationale s'est déroulée à Rome (Italie) les 14-15 décembre 2012, en présence du premier secrétaire du PS, Harlem Désir. C'est en outre Pascal Lamy, directeur général de l'OMC et situé à l'extrême droite du PS, qui a introduit la réunion.
La conférence fondatrice est prévue le 22 mai prochain à Leipzig (Allemagne).
Liste des partis représentés à la conférence de Rome:
- Allemagne: Sozialdemokratische Partei Deutschlands (SPD)
- Italie: Partito Democratico (PD), Partito Socialista Italiano (PSI) et Sinistra Ecologia Libertà (SEL)
- France: Parti Socialiste (PS)
- Pays-Bas: Partij van de Arbeid (PvdA)
- Royaume-Uni: Labour Party (LAB)
- Grèce: Panellinio Sosialistikó Kínima (PASOK)
- Fiinlande: Suomen Sosialidemokraattinen Puolue (SDP)
- Suède: Socialdemokraterna
- Norvège: Arbeiderpartiet
- Serbie: Demokratska stranka (DS)
- Suisse: Sozialdemokratische Partei der Schweiz (SP)
- États-Unis d'Amérique: Democratic Party
- Argentine: Partido Socialista (PS)
- Brésil: Partido dos Trabalhadores (PT)
- Uruguay: Partido Socialista de Uruguay (PS)
- Inde: Indian National Congress
- Philippines: Akbayan
- Tunisie: Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL)
- Zimbabwe: Movement for Democratic Change (MDC)
- Australie: Australian Labor Party (ALP)
Cette création s'inscrit dans le contexte d'une mutation idéologique, au sein de l'Union européenne, des partis socialistes, sociaux-démocrates ou travaillistes en partis sociaux-libéraux. Plus ou moins assumée, cette mutation a notamment eu pour conséquence de les rapprocher idéologiquement des partis centristes, déjà sur une ligne sociale-libérale.
Concrètement, cela s'est traduit par deux changements:
- en 2006, une révision des statuts du Parti Socialiste Européen (PSE) afin de s'adresser non plus seulement aux "socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes" mais aussi aux "démocrates progressistes"
- en 2009, une modification de l'intitulé du Groupe Socialiste au Parlement Européen en Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen.
L'analyse comparée de la France et de l'Italie est à cet égard très intéressante. Voici à ce sujet l'extrait d'un article que j'ai publié après les élections européennes de 2009 dans la Revue internationale de politique comparée:
...François Bayrou décide en 2004 de rompre avec le PPE pour fonder avec les Italiens Romano Prodi et Francesco Rutelli, président de La Margherita, le Parti Démocrate Européen (PDE).
(...) Les ambitions nationale et européenne de François Bayrou seront toutefois contrariées par le mauvais score du MoDem aux élections européennes de 2009 (8,46% au lieu de 11,96% pour l’UDF en 2004) et par la recomposition bipolaire du paysage politique italien. À gauche, les organisations à l’origine du Partito Democratico italien étaient en effet auparavant membres de trois partis politiques européens différents: le PSE pour le Partito Democratico della Sinistra, le PDE pour La Margherita et l’ELDR pour le Movimento Repubblicani Europei. Les débats furent âpres au sein de la nouvelle structure entre partisans et adversaires de l’entrée au Parti Socialiste Européen (PSE). En signe d’ouverture, ce dernier avait révisé ses statuts dès 2006 afin de s’adresser non plus seulement aux "socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes" mais aussi aux "démocrates progressistes". Si le Partito Democratico n’a finalement pas adhéré au PSE, il s’est allié avec lui en 2009 pour former le nouveau Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen. Tandis que les dix représentants du PDE (dont six Français du MoDem) ont reconduit avec le parti ELDR le Groupe Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe (ADLE).
Parallèlement au Parti Démocrate Européen, François Bayrou avait lancé une Alliance Mondiale des Démocrates. Or, la nouvelle Alliance Progressiste est en train de siphonner deux de ses membres non européens les plus importants: certains secteurs du Parti Démocrate états-unien et le Parti du Congrès indien.
Bref, même si le PS veut absolument la dissimuler en France pour des raisons électorales (concurrence du Front de Gauche), la convergence idéologique de la gauche européenne de gouvernement avec le centre devient de plus en plus visible hors de nos frontières avec la création de cette nouvelle internationale de centre gauche. Idéologiquement, François Bayrou (dont François Hollande est plus proche que d'Arnaud Montebourg) y aurait toute sa place (le MoDem en représenterait alors l'aile droite et le SEL italien l'aile gauche). Mais la logique interne au paysage politique français en a décidé autrement. Ce sont davantage ses idées de toujours que celles historiquement du PS, mais c'est sans lui.
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Divertissement
Le débat actuel sur la confrontation avec la politique de #Merkel est essentiel pour l'avenir de l'Europe soutien au #SPD contre l'austérité
— Yann Galut (@yanngalut) 29 avril 2013
. @yanngalut le SPD contre l'austérité? ce même SPD qui envisage de créer une Internationale de centre gauche concurrente de l'I Socialiste?
— Laurent de Boissieu (@ldeboissieu) 9 mai 2013
2 commentaires
Merci de cette analyse qui permet aussi sans doute de comprendre pourquoi le PS suisse quitte l'Internationale socialiste
Merci Sébastien: une info que j'ignorais et qui va en effet dans le même sens!
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