Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon: comparaison est-elle raison?
09 mai 2013
Populistes
Le populisme, c'est l'appel au peuple contre les élites au pouvoir (ce qui n'a du reste rien de choquant à mes yeux).
Ce qui signifie que le centriste François Bayrou est également par intermittence populiste (notamment dans son livre Au nom du Tiers État, 2006). François Bayrou est pourtant sur le fond aux antipodes de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, puisqu'il prône un gouvernement des "modérés", du centre-droit au centre-gauche, c'est-à-dire en séparant les "modérés" de droite du FN et des "lepénisant" et les "modérés" de gauche de Mélenchon et des "mélenchonisant".
Le populisme n'est donc pas un critère en soi pertinent, puisqu'il ne dit rien de l'orientation politique souhaitée.
Anti-"austéritaires"
C'est le point de convergence entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon: tous les deux s'opposent à la pensée dominante "austéritéritaire".
Ceci posé, les alternatives sont similaires sur le fond (État-stratège, nationalisations, protectionnisme, monétisation de la dette, emprunt d'État auprès de la banque centrale, etc.) mais ne sont pas envisagées au même échelon: le Front de Gauche promeut à l'échelon de l'Union européenne ce que le Front National propose à l'échelon français.
En ce domaine, Marine Le Pen est plus crédible que Jean-Luc Mélenchon: que faire, en effet, si nos partenaires européens refusent - comme les Allemands l'ont déjà signifié - toute remise en cause du néolibéralisme et du monétarisme?
Il n'y a en réalité que deux solutions:
- Rester au sein de l'Union européenne, c'est-à-dire renoncer de fait à l'"autre politique" et maintenir les politiques "austéritaires"?
- Ou sortir alors, par défaut, de l'Union européenne afin d'appliquer seul l'"autre politique" (position à laquelle a fini par se rallier Emmanuel Todd)?
Jean-Luc Mélenchon ne répond pas, bottant en touche, comme du reste François Hollande lors de la campagne présidentielle:
- "J'y mettrai toute mon autorité" de président de la République française nouvellement élu (François Hollande, Des paroles et des actes, 15/03/2012) - concrètement, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a finalement été ratifié sans qu'une virugule n'en soit modifiée.
- "Le miracle est le suivant: nous sommes la France, 2e économie du continent. Nous avons la bombe nucléaire. Pas pour la jeter la bombe nucléaire militaire. Nous avons la bombe nucléaire. Si vous voulez pas m'entendre, je paye plus. Il y a 1.880 milliards de dette française. On paye plus. Le monde entier s'écroule" (Jean-Luc Mélenchon, Des paroles et des actes, 25/04/2013).
Tout le reste...
Au delà de la politique macro-économique, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon défendent des programmes incompatibles, sauf en certains points sur les thématiques internationales (OTAN et relations avec la Russie, soutien à des régimes progressistes et nationaux comme le Venezuela de Chávez, etc.).
La différence peut être de degré, comme sur la politique fiscale. Sur ce point, élément concret du social-étatisme inspiré par l'ancien chevènementiste Florian Philippot, la différence qui était de nature avec Jean-Marie Le Pen est devenu de degré avec Marine Le Pen:
- Jean-Marie Le Pen: supprimer l'impôt sur le revenu (2002) puis (2007) diminuer la progressivité de l'impôt sur le revenu (quatre tranches: 0, 10, 15 et 20%) avec un taux marginal à 20%
- Marine Le Pen: augmenter la progressivité de l'impôt sur le revenu (le "rendre plus progressif, sans l'alourdir, par la création de nouvelles tranches intermédiaires") avec un taux marginal à 46%
Marine Le Pen reste toutefois bien en deçà de la tranche marginale d'imposition à 100% (pour la tranche des revenus supérieurs à 360.000€ par an) de Jean-Luc Mélenchon.
La divergence entre le Front National et le Front de Gauche peut aussi être de nature, en particulier sur ce qui constitue tous les fondamentaux du FN: les questions sociétales (de moins en moins il est vrai, mais tout de même encore: IVG, peine de mort, etc.) et, surtout, les questions de sécurité, d'immigration et d'identité nationale.
Rappelons d'ailleurs que l'"autre politique" n'est pas un marqueur du FN, puisque le FN n'en a pas le monopole: parmi ses défenseurs figurent pêle-mêle Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Henri Guaino (avant qu'il ne se "sarkozyse" tout en "guainoisant" un petit peu Nicolas Sarkozy), Arnaud Montebourg (avant qu'il ne se "hollandise"), Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann ou Jean-Luc Mélenchon. Tous s'inspirent plus ou moins explicitement des travaux de l'économiste Jacques Sapir (entre autre auteur de La Démondialisation, 2011).
Bref, comparaison n'est pas raison...
6 commentaires
"Le populisme, c'est l'appel au peuple contre les élites (ce qui n'a du reste rien de choquant à mes yeux)."
Je n'aurais jamais cru qu'un journaliste "chrétien" ( par opposition à "catholique" et donc par définition soixante-huitard ) pourrait un jour écrire une chose pareille :-)
Quand on sait que les deux derniers et plus farouches refuges du soixante-huitardisme sont la prétendue Education Nationale et l'Eglise de France, tout au moins ceux qui s'intitulent "les clercs" et ceux que j'appelle "les laïcs obligatoires" !
P.S : Soit dit en passant je suis l'oncle d'un évêque ( si ! ) alors je sais de quoi je parle.
Désolé, mais je ne comprends pas votre commentaire...
Sur la fiscalité, je m'inscris totalement en faux, la différence demeure bel et bien totalement de nature. Le programme présidentiel de Marine Le Pen indiquait certes un taux marginal de 46% pour l'impôt sur le revenu, mais cet impôt sur le revenu ne correspond pas à l'actuel IRPP, puisqu'il incluait la taxe d'habitation et (mais là-dessus le programme n'est pas explicite, malgré les déclarations des dirigeants du FN et, il me semble, de Marine Le Pen elle-même) la CSG.
Donc en portant à 46% le taux marginal du total IRPP+taxe d'habitation(+CSG ?), ce que proposait Marine Le Pen était en réalité une diminution du taux marginal de prélèvement. Au passage, on notera qu'en proposant de fusionner taxe d'habitation et impôts, Marine Le Pen a fait là une proposition dans la droite ligne des propositions de son père, qui proposait si ma mémoire ne me fait pas défaut, que l'ensemble des prélèvements, impôts locaux et taxe d'habitation compris, ne dépasse pas 30% des revenus.
Certains points du programme de Marine Le Pen sont en effet malheureusement restés flous, notamment les tranches de l'IR entre 0 et 46%.
En revanche, voici ce que dit le site du FN sur la taxe d’habitation: "La taxe d’habitation, opaque, sera intégrée à l’impôt sur le revenu, plus juste, sous la forme d’une taxe additionnelle qui sera aussi progressive que l’impôt sur les revenus."
Il ne me semble donc pas que cette "taxe additionnelle" soit comprise dans les 46% (ni la CSG, d'ailleurs). Bref, il n'y aurait pas "diminution du taux marginal de prélèvement" mais bien augmentation (sauf si un autre élément m'échappe!).
Ah oui, il y a le flou sur ce point-là également : d'un côté on parle "d'intégration à l'impôt sur le revenu", et de l'autre, on parle de "taxe additionnelle", ce qui est l'exact inverse.
Etre populiste de nos jours c'est seulement dire autre chose que UMPS, alors oui Mélenchon et Le-pen sont des populistes . Le ts est de savoir si une foi au pouvoir ils voudront réellement changer les choses.
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