Fracture au sein de l'UMP: Patrick Buisson a raison
13 décembre 2012
Patrick Buisson a provoqué une polémique en déclarant, mardi 11 décembre, sur Europe 1, que "la fracture n’est pas entre François Fillon et Jean-François Copé; la vraie fracture est entre la base et sa représentation parlementaire."
Je serais bien mal placé pour dire qu'il a tort, puisque c'est exactement ce que j'ai analysé, utilisant même dès le 20 novembre la notion de "fracture politique entre l'UMP d'en haut et l'UMP d'en bas".
Rappel de mes décryptages.
(N.B.: merci d'éviter les commentaires hors sujet du style "l'UMP est un rassemblement de sensibilités diverses"; certes, mais ce que je démontre c'est le décalage entre parlementaires et militants dans leur préférence entre ces sensibilités)
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Des militants UMP beaucoup plus à droite que leurs parlementaires
(note du 20 novembre 2012)
La comparaison entre le parrainage des motions par les parlementaires d'une part, et le vote des adhérents sur ces mêmes motions d'autre part, révèle une véritable fracture politique entre l'UMP d'en haut et l'UMP d'en bas.
La motion positionnée la plus à gauche du parti, "France Moderne et Humaniste" (Jean-Pierre Raffarin, Luc Chatel, Jean Leonetti), a reçu le parrainage de 39% des parlementaires ayant parrainé mais le vote de 18% des adhérents ayant voté.
À l'autre extrême, les deux motions les plus à droite ("La Droite populaire" de Thierry Mariani et "La Droite forte" de Guillaume Peltier) ont totalisé seulement 15% des parrainages de parlementaires contre 39% du vote des adhérents.
Bref, il existe un décalage idéologique entre les grands élus et la base de l'UMP, nettement plus à droite.
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Cartes du vote sur les motions UMP
(extrait de ma note du 22 novembre 2012)
Le vote sur les six motions de l'UMP, dont cinq d'entre elles ayant dépassé 10% des suffrages exprimés ont immédiatement été reconnues comme courants internes, a malheureusement été éclipsé par la prolongation du duel Copé - Fillon.
Ce scrutin permet pourtant bien plus que l'élection du président de mesurer l'orientation plus ou moins à droite des adhérents de l'UMP. Je m'explique:
- Les deux candidats ont reçu des soutiens de toutes les motions. Jean-François Copé a même reçu davantage de soutiens que François Fillon au sein de la motion la plus à gauche, France Moderne et Humaniste (43% des signataires contre 30%). Symétriquement, 35% des signataires de la motion la plus à droite, La Droite Forte, ont soutenu François Fillon (47% Jean-François Copé). Cf. mon infographie exclusive.
- François Fillon s'est démarqué de Jean-François Copé bien plus sur le style et la stratégie que sur le fond des propositions. C'est même sans doute l'ancien premier ministre qui a avancé durant la campagne la proposition, certes passé inaperçue, la plus à droite: "réserver l'accès aux prestations sociales aux étrangers ayant séjourné régulièrement sur le territoire pendant plus d'un an", c'est-à-dire appliquer pendant un an la préférence nationale chère au FN.
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Quelques infographies complémentaires:
10 commentaires
Je trouve qu'il n'y a pas lieu de s'étonner de ce décalage. Les parlementaires ne sont pas élus par les militants, mais par un corps électoral qui couvre un spectre de convictions politiques plus large et qui est donc nécessairement plus modéré. On pourrait probablement identifier un décalage similaire entre les militants et les parlementaires socialistes. C'est la raison pour laquelle la primaire "ouverte" du PS était certainement la stratégie la mieux adaptée à la préparation de l'élection présidentielle.
Pour aller plus loin, il me semble que l'UMP se trouve un peu dans la situation de la SFIO dans les années 1920 (comparaison à manier avec beaucoup de prudence, bien entendu) : les militants socialistes aiguillonnés par le PC étaient enclins à maintenir le programme marxiste et révolutionnaire de leur parti, alors que la base électorale de la SFIO était majoritairement réformiste. L'incapacité à gérer ce paradoxe a conduit la SFIO dans une impasse politique et à l'impossibilité de nouer des alliances cohérentes et durables.
Ce qui m'étonne, ce n'est pas ce décalage; ce qui m'étonne, c'est que certains nient ce décalage, que je prouve pourtant chiffres à l'appui.
Sauf que si l'on considère que les parlementaires - élus par le suffrage universel - reflètent plus la volonté du corps électoral que les seuls militants, cela devrait inciter les cadres de l'UMP à modérer un peu les ardeurs de leurs troupes plutôt que de les attiser. J'ai cru comprendre que ce n'était pas tout à fait la position de M. Buisson.
En tout état de cause, ce n'est qu'une réflexion fondée sur ce qui me semble logique et raisonnable, et certainement pas une leçon de morale à l'égard de qui ce soit. N'étant pas membre de l'UMP (ni même de droite), je ne me le permettrais pas.
Je ne crois pas que l'on avance vraiment en modérant ou attisant les ardeurs de troupes.
Je crois que l’on avance en ne répondant qu’aux réelles attentes du peuple et pour cela il faut être à l’écoute le peuple.
Quand le peuple souffre, il exprime sa souffrance avec violence comme tout un chacun.
Et cette souffrance doit être portée au plus haut.
Aujourd’hui ce sont des millions de Français qui souffrent du chômage et de l’insécurité.
Et visiblement vos jolis petits graphes mettent en évidence que la représentation parlementaire de droite ne souffre visiblement pas elle, pas plus que celle de gauche d'ailleurs.
Ne faisons pas semblant de ne pas voir que ce sont les extrêmes qui se sont appropriés ce thème de la souffrance.
Il y aurait donc deux souffrances, une d’extrême droite et l'autre d’extrême gauche?
Ou un seul et même camp, le camp de ceux qui souffrent et que l'on divise parce que des parlementaires bien à l’abri n'acceptent de considérer, chacun de leur côté, qu'une partie de la réalité des Français?
Je crois-moi qu’il faut cesser de faire de la politique par idéologie quand on est incapable de considérer autre chose que ses propres intérêts.
Encore bravo pour les cartes et le recueil de données.
Ces cartes posent finalement plus de questions qu’elles ne donnent de réponses :
Au delà de l'effet des fiefs et notabilités respectives, j'ai l'impression qu'en faisant la carte du total LDS et FMH, on obtient quelque chose qui ressemble très fortement à l'implantation traditionnelle de la démocratie chrétienne. Bonne intuition ou méprise ?
Dans le même genre, la carte du total LDF et LDP correspond-elle à quelque chose de connu (ça a pas l'air de coller avec le vote FN) ?
Et pour finir, la différence entre ces deux "pôles" obéie-t-elle aussi à une logique électorale déjà connue ?
Encore bravo pour les cartes et le recueil de données.
Ces cartes posent finalement plus de questions qu’elles ne donnent de réponses :
Au delà de l'effet des fiefs et notabilités respectives, j'ai l'impression qu'en faisant la carte du total LDS et FMH, on obtient quelque chose qui ressemble très fortement à l'implantation traditionnelle de la démocratie chrétienne. Bonne intuition ou méprise ?
Dans le même genre, la carte du total LDF et LDP correspond-elle à quelque chose de connu (ça a pas l'air de coller avec le vote FN) ?
Et pour finir, la différence entre ces deux "pôles" obéie-t-elle aussi à une logique électorale déjà connue ?
C'est quand même super triste ce qui se passe en ce moment...
la décalage entre les journalistes et élus d'un côté et la base de l'autre, est encore plus fort qu'on ne le dit. Les chiffres des législatives le montrent sans contestation possible : 80 % des électeurs UMP, ayant le choix entre un PS et un FN, choisissent le FN. Ils ne se réfugient même pas dans l'abstention, non : ils votent FN.
Même sans le centre-droit, l'axe sarkozyen-mariniste est majoritaire en France.
@ Colbert :
C'est faux, vous extrapolez à partir des résultats des législatives sur les circonscriptions avec duel FN / PS au 2nd tour. Elles ne sont pas du tout représentatives de la France dans son ensemble.
Sans le centre-doit démocrate chrétien et européiste, et les authentiques gaullistes républicains de droite (espèce en voie de disparition il faut reconnaitre), le bloc ethno-identitaire (FN et "droite décomplexée" LDF et LDP) est très loin d'être majoritaire.
En cas d'alliance des ethno-identitaires, les deux autres composantes au minimum s'abstiendraient, et très probablement feraient barrage en soutenant la gauche modérée.
Cette alliance, c'est probablement l'explosion de la droite et la gauche au pouvoir pour une génération...
Ce n'est pas la première fois qu'il y a divorce entre les élus et leur base et ou leurs électeurs. Depuis au moins 2005 on a pu constater une fracture entre toute la classe dirigeante politique, économique, sociale et médiatique. Le pays réel contre le pays légal c'est malsain en démocratie parce que c'est ainsi que prospèrent les extrêmes. A persister dans ce divorce lors d'un contexte de crise économique globale que la classe dirigeante est incapable de résoudre parce qu'il lui faudrait se remettre en question totalement ce dont elle est incapable de faire, la droite nationaliste en l'occurrence Marine Le Pen finira par s'imposer.
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