Les ambigüités de François Bayrou
04 octobre 2012
François Bayrou a adressé, jeudi 4 octobre, un courrier aux adhérents du MoDem. Commentaires.
1) François Bayrou écrit que "le centre c'est une résistance au bipartisme".
Ce qui est faux: le centre, c'est une résistance à la bipolarisation entre la droite et la gauche, et non au bipartisme.
S'il y a bipartisme, il y a certes forcément bipolarisation.
Mais s'il y a bipolarisation, il n'y a pas forcément bipartisme: le RPR et l'UDF, par exemple, formaient autrefois tous les deux le pôle de droite. De même qu'aujourd'hui Hervé Morin et Jean-Louis Borloo veulent un pôle de droite bâti autour de deux partis: l'UMP et l'UDI.
Question: s'agit-il d'une simple erreur de vocabulaire?
2) François Bayrou écrit ensuite:
"Un regroupement du centre droit se forme. Nous pouvons parfaitement travailler avec lui car nombre de ceux qui le composent ont eu des liens avec nous, même s’ils ont choisi un autre chemin. Nous sommes donc ouverts à un partenariat entre le Modem et l’UDI.
De la même manière, nous serons ouverts à une coopération avec tous ceux qui, venant du centre gauche, ou de l’écologie réaliste, choisiront eux aussi la voie de l’indépendance."
François Bayrou se maintient en apparence bien à équidistance du centre droit et du centre gauche, de la droite et de la gauche.
Mais il utilise une formule étrange en parlant du centre gauche: ceux qui "choisiront eux aussi la voie de l'indépendance".
Question: qui sont ceux qui ont déjà choisi "la voie de l'indépendance"?
- Soit François Bayrou parle du MoDem. Alors indépendance signifie "indépendance de la droite et de la gauche". Or, dans ce cas, l'UDI n'est pas indépendante puisqu'elle s'inscrit dans le système d'alliance de la droite: il n'y a donc strictement aucune raison d'envisager un partenariat entre le MoDem l'UDI.
- Soit François Bayrou parle de l'UDI. Alors indépendance signifie "indépendance de l'UMP pour un parti de centre droit et, en face, indépendance du PS pour un parti de centre gauche". Or, dans ce cas, le PRG (par exemple) est déjà tout aussi indépendant du PS que l'UDI l'est de l'UMP.
Par ailleurs, François Bayrou parle de ceux "venant du centre gauche" alors que l'UDI ne vient pas du centre droit mais est au centre droit.
Bref, François Bayrou ne parvient toujours pas à regarder de la même façon vers le centre droit et vers le centre gauche.
3) François Bayrou écrit enfin:
"Si ce partenariat se met en place, alors nous devrons réfléchir ensemble à son mode de fonctionnement et à son organisation, y compris même la perspective de double appartenance, sous réserve de réciprocité."
Je me contenterai de répéter ce que j'ai déjà écrit à ce sujet:
- Premièrement, comme je l'avais déjà exposé cette semaine dans un article, c'est le seul moyen d'empêcher ou de masquer les départs de cadres et d'élus vers l'UDI.
- Deuxièmement, ça ne peut fonctionner que si l'UDI accepte aussi, en retour, la double appartenance avec le MoDem.
- Troisièmement, si le MoDem autorise la double appartenance avec l'UDI, parti de centre droit, il doit au moins symétriquement l'autoriser avec les partis de centre gauche (PRG notamment).
- Quatrièmement, si le MoDem autorise pour ses membres l'adhésion à une autre formation politique, cela signerait de fait la fin du MoDem en tant que parti et sa transformation en simple club politique. Finalement peut-être la seule solution pour réunir dans la même structure des gens du centre droite au centre gauche, qui n'envisagent pas les mêmes alliances électorales.
14 commentaires
article juste et complet.
Effectivement Bayrou n'arrive toujours pas à regarder vers la droite et vers la gauche avec le même oeil. Il craint, comme à son habitude, de prendre des décisions, et son courage revendiqué n'en est pas en fait: c'est cela précisément la faiblesse majeure du MoDem, qui ne sachant sortir de l’ambiguïté, sous pretexte d'équilibre peine à convaincre le grand public.
espérons que ce positionnement ne soit que manoeuvre politicienne et n'ai pour but que de ne pas se voir taxé de diviseur du centre, en laissant à Borloo la responsabilité de refuser à nouveau la main tendue.
Que quelques cadres de plus partent ne fait peur à personne (le parti a survécu à 1995,2002,2007) et d'autres, du centre-gauche, remplaceront ceux du centre-droit.
tout réside dans la double appartenance: l'autoriser c'est tuer le MoDem.
Je pourrais signer chaque ligne de votre article. Et par ailleurs, cela me contrarie beaucoup !
Bonjour,
Nous sommes en démocratie et même ma référence politique accepte la diversité d'opinion, la divergence tant qu'elle est argumentée. on l'a vu concernant la TVA social pendant la présidentielle.
Votre argumentaire parait logique et votre critique de ce fait fondé.
Néanmoins il y a une simplification dans votre analyse. Un parti égale une personne. Et là, je me permets à mon tour une critique à votre égard, même seul François Bayrou peut apporter quelque chose au milieu politique. En 2007, on a vu le sujet de la gestion budgétaire et puis on l'a vu. En 2012, il a porté le produire en France et on commence à parler de 'relance industriel' et je pense pertinent ce produire en France avec la chaîne courte Producteur - Consommateur ou le prix de l'énergie dans la vente d'un produit.
Enfin, je reconnais un énorme courage à François Bayrou, car être politique c'est beaucoup d'effort, d'abnégation. Peut être partageons-nous ce constat ?
Enfin on peut apprendre mais en terme de stratégie, il y a la question de l'intérêt commun, quelle est la part des citoyens qui pensent collectif au moment du vote? Y en a-t-il assez pour élire un président? c'est une question ouverte,
cordialement
f
Ce billet ne m'étonne guère, le "reflex" de ceux passés, z'ètes proche de DDV , AJ et consorts n'est-ce pas?
Donc: "no surprise".
Bonne nuit.
Il est vrai que la lettre citée ici soutient beaucoup moins clairement l'indépendance du MoDem que le discours du dimanche matin à Guidel. Personnellement, je déplore là des ambiguItés et un manque de clarté.
En revanche, je ne peux pas partager la sévérité de Cyril. Elle me semble injuste: non, ce n'est pas Bayrou qui "n'arrive toujours pas ... craint comme à son habitude ..." En réalité, Bayrou a tout fait et quasi tout sacrifié pour l'indépendance du MoDem. Seulement de nombreux cadres qui le suivaient ont fait passer leurs sièges d'élus, ou seulement leur désir d'être élus, avant leurs convictions. Il a donc été soumis à des pressions auxquelles il lui a été très difficile de résister. N'oubliez pas non plus que la gauche dans son ensemble n'a pas fait grand chose pour favoriser une ouverture au MoDem.
Donc, ce n'est pas Bayrou qui manque de courage ou de clarté, c'est la situation qui le contraint quasiment à des compromis peu satisfaisants.
" z'ètes proche de DDV , AJ et consorts n'est-ce pas?": ceci s'adresse à qui? qui est AJ?
"Ce billet ne m'étonne guère, le "reflex" de ceux passés, z'ètes proche de DDV , AJ et consorts n'est-ce pas?
Donc: "no surprise".
Bonne nuit."
A question idiote, réponse idiote,
Bien le bonsoir!
???
j'aime bien l'idée de club, finalement assez à l'image de la façon dont bayrou gère le modem. ça permettrait d'avoir des élus s'en réclamant tout en prônant ce message spécifique porté par bayrou depuis des années.
@ Laurent de Boissieu : eh bien, vous avez fait la connaissance de "Martine". Courage !
Beaucoup d'élus auj'h membres de l'UDI ont fait la campagne de Bayrou sur le terrain. Même Morin et Borloo ont envoyé, paraît-il, des autocars aux meetings de la campagne 2012. Cela ne peut pas s'oublier.
Je crois que Bayrou estime que des gens du centre gauche ont déjà choisi l'indépendance en rejoignant le MoDem, ce qui répond à mon sens à la question 2).
Pour le reste, je crois qu'il y a eu une erreur commise par les analystes politiques qui ont estimé, après la présidentielle du printemps dernier, que Borloo avait acquis l'électorat de centre droit à Sarkozy. Ce fait est inexact. Si l'on calcule en effet le total NS+PdV+JMLP en 2007, on obtient 45% et si l'on fait le calcul 2012 NS+MLP, on obtient 45% aussi. L'autre moitié du score de Bayrou en 2007 venait de plus à gauche, on l'a d'ailleurs constaté par les effectifs moindres aux meetings en 2012, l'électorat de gauche se bougeant statistiquement un peu plus que l'autre. En se plaçant au centre gauche, Hollande a ouvert la brèche à Mélenchon sur sa propre gauche, mais il a fermé celle qui avait mené l'électorat de gauche vers Bayrou en 2007. Il est d'ailleurs à noter que 1/3 de Bayrou 2007 acquis à NS au 2e tour faisaient 6% qui suffisaient à border la majorité de NS, cependant que 1/3 de Bayrou 2012 se reportant sur NS en 2012 donnent 48% à ce dernier au 2e tour, soit son score final. Je crois donc que la bonne campagne a été faite par Hollande, et que NS s'est trompé de stratégie. Mais que faire pour que les élus UDI, dont l'écrasante majorité revotera Bayrou en 2017, ne lui soient pas aliénés ? Telle est la première question. Y a-t-il toujours, au fond de lui-même, un Bayrou qui se pense toujours au centre droit même s'il a choisi la stratégie du centre ? C'est la deuxième question, posée à juste titre par cet article, mais personnellement, je n'en exagère pas l'enjeu.
Non, très peu d'UDI ont soutenu François Bayrou à l'élection présidentielle (très drôle cette histoire d'autocars...):
- les dissidents du MoDem (bien entendu)
- une grande majorité de l'Alliance Centriste: Jean Arthuis, Thierry Benoit, Philippe Folliot, Yves Detraigne, Pierre Jarlier, Claude Merceron, François Zocchetto, Nathalie Goulet
- une petite minorité du Nouveau Centre: Jean-Paul Amoudry, Jean Boyer, Joël Guerriau, Yves Pozzo di Borgo, Henri Tandonnet, Laurent Lafon, Jean-Luc Rigaut, Loïc Hervé, Jérémy Coste
- de rares radicaux: Christian Namy
Ce qui peut paraître comme une ambiguïté est un paradoxe apparent entre l'idée de rassemblement d'un centre composé de sensibilités de centre-droit et de sensibilités de centre-gauche, et l'idée l'alliance ou de ralliement imposé(e) au second tour dans un contexte bipolarisé obligeant à choisir la droite ou la gauche.
Or, il est tout à fait défendable de viser un centre fort au 1er tour (que ce soit aux présidentielles ou aux législatives) en espérant qu'il atteigne le 2nd tour (en étant 2ème, il a des chances de gagner). Ceci même si, en cas de non présence au second tour, les composantes de ce centre suivent leur sensibilité, leur penchant à droite ou à gauche sans que tout le centre vote comme un seul homme. Il faut simplement ce courage de 1er tour. Mais JL Borloo ne l'a pas eu au présidentielles, laissant F. Bayrou seul représenter le centre. Il aurait pu, lui et les autres "centristes" radicaux et du Nouveau Centre, soutenir naturellement Bayrou quitte à d'avance dire qu'ils préféraient Sarkozy au second tour, mais ils ont en majorité soutenu Sarkozy dès le 1er tour, car ils ont subi un chantage de Sarkozy et de l'UMP pour les législatives (risque d'avoir un concurrent UMP). Conclusion : ils ne sont pas centristes, ils n'ont pas eu le courage de soutenir le centre ne serait-ce qu'au 1er tour. Ils sont peut-être de droite modérée, comme ceux qui se proclament de la "droite humaniste", mais ils ne sont pas au centre. CQFD
Voir mon article sur ce sujet :
http://blogs.mediapart.fr/blog/marie-anne-kraft/011012/francois-bayrou-est-il-piege-par-la-quadrature-du-centre
Les commentaires sont fermés.