François Bayrou, candidat antisystème?
19 janvier 2012
C'est la nouvelle mode chez mes confrères: qualifier François Bayrou de "candidat antisystème"!
Encore faut-il s'entendre sur ce que l'on appelle le "système".
Si le "système" c'est le microcosme parisien, François Bayrou le fréquente de fait mais n'appartient effectivement pas à cette société de connivences et d'intérêts. Pire: le centriste s'oppose à un de ses mantras, la bipolarisation (cf. l'éditorial de Jean-Marie Colombani dans Le Monde du 19 avril 2007 sur l'"Impératif démocratique").
Si le "système" c'est la pensée dominante néolibérale et monétariste (le "cercle de la raison" comme disait Alain Minc), alors François Bayrou est au centre du système, dont la construction européenne a été jusque-là le cheval de Troie.
En ce domaine, François Bayrou a en effet effectué sur le fond exactement les mêmes choix politiques que Nicolas Sarkozy et François Hollande (ou leurs prédécesseurs respectifs), de l'Acte unique européen au projet de Constitution européenne en passant par le traité de Maastricht. Autant de débats qui ont successivement délimité la frontière entre pensée dominante d'une part, pensées critiques ou alternatives d'autre part.
Sur la forme, en revanche, il est vrai que le candidat centriste se distingue en souhaitant associer démocratiquement le peuple français à ce choix, là où les deux autres semblent se contenter d'une sorte de nouveau "despotisme éclairé" (la droite parce que l'Union européenne est perçue comme le levier pour libéraliser la France en contournant l'étatisme jacobin des Français, la gauche parce qu'elle n'assume pas à Paris le néolibéralisme et le monétarisme qu'elle soutient à Bruxelles).
Mieux: en promouvant une "majorité centrale" réunissant autour du centre les "modérés" de droite et de gauche, François Bayrou aboutit justement à détacher de la droite et de la gauche ceux qui proposent une "autre politique". Bref, à retirer les quelques grains de sable qui survivent dans le système lorsque la droite ou la gauche sont au pouvoir.
7 commentaires
Rappelons tout de même qu'il s'est opposé, avec l'UDF et contre l'UMP/PS, au traité de Nice. Etre favorable à la construction européenne ne signifie pas accepter n'importe quoi sous prétexte que c'est européen.
Idem lors du TCE: pour Bayrou si nouveau traité, nouveau référendum. Idem sur le référendum grec de Papandréou (finalement jamais organisé): légitime à ses yeux.
Est-ce parce que Bayrou est cohérent qu'il est dit "antisystème" ?
Bravo Laurent pour cette note tout à fait juste. Un seul bémol sur la pensée dominante néolibérale. Tu sais bien que Bayrou est beaucoup plus proche de Mounier et globlament de la démocratie chrétienne sur ce point. Or, même si on n'en parle jamais, le personnalisme et la démocratie chrétienne avait développé une pensée économique tout à fait originale ( qui en bien des points n'était pas si éloignée d'un certain socialisme non marxiste).
@tlanoy: oui, je suis bien entendu d'accord ...en théorie! En pratique, cependant, autant Bayrou a rompu avec la droite sur le positionnement politique, autant sur les idées la rupture ne me semble pas évidente. Et pour cause: comme Hollande, remettre en cause le néolibéralisme reviendrait à remettre en cause l'actuelle construction européenne et ses propres choix passés. Ce qui est tout à fait envisageable, mais ce qu'il/s ne fait/font pas. Par ailleurs, la fameuse "règle d'or" est un des fondements du néolibéralisme...
Tout le monde pourrait se définir anti Systeme, si ce mot polysémique faisait l unanimité au sein des partis poltiques. Bayrou en restant dans un certain flou quant a la définition du Systeme, permet de se présenter comme une alternatif raisonnable a l UMPS.Il semblerait que ce soit une simple posture mamheureusement...
@ Laurent de Boissieu : merci pour les précisions.
Mais sur "la fameuse "règle d'or" est un des fondements du néolibéralisme." : est-ce bien vrai ?
Les néolibéraux au sens de Bush, Brown, Sarkozy… ont fait tout le contraire : une bulle de déficits. Ce sont des gouvernements d'inspiration démocrate (Allemagne) ou socialiste (Espagne) qui ont voté une telle règle.
La règle d'or signifie 1) prise en considération des prochaines générations dans les choix d'aujourd'hui, 2) gestion responsable des fonds publics : deux choses bien étrangères à la philosophie libérale (je dis bien étrangères — non pas contradictoires. Ce sont simplement des choses qui n'intéressent pas les libéraux, attachés 1) aux droits des personnes physiques et morales d'aujourd'hui, 2) à la réduction des Etats et en premier lieu des impôts).
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