Marine Le Pen, la rupture européiste
21 novembre 2011
Je vous invite à lire dans La Croix de ce lundi mon article sur le discours de Marine Le Pen, samedi 19 novembre, de présentation des grandes lignes de son projet présidentiel: "Marine Le Pen promet «la révolution bleu Marine, blanc, rouge»".
Qu'on me permette toutefois de souligner sur ce blog une évolution intéressante. Alors que Marine Le Pen met en avant ses soutiens issus du gaullisme ou du chevènementisme (Paul-Marie-Coûteaux, Florian Philippot, Bertrand Dutheil de La Rochère, etc.), plusieurs points de ce projet l'éloignent au contraire philosophiquement de ces courants par rapport au précédent programme du FN:
- en 2007, le programme de gouvernement de Jean-Marie Le Pen proposait de réserver les allocations familiales "aux seuls Français"; pour 2012, le projet présidentiel de Marine Le Pen indique dans sa rubrique "Immigration" que "les allocations familiales seront réservées aux familles dont un parent au moins est français ou européen" (en revanche, il est toujours écrit dans sa rubrique "Famille" qu'elles seront uniquement "réservées aux familles dont un parent au moins est français").
- en 2007, le programme de gouvernement de Jean-Marie Le Pen proposait de supprimer la binationalité; pour 2012, le projet présidentiel de Marine Le Pen indique que "la double nationalité ne sera plus autorisée en dehors des cas de double nationalité avec un autre pays de l'Union européenne".
Cette rupture européiste peut s'expliquer de deux manières:
- soit il s'agit pour Marine Le Pen d'entériner subrepticement l'existence juridique de la citoyenneté européenne supranationale (qui existe, quoi qu'on en pense, depuis le traité de Maastricht).
- soit Marine Le Pen subit l'influence intellectuelle de conseillers issus de la "nouvelle droite" ethno-différentialiste et européiste, hypothèse que j'avais déjà avancée dans une précédente note (Marine Le Pen: la rechute antirépublicaine).
Autre point passé inaperçu: en 2007, le programme de gouvernement de Jean-Marie Le Pen proposait de "sortir de l'OTAN"; pour 2012, le projet présidentiel de Marine Le Pen ne propose qu'"une sortie du commandement intégré de l'OTAN".
8 commentaires
Ne voyez pas tout par le petit trou de la lorgnette. Les guerres sont en général des formidables accélérateurs de l'histoire et ce qui se passe en Europe est une guerre
De plus, cher monsieur, que dirait le Général de Gaulle aujourd'hui ?
Pensez vous qu'il serait d'accord pour confier l’indépendance de la France aux banques ou à des étrangers ?
le FN se recentre un petit peu et devient en même temps beaucoup plus national-socialiste qu'avant (tant qu'il était national-libéral, son discours avait un gros problème de cohérence; là on part sur des postulats faux, mais une fois admis le programme est assez cohérent)
@Maxime: une note de blog ce n'est pas une étude exhaustive; la rupture philosophique me semble suffisamment intéressante pour mériter ce petit coup de zoom.
@adrien: effectivement, je l'ai déjà écrit moultes fois, le FN quitte son discours national et libéral pour un discours national et social (de là à parler de socialisme...; par ailleurs, on ne regrettera jamais assez la vampirisation des termes national-socialisme par le racisme et l'antisémitisme hitlériens). Quant à savoir si ces postulats (lesquels?) sont vrais ou faux, c'est votre opinion, mais je pense qu'un discours national-libéral (cf. Jean-Jacques Rosa) peut dans l'absolu tout à fait être cohérent.
A tous les coups, Marine Le Pen a paumé son petit Maurras illustré, et, pour se consoler, elle s'est abonnée à la revue Eléments.
Elle ne l'a pas perdu, elle l'a prêté à EELV!
Ou ce tournant peut aussi s'expliquer par le simple constat d'une perception différente, par son propre électorat, de l'immigration selon qu'elle est d'origine européenne ou pas.
Je doute qu'il y ait nécessairement une réflexion approfondie derrière cette évolution, "ethno-différentialiste" ou "européiste".
C'est peut-être simplement dû au fait qu'une double nationalité française/portugaise, française/espagnole, française/italienne ne suscite aujourd'hui plus qu'un haussement de sourcil distrait dans la population.
En un mot comme en cent, les gens s'en foutent, et vu le nombre de noms à consonance hispanique ou lusitanienne que l'on trouve dans les listes de candidats FN aux diverses élections, les personnes originaires (il y a une ou deux générations) de pays européens du Sud ne sont plus perçus comme "immigrés" au sens et à la connotation négative que le FN donne à ce mot.
Donc ce parti les sort de la catégorie des personnes à discriminer.
De deux choses l'une:
- soit un étranger est un étranger, point.
- soit certains étrangers sont moins étrangers que d'autres; dans ce cas, il est intéressant de se demander si le fondement est juridique ("citoyenneté européenne") ou autre (quel fondement alors? - personnellement, ce serait la francophonie et non l'européanité).
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