François Bayrou pour un gouvernement UMP-PS sans le MoDem?
23 août 2011
J'ai chroniqué la semaine dernière dans La Croix le nouveau livre de François Bayrou, 2012 état d'urgence (Plon).
Petit retour sur deux points.
1) François Bayrou ne prône pas un gouvernement d'union nationale:
L'union nationale, comme l'écrit le dirigeant centriste, "suppose que l'on embarque tout le monde" (p.148), de l'extrême droite à l'extrême gauche. Par exemple en temps de guerre.
Or, ce qu'ambitionne François Bayrou, c'est de détacher les modérés des deux camps: "Dans les deux camps, le poids des extrêmes est maintenant déterminant. Je nomme "extrêmes" non pas des subversifs, décidés à renverser l'ordre établi et à prendre le pouvoir, mais des tendances qui sont incompatibles avec le gouvernement volontaire et modéré dont a besoin un pays en état d'urgence" (p.141). "Tendances qui appellent à la sortie de l'euro, ou, plus carrément, à la sortie de l'Europe" et qui "existent des deux côtés de l'échiquier, à la droite de la droite, comme à la gauche de la gauche" (p.142). "....l'action suppose la cohérence, exige un accord profond sur les principes, sur les grands axes qui est par nature impossible avec les plus radicaux. Peut-être aussi d'ailleurs avec les plus timorés", insiste-t-il plus loin (p.148).
"Il n'y a qu'une seule majorité possible si on veut trouver des solutions: une majorité large du centre gauche au centre droit", explicite le président du MoDem dans L'Express, parallèlement à la publication de son livre.
Dès le milieu des années 1990, François Bayrou prônait ainsi la création d'un "grand centre" allant d'Édouard Balladur à Jacques Delors. La différence majeure, c'est qu'à l'époque il parlait depuis la droite, alors qu'aujourd'hui il parle du centre, à équidistance de la droite et de la gauche.
2) Le mauvais exemple allemand de François Bayrou:
Pour illustrer sa "majorité centrale", François Bayrou met en avant l'exemple allemand, c'est-à-dire selon lui "l'alliance centre-droit centre-gauche" (p.147). Une idée qu'il développe également dans L'Express: "...le plan du chancelier social-démocrate Schröder, a été combattu par la gauche de la gauche. Il a été réalisé par Angela Merkel grâce à une majorité centrale, centre gauche-centre droit, la grande coalition CDU-SPD".
Or, s'il y a bien eu en Allemagne une grande coalition entre la droite (CDU-CSU) et la gauche (SPD) - au passage, subie davantage que voulue - le centre (FDP) en a été écarté!
Bref, transposé en France, le modèle de coalition sans cesse mis en avant par François Bayrou serait une coalition UMP-PS ...sans le MoDem!
Tout le monde aura bien compris ce que le dirigeant centriste voulait dire, mais l'illustration choisie apparaît plutôt comme un mauvais exemple pour lui.
16 commentaires
LE FDP, parti centriste, équivalent allemand du Modem? S'ils ont peut-être leurs racines historiques de ce côté, le FDP ne serait pas plutôt aujourd'hui un parti francherment orienté à droite?
Je ne parle pas ici de leur idéologie, mais de leur positionnement politique: au centre tous les deux. Par ailleurs, le FDP et le MoDem sont alliés au Parlement européen, l'Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe (ADLE).
Tiens, tiens, tiens... après une absence de presque quatre ans, le discours de 2007 de François Bayrou est de retour ! "Gouverner avec les meilleurs de la gauche et les meilleurs de la droite", voilà une démarche qui se rapproche plus d'être "entre la gauche et la droite" que "autre que la gauche et la droite". Finalement, ce "troisième pôle", centriste, ne serait bien qu'une synthèse des "modérés" des deux autres ? Le "cercle de la raison" remit au goût du jour, en somme !
Le FDP est un parti libéral-libertaire. Avec deux ailes jadis assez distinctes, incarnées dans les années 70 par les nationaux-libéraux du Comte von Lambsdorff et les sociaux-libéraux de Walter Scheel ou dans les années 80-90 par les libéraux classiques façon Klaus Kinkel et les libertaires comme Sabine Leutheusser-Scharrenberger. Aujourd'hui, le parti semble nettement moins tiraillé par ces lignes de fracture. Sociologiquement, c'est un parti urbain, CSP+, avec une clientèle de cadres et de professions libérales ne se reconnaissant pas dans le conservatisme-chrétien des zones rurales et petites villes représenté par la CDU. Et, quelque part, ce partenaire alternant jadis entre CDU et SPD (amusant d'ailleurs de voir que sa position sur les camemberts électoraux varie grandement selon les époques) se retrouve un peu contre son gré rejeté au centre-droit du fait de l'émergence des verts comme partenaire naturel du SPD, depuis une vingtaine d'années. Qui plus est, le système électoral allemand fait qu'il dépend dans un certain nombre de Länder des "2e voix" des électeurs CDU pour passer la barre de représentativité fixée à 5%. Pour autant, il lui arrive encore de s'allier localement au SPD, même au niveau des Länder, comme en Rhénanie-Palatinat, où la coalition rouge-jaune est au pouvoir depuis une quinzaine d'années. Reste à savoir ce que deviendra le FDP si les Verts (qui leur ont durablement piqué leur place de 3e parti) s'allient un jour à la CDU au niveau national, comme ils l'ont fait en Sarre et avaient failli le faire à Hambourg il y a quelques années.
Merci JS pour toutes ces précisions! :)
Vil flagorneur ! (qui plus est, je crois discerner une légère pointe d'ironie...)
ah non, point d'ironie, sincèrement!
C'est réellement très intéressant de voir comment a évolué le FDP. Quand on s'intéresse aux évolutions du centre (notion géographique) et du libéral-libertarisme (notion idéologique), c'est extrêmement instructif.
C'est dommage tu ne me follow pas sur Twitter je ne peux pas t'envoyer tes messages secrets;))
C'est dommage tu ne me follow pas sur Twitter je ne peux pas t'envoyer tes messages secrets;))
je suis très radin en abonnements!...
François Bayrou n'en n'est pas à sa première tentative de trouver un exemple à l'étranger pour démontrer la pertinence de sa stratégie de positionnement.
Il a vanté l'exemple du Partito democratico italien (qui est aujourd'hui clairement à gauche), l'indépendance de la FDP allemande (qui est aujourd'hui à nouveau alliée à la CDU), le Parti démocrate japonais (qui du centre gauche a évolué vers le centre droit depuis sa victoire en 2009), puis s'est réjouit de la victoire possible des Libdems britanniques (qui sont restés 2e, mais contrairement à lui, se sont alliés aux tories à l'issu du scrutin)...
L'idée d'un arc central est assez belle, mais elle reste illusoire et utopique dans un système politique bipolaire comme le nôtre. Même si sa démarche n'a pas aboutie sur grand chose de probant, je le trouve plus pertinent lorsqu'il défend l'idée d'une recomposition de paysage politique. Mais à mon avis, si recomposition il y a, cela ne peut être que par l'émergence d'une nouvelle famille politique sur les cendres d'une autre. Comme cela s'est passé en Italie.
Le problème, c'est que je ne vois pas trop comment le PS ou l'UMP pourrait s'auto-dissoudre en France... La droite résiste à l'émergence du FN depuis 30 ans, et n'a pas coulé lorsqu'elle était empêtrée dans les guerres intestines entre UDF et RPR, Balladuriens et Chiraquiens, ni après l'humiliation des européennes de 1999 où la liste "officielle" s'est retrouvée derrière l'union Pasqua-Villiers.
Quant au PS, il a déjà surnagé à deux énormes déroutes électorales en 1993 et 2002...
Et puis fondamentalement, la situation actuelle me semble encore assez dramatique et loin de justifier l'établissement d'un "état d'urgence".
Le FN est fort, mais Marine Le Pen après un départ en flèche se maintient plus à son niveau qu'elle ne progresse. L'extrême gauche est en net recul, qu'il s'agisse du NPA ou de la gauche du PS où Mélenchon fait plus parler de lui qu'il ne réalise des scores électoraux vraiment déterminants. Quant à Montebourg ou NDA... ils sont très marginaux dans leur camp respectif...
Pour ce qui est de la situation économique, elle est médiocre, mais le choc est me semble-t-il ressenti moins fortement que lors de la crise de 1993, où ce sont des pans entiers de l'industrie qui ont coulé. On est loin aussi du climat des années 80 durant la crise de la sidérurgie...
Sauf que l'élection du président de la République au suffrage universel direct permet de recomposer le paysage politique: je prends le pari que François Bayrou s'alliera à/ralliera l'un des deux camps entre les deux tours de la présidentielle (il a déjà dit plusieurs fois que 2012 ne sera pas 2007...), avec une plus forte probabilité que ce soit la gauche (quasi-certitude si c'est François Hollande).
Oui c'est quasi certain qu'il appellera à voter PS au 2nd tour.
Et si l'élection présidentielle recompose, elle le fait surtout à la faveur du gagnant. Rarement du troisième non ?
Cela ne donnera pas à Bayrou le parti politique qu'il n'a pas réussi à construire depuis 2007. Il y gagnera peut-être quelques sièges de députés, un portefeuille ministériel... En gros il sera dans la situation de Chevènement en 1997. Encore qu'à l'époque, sans Chevènement, le PS n'était pas sûr de gagner les législatives... Et que Chevènement était lisible pour l'électeur, il incarnait une ligne politique que tout le monde pouvait saisir, et donc qu'il était a priori nuisible s'il jouait contre le PS.
En fait, Bayrou prend le chemin de se retrouver dans la position du NC en 2007. Une force d'appoint stratégiquement intéressante, mais pas indispensable numériquement.
François Bayrou serait-il à la fois l'artisan de la résurrection du centre et de sa disparition par division entre centre-droit et centre-gauche ?
@Bob: l'élection présidentielle pour le troisième homme, c'est
1) tu gagnes, et la vie politique se recompose autour de toi (alliés/adversaires).
2) tu perds et tu rallies un des deux candidats qualifiés: selon ton score, tu es soit un allié (ce que Bayrou aurait pu être en 2007) soit un satellite.
3) tu ne choisis pas entre les deux tours, donc tu disparais dans tous les autres scrutins (qui sont des élections d'alliance au second tour, sauf les européennes) en attendant la prochaine présidentielle...
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