Prime de 1.000 euros, ou comment gâcher une bonne idée
19 avril 2011
François Baroin (UMP), ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, a annoncé le 13 avril la mise en place d'un "dispositif simple sous forme d'une prime exceptionnelle dont le montant n'est pas encore stabilisé - au moins 1.000 euros - et qui pousserait les entreprises et les secteurs d'activité économiques à négocier pour obtenir une meilleure répartition de cette richesse".
La question de la répartition des profits et des responsabilités dans l'entreprise est selon moi fondamentale.
Elle risque malheureusement d'être discréditée par la proposition grotesque de la droite. Comment peut-on en effet sérieusement demander aux entreprises de verser ainsi une prime fixe à ces salariés? Car, pour être crédible, son montant devrait être proportionnel aux bénéfices après paiement des impôts.
Et peu importe le nombre de salariés concernés: c'est une question de philosophie (je n'ai jamais compris l'argument du nombre, que ce soit sur l'intéressement ou sur la loi pour la dignité de la femme et contre le voile intégral).
Quoi qu'il en soit, deux principes doivent selon moi régir toute législation en la matière:
- comme tout dispositif relatif à la participation financière, il ne doit pas devenir un substitut à la politique salariale.
- le dispositif doit être obligatoire et non facultatif; dans le système capitaliste, l'entreprise n'a en effet pas pour finalité d'être citoyenne, démocratique ou sociale mais de dégager des bénéfices afin, d'une part, de se développer (réinvestissement) et, d'autre part, de verser des dividendes aux actionnaires: seule la loi peut imposer une autre logique.
12 commentaires
L'initiative économique est la clé du succès de ce type de dispositif. Seules les entreprises qui dégagent des bénéfices pourront en distribuer une partie aux salariés sous forme de primes.
Notre système bancaire est un vrai frein à l'entreprise. Il faudrait dissocier le métier de banquier de celui de spéculateur pour avoir un accompagnement des PMI digne de ce nom .
La répartition de notre population illustre notre immobilisme :
65 millions d'habitants
24 millions d'actifs, parmi lesquels 5 à 6 millions de fonctionnaires selon que l'on inclut ou non les différentes associations qui sont dotées de missions de service public.
Replacé dans son contexte, la proposition gouvernementale parait désuète et futile.
Nous ne pourrons passer le cap qu'en diminuant drastiquement le volume de fonctionnaires, et en leur donnant des perspectives de carrière claires.
La manière de rémunérer les salariés dans une économie de marché, est d'abord le salaire. Tant que les salaires seront grevés de taxes et charges sociales si hautes qu'elles privent nos entreprises d'une grande partie des marchés, parler de distribuer une partie des dividendes aux salariés est grotesque.
Bien d'accord avec les conclusion de Laurent !
Par contre, le discours libéral que vous tenez, Jean Laporte, commence à dater et montre toute son inefficacité, pour ne pas dire sa nocivité.
Car, en effet, que font les gouvernements successifs en France comme en Europe depuis 20 ou 30 ans si ce n'est réduire le nombre de fonctionnaires et diminuer ces fameuses "charges sociales" ?
Et l'économie française, comme celle de nos voisins, va t-elle mieux ? Le niveau social des français progresse t-il ? Non aux deux questions.
C'est d'ailleurs Sarkozy qui se vantait en 2009 que la France avait mieux résister au choc de la crise financière grâce à son "amortisseur social". L'hommage du vice libéral à la vertu sociale.
La compétitivité de nos entreprises sera toujours un combat comme l'est celle de nos "partenaires" économiques tant que le seul critère de compétitivité sera la rentabilité financière des entreprises. C'est certes le b-a-ba du capitalisme mais on en voit les limites aujourd'hui, tant sur le plan économique (crise financière, crises monétaires, chômage de masse,...) que sur le plan environnemental (la nature est une marchandise, elle aussi).
Enfin, l'argument qui oppose fonctionnaires et économie compétitive (en dehors de la critique sur la notion de compétitivité) ne repose sur rien. Est-ce que le fait d'avoir des hôpitaux ou des écoles publiques rend notre économie moins performante dans le secteur automobile ou textile ? De la même façon, est-ce que supprimer des classes, des écoles ou des hôpitaux rend les français plus efficace au travail ? ...
Ce qui est sûr, c'est qu'en supprimant des douaniers, des agents du fisc et des policiers, on facilitera la fraude fiscale et le travail au noir, ce qui devrait permettre d'attirer de nouveaux capitaux en France, pas forcément les plus glorieux.
Enfin, je préfère le terme de "salaire différé" à celui de "charges sociales" car, au final, qu'il s'agisse des retraites ou des remboursements de la Sécu, cet argent revient dans le circuit économique par le biais des dépenses des bénéficiaires. Au final, cet argent retourne dans les caisses des entreprises sous forme de consommation.
Un peu comme le budget de l'Etat qui finit sous forme de salaires des fonctionnaires ou sous forme d'investissements directs ou via les collectivités.
Bien d'accord avec Solidaire27; sur la sémantique, je n'écris jamais dans mes articles "charges sociales" mais toujours "cotisations sociales". Jean Laporte a en revanche raison sur le système bancaire: le minimum serait de séparer banques de dépôt et banques d'affaires (le maximum serait de se dire que le secteur bancaire - comme celui des assurances - devrait être public et non privé).
"le minimum serait de séparer banques de dépôt et banques d'affaires (le maximum serait de se dire que le secteur bancaire - comme celui des assurances - devrait être public et non privé)"
Un gauchiste, ce Laurent de Boissieu, je vous dis !
En tous cas, en bon robespierriste, je ne peux qu'applaudir à cette note, et particulièrement à ce passage : "je n'ai jamais compris l'argument du nombre, que ce soit sur l'intéressement ou sur la loi pour la dignité de la femme et contre le voile intégral", à mettre en relation avec un commentaire qu'avait fait l'hôte de ces lieux sur la question du scrutin à la proportionnelle (de mémoire : "qu'on soit pour ou contre l'introduction de la proportionnelle dans les élections législatives, le débat ne devrait pas porter sur le "risque" ou non que des députés du FN soit élus mais sur les fondements philosophiques qui justifie la prise de position"). Assez du règne des circonstances ! Quand on a affaire à des questions de principes, on adopte des positions de principes ! Et non, le gaullisme n'est pas un pragmatisme.
@Brath-z et Laurent de Boissieu: Entièrement d'accord avec la manière dont vous abordez la question du scrutin à la proportionnelle et dont vous critiquez le "règne des circonstances" en politique.
A l'attention de Solidaire 27
Pour les hôpitaux; passe encore, bien que les gaspillages y soient légion !
Par contre, pour les écoles, votre analyse est à l'inverse de la réalité.
1.5 millions d'agents laissent 150 000 ados sortir du système démunis des bases de lecture et de calcul chaque année, le résultat est pitoyable.
Pour vous répondre directement, oui, l'éducation nationale handicape sérieusement notre industrie, pas seulement textile ou automobile, mais l'ensemble de l'effort économique national.
A votre avis, quel est le secteur le plus stratégique, l'armée ou l'école ? pour moi, c'est l'école, et j'ai beaucoup de mal à accepter le discours des profs de maths qui déclarent préparer leurs cours pendant 10 heures par semaine au bout de 5 ans de boutique. C'est de la mauvaise foi caractérisée. Je suggère que l'on prive tout simplement ces personnels du droit de faire grève pour revenir à une notion de service au public, afin de sortir du système de duplication des élites qui ruine notre pays depuis 30 ans.
Peut-être serez vous surpris d'apprendre que la moitié des rond-points européens trônent en France, bel exemple de l'exagération sans limite qui règne dans nos collectivités territoriales ! les clientèles de nos chers élus ont ruiné tant de terroirs que, pour redorer le blason des politiques, nous n'aurons d'autre choix que de mettre un terme absolu au cumul des mandats électoraux.
Mais, je crains que vous ne vous rendiez pas compte que l'utilisation abusive de la trame publique ne soit le plus violent des toxiques dans un espace de marché ! aussi, vaut-il mieux cesser la polémique, et attendre patiemment que le gauleiter chinois ne nous réveille de notre rêve passionné d'égalité à la française.
Un point d'accord avec Jean Laporte: je suis contre le droit de grève pour les fonctionnaires ou les agents de tout monopole public.
@ Jean Laporte : "sortir du système de duplication des élites qui ruine notre pays depuis 30 ans." Bonne idée ! Mais dans ce cas, finissons-en avec ces grandes écoles élitistes que sont l'ENA ou HEC !
Pour le reste, que l'Education ait besoin de réforme, personne ne dit le contraire. la question est de savoir si fermer des classes, comme c'est le cas partout, y compris en zones rurales, va arranger la situation et le niveau scolaire des enfants ? La logique actuelle n'est pas pédagogique mais comptable. Le gouvernement le dit lui-même !
Et effectivement, je ne dois pas me rendre compte de la toxicité de la trame publique. Personnellement, j'y trouve des avantages : sécurité sociale, assurance chômage, police et gendarmerie d'état, collectivités de proximité, hôpitaux publics,... Ce doit être un toxique de la famille des drogues, probablement. Hallucinogène certainement ?
Quant au travail enseignant, je ne suis pas un grand spécialiste mais vous non plus, a priori. Attention aux clichés sur les enseignants ! Considérer que l'on peut se pointer en cours les mains dans les poches parce qu'on a dix ou vingt ans d'expérience, c'est amusant mais loin de la réalité : les programmes changent, les élèves aussi, les copies ne se corrigent pas toutes seules,... Pourquoi fabuler sur l'enseignement ce qu'on oserait imaginer de la part de cadres hospitaliers ou du privé ?
Pour finir, l'utilisation du terme "gauleiter chinois", avec le désormais amalgame nazisme - communisme qui sied au lecteur du Figaro, est peut-être exagérée, non ?
Etre pour les services publics et contre les dérives du capitalisme, ce n'est pas forcément être un affreux khmer rouge !
"La question de la répartition des profits et des responsabilités dans l'entreprise est selon moi fondamentale.
Elle risque malheureusement d'être discréditée par la proposition grotesque de la droite."
Pas mieux !
Mais attention : la géographie de la grande entreprise est devenue insaisissable. Elle joue (et c'est son devoir vis-à-vis de ses actionnaires) sur le patchwork des lois, pour limiter ses responsabilités, minimiser ses impôts, et accessoirement, maximiser les rémunérations des décideurs (le gag involontaire http://demsf.free.fr/index.php?post/2010/01/22/recrutement-fondation ).
Dire "dans l'entreprise" est donc faire un pari sur la capacité à isoler L'entreprise pour raisonner à l'intérieur, comme si c'était une petite république ; louable, mais pas si évident.
Vous avez raison, "La question de la répartition des profits" est un sujet majeur pour notre économie. Une équitable répartition de la valeur ajouté passe évidemment par un encadrement légal. Si cette régulation est équilibrée, bien pensée, alors seulement vous retrouverez une prise de " responsabilités dans l'entreprise".
A première vue, l'idée de répartition équitable des bénéfices entre salariés (travail) et actionnaires (capital) paraît sympathique mais elle repose sur une erreur intellectuelle grave :
- le travail est déjà rémunéré par les salaires qui représentent (en gros) plus de 60% de la valeur ajoutée nationale (y compris transferts sociaux à travers des cotisations sociales),
- le capital est rémunéré par les dividendes qui en représentent environ 5%
(des chiffres arrondis, qu'on peut largement contester dans le détail, mais c'est l'ordre de grandeur).
Notons que la différence entre les rémunérations du travail (60%) et du capital (5%) n'est pas choquante : tout dépend du rôle de chaque facteur de production dans la création de la valeur ajoutée et/ou de la rareté de chaque facteur.
L'erreur est en revanche de vouloir imposer un partage des bénéfices qui constituent dès l'origine, non la rémunération du travail, mais bien celle du capital.
Le "capital" laissant d'ailleurs volontairement la majeure partie des bénéfices dans les entreprises dans le but de le réinvestir (recherche-développement, augmentation de capacités, création de filiales, rachat d'autres sociétés..).
Ce qu'il faut regarder, c'est donc le partage de la valeur ajoutée (VA) et non celle des bénéfices.
En regardant le partage de la VA, on s'aperçoit effectivement que la part des salaires recule depuis 1980. Mais, comme le dit l'OFCE (de tendance plutôt keynésienne) : "La fin des années 1970 et le début des années 1980 ne peuvent donc pas constituer une référence pour le partage de la valeur ajoutée. La part élevée des salaires coïncide avec des déséquilibres forts : taux d’intérêt réels négatifs, inflation élevée, prix relatifs perturbés par les chocs pétroliers, gains salariaux réels supérieurs aux gains de productivité du travail, contrôle des changes."
Effectivement, il conviendrait dans ma note de remplacer les mots "profits" et "bénéfices" par "valeur ajoutée"! Mais sur le fond, sur la philosophie, cela revient au même...
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