Les questions auxquelles Jean-Louis Borloo ne répond pas
08 avril 2011
Comme prévu, Jean-Louis Borloo, président du Parti radical "valoisien", a annoncé jeudi, lors de l'émission "À vous de juger", sur France 2, qu'il quittait "évidemment" l'UMP afin de constituer une "alliance républicaine, écologiste et sociale". L'ancien ministre d'État ne faisait déjà plus partie de l'équipe dirigeante du parti majoritaire et ne siège à l'Assemblée nationale qu'en tant qu'apparenté au groupe UMP. Le Parti radical dans son ensemble décidera lors d'un congrès, les 14 et 15 mai prochains, de son maintien ou non au sein de l'UMP.
Mais plusieurs questions essentielles demeurent sans réponse.
1. Quel positionnement?
Jean-Louis Borloo est actuellement sur une ligne contradictoire:
- d'un côté, il se positionne à droite lorsqu'il parle d'organiser "l'aile sociale, l'aile humaniste" de la majorité de droite
- de l'autre, il se positionne au centre lorsqu'il parle d'incarner "une alternative au PS et une alternative à l'UMP"
Bref, le président du Parti radical devra choisir entre faire du Bayrou 2002 (un second choix à droite) ou du Bayrou 2007 (un autre choix ni de droite ni de gauche).
2. Quel financement?
Le Parti radical ne bénéficie pas directement du financement public, puisqu'il n'a pas en tant que tel présenté de candidats aux élections législatives de 2007.
En réalité, cela fait bien longtemps que les radicaux "valoisiens" ne sont pas partis au combat électoral sous leur propre étiquette. D'une part, aucun radical de droite n'a été candidat à l'élection présidentielle au suffrage universel direct: une candidature de Jean-Louis Borloo serait une première. D'autre part, le Parti radical participe à des superstructures successives depuis les législatives de 1967:
- Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (FGDS) en 1967 et 1968 (à gauche)
- Mouvement Réformateurs en 1973 (au centre)
- UDF de 1978 à 2002 puis UMP (à droite)
Ce constat vaut pour toutes les autres composantes éventuelles de cette "alliance républicaine, écologiste et sociale": aucune ne bénéficie directement du financement public. La seule solution consiste donc à se rattacher à un parti qui, lui, en bénéficie, comme c'est le cas actuellement du Nouveau Centre d'Hervé Morin avec le Fetia Api.
3 . Quelles troupes?
Nul ne sait combien de députés radicaux vont suivre Jean-Louis Borloo et quitter l'UMP. Pas plus de "cinq ou six députés" (sur vingt au total) m'affirmait, sous couvert d'anonymat, l'un d'eux dans un article publié jeudi dans La Croix.
Un subterfuge consisterait à laisser volontairement planer le flou. Soit, à l'exemple de République Solidaire de Dominique de Villepin, en autorisant la double appartenance (mais cela constituerait une violation des statuts de l'UMP). Soit en décidant que le Parti radical quitte l'UMP mais que ses députés restent membres du groupe parlementaire UMP (la logique voudrait toutefois qu'au moins ils s'y apparentent comme Jean-Louis Borloo). Quoi qu'il en soit, les députés, attentifs aux investitures et soutiens pour les législatives, constituent toujours le maillon faible des partis politiques (Jean-Louis Borloo pourrait sonder François Bayrou à ce sujet!).
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Alliance Républicaine
Cette dénomination a déjà été utilisée par le passé:
- Alliance Républicaine Démocratique (ARD): principal parti libéral sous la IIIe République (avec Armand Fallières, Raymond Poincaré, Paul Deschanel, Louis Barthou, André Tardieu, Georges Leygues, Pierre-Étienne Flandin, Paul Reynaud, Albert Lebrun...)
- Alliance Républicaine pour les Libertés et le Progrès (ARLP): créée en janvier 1966 par Jean-Louis Tixier-Vignancour à partir des Comités Tixier-Vignancour de la présidentielle de 1965.
- Alliance Républicaine Indépendante et Libérale (ARIL): scission en 1971 de l'ARLP.
7 commentaires
Bonjour,
Est-ce de nature à relancer le projet de groupe parlementaire autonome qui agitait les Villepinistes en juillet dernier ?
Et si il voulait faire du Bayrou 2012 ?
A priori, le Bayrou 2012 sera du Bayrou 2007 délesté des députés qui voulaient faire du Bayrou 2002! :)
@Laurent de Boissieu
Très bon ! :)
et a priori pour un résultat semblable à 2007 :-)
Les questions de personnes et d'ambitions personelles sont dérisoires. La vraie question est: un vrai Centre peut-il émerger en France ?
http://www.wikipol.fr/Borloo_est-il_un_grand_na%C3%AFf%3F
Luc > Personnellement, mon positionnement "excentré" (à gauche toute, on va ressusciter Robespierre avec quelques amis) m'amène à considérer que le Centre, en France, il existe, même s'il n'est pas incarné par une formation politique particulière (échec du MoDem, dévoré sur sa droite par le NC et les libéraux de l'UMP, et sur sa gauche par l'aile droite du PS et Europe Écologie, qui, ceci-dit, va peut-être se réorienter plus à gauche depuis sa fusion en EE-LV, libérant un peu d'espace au centre).
De mon point de vue, il existe même un "arc central" (le "cerlce de la raison" d'Alain Minc, ce que J.-P. Chevènement a nommé lors des élections législatives de 2002 "l'UMPS", en gros) qui s'étend (pour donner dans la topographie) de l' "aile gauche" du PS (depuis le départ de J.-L. Mélenchon, M. Dolez et quelques autres pour fonder le PG, j'aurais même tendance à inclure cette "aile gauche" du PS dans l'arc central lui-même) jusqu'à DLR. Étant entendu qu'aux franges de cet "arc central" (c'est-à-dire la gauche du PS et la "droite populaire" à l'UMP) on trouve sensiblement autant de convergences avec l'arc central qu'avec l'espace hors de l'arc immédiatement voisin, mais pas nécessairement sur les mêmes thématiques ni avec la même sensibilité.
L'ennui dans tout ça pour les centristes (ni gauche ni droite, voire mi-gauche mi-droite) c'est que l'esprit des institutions (pas seulement la Vème République, le système partisan, tout simplement) conduit plus ou moins naturellement à une bipolarisation. Donc sauf à avoir un centre-charnière (que J.-L. Borloo, parce que du Parti Radical, incarnerait logiquement, dans la continuité des IIIème et IVème Républiques) "faiseur de roi" qui participe à des coalitions avec les grands appareils de l'une ou l'autre tendance suivant des géométries variables (perspective peu exaltante car trop "tambouille politicienne" pour mobiliser profondément), la seule "chance", à mon avis, d'affirmation d'un centre comme pôle à part entière est la stratégie de F. Bayrou en 2007, ce que j'appelle le "centre-pilier", toute entière fondée sur le succès à l'élection présidentielle et la recomposition conséquente du paysage politique, probablement au détriment de l'un des deux pôles.
Pour peu que cette substitution soit pérenne, on verrait ce "pôle centre" conquis de haute lutte... ne plus être le centre. Un peu sur le modèle parlementaire britannique ou amérique-unien, où les "troisièmes forces" s'imposent au détriment d'une autre et en viennent à former l'un des deux pôles (la défaite historique des Whigs, phagocytés aux États-Unis par le Parti Républicain de Lincoln et au Royaume-Uni par le Labour, même si le Libdem a un temps laissé entrevoir qu'il pourrait sérieusement menacer l'un ou l'autre pôle).
Dans le cas (à mon avis très probable : je pense qu'avec 18% des suffrages, F. Bayrou a réalisé un potentiel électoral supérieur à ce qu'est réellement le centre indépendant en France, que je situerai plutôt autour de 13-14% des électeurs) où le centre ne réussirait pas à s'incarner à travers un mouvement ou un pôle unique, je ne vois que deux configurations :
- un centre divisé entre centre-gauche et centre-droit (ce que la scission de la famille radicale illustre à merveille), fracture nette et quasi irrémédiable
- un centre "éclaté", qui s'articule autour de plusieurs structures dont les alliances se font à géométrie variable suivant les circonstances, et qui peuvent notamment s'unifier entre elles (sans que ce soit pérenne) pour proposer une "troisième voie"
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