Centre: la désinformation par les sondages
24 janvier 2011
C'est à la mode: sonder les Français en leur demandant qui est selon eux le meilleur candidat du centre à l'élection présidentielle de 2012. François Bayrou? Dominique de Villepin? Jean-Louis Borloo? Hervé Morin?
Quel dommage de perdre de l'argent à commanditer et du temps à commenter des sondages aussi déconnectés de la réalité du paysage politique français.
Qu'on en juge:
- François Bayrou (MoDem, ex-UDF) est dans l'opposition
- Hervé Morin (Nouveau Centre, ex-UDF) appartient à la majorité de droite
- Jean-Louis Borloo (UMP-Parti Radical, ex-UDF) et Dominique de Villepin (UMP / République Solidaire, ex-RPR) appartiennent non seulement à la majorité de droite mais également à l'UMP
Bref, rien de commun en ce qui concerne le positionnement politique de ces quatre soi-disant "centristes", et donc rien à tirer de ces sondages ridicules! Les sondeurs qui les réalisent et mes confrères qui les reprennent suivent-ils vraiment la vie politique française?
Ce qui serait en revanche intéressant, c'est d'isoler et d'analyser les intentions de vote de l'électorat s'autopositionnant au centre de l'échiquier politique, mais en élargissant alors à l'ensemble de l'offre électorale possible (Dominique Strauss-Kahn, Eva Joly, etc.)
Quant à ces quatre personnalités, voici quelles seraient selon moi les questions à poser conformes à la réalité politique:
1) Quel candidat du centre en 2012:
- François Bayrou?
- Corinne Lepage?
2) Quel candidat de droite en 2012:
- Nicolas Sarkozy?
- Dominique de Villepin?
- Jean-Louis Borloo?
- Hervé Morin?
- Christine Boutin?
Suis-je vraiment le seul à m'insurger contre cette désinformation consistant à qualifier à longueur de sondages et d'articles Borloo, Morin ou Villepin de centristes?
15 commentaires
Si les plus proches de l'UMP ne sont pas (ou plus?) des centristes, on ne peut nier qu'ils se recentrent... Est-il absurde de penser qu'ils puissent réunir les centristes (à défaut d'être tout à fait centristes eux-mêmes) ? Je pose simplement la question. En tout cas, ils pourraient jouer un rôle électoral qui était jouer par le centre par le passé.
Oui, il existe bien un électorat centriste qui, comme je l'ai écrit, serait intéressant à analyser.
Ce qui me choque, en revanche, c'est que des sondeurs ou des journalistes qualifient de centristes des candidats potentiels à la présidentielle qui ne sont pas centristes mais sans ambiguïté de droite étant donné leur positionnement politique (Borloo, Morin et Villepin).
Dans la mesure où plusieurs personnalités de l'UMP s'auto-proclament "centristes" (Borloo lui-même, Fabienne Keller, etc), l'investigation des sondeurs peut paraître assez pragmatique.
Ce qu'il faudrait, c'est distinguer les candidats du centre _indépendant_ des autres car un "centre" qui penche toujours à droite, ce n'est pas un centre.
Non, car dans ce cas il fait considérer que le FN n'est pas à l'extrême droite (puisqu'il ne s'en réclame pas) et que la Gauche Moderne de Jean-Marie Bockel est à gauche...
Le rôle du journaliste c'est de décrypter, pas d'être un perroquet sans cervelle... Pour le sondeur, je botte en touche!
Pas tout à fait d'accord avec toi Laurent. J'écarte de la liste des sondeurs Villepin, qui sauf erreur de ma part de s'affirme pas centriste.
Quant à Borloo, Morin et Bayrou, ils le proclament. Donc c'est normal que les sondeurs les intègrent. Le rôle du journaliste que tu es, spécialiste de l'histoire du centre, est de nous expliquer si les postures des unes et des autres correspondent aux valeurs traditionnelles du centrisme.
Mais attention aussi de ne pas enfermer celles-çi dans un étalon-or programmatique du passé. C'est bien de prendre au sérieux le centre mais celui-çi est aussi juste une étiquette qui s'affiche dans le jeu électoraliste que relaient les sondeurs
Bienvenu sur ce blog! :)
Je ne définis pas le centre en fonction de "valeurs traditionnelles du centrisme" ou d'un "étalon-or programmatique" - du passé, du présent ou du futur - mais uniquement en fonction d'un positionnement politique: ni à droite, ni à gauche, ni aux extrêmes.
Or, Morin et Borloo appartenant à une majorité de droite, comme dirait Lapalisse ils ne peuvent pas au centre!
En l'occurrence, n'est-ce pas plutôt les instituts de sondage qui sont en cause ? Les journalistes peuvent difficilement s'écarter, dans leurs commentaires, de la segmentation proposée par le sondage lui même...
Mais il est certain que certains faux-nez centristes jouent de cette ambiguïté à leur profit. Après avoir tenté de fagociter le centre en 2002, l'UMP tente désormais d'organiser sa propre "opposition" interne, centriste, radicale. On voit qui tire bénéfice de cette confusion et peut-être faudrait-il s'intéresser aux commanditaires des sondages plutôt qu'aux journalistes qui les commentent ?
Dans le même registre, je découvre que sur mon canton, à Strasbourg, une candidate UMP se présente comme "démocrate"... Pas plus qu'être au centre, être démocrate n'est pas une marque déposée ! C'est le débat politique qui doit éclaircir les choses.
J'avais botté en touche en ce qui concerne les sondeurs, mais vous avez raison. Cela dit, la plupart de mes confrères qualifient Morin et Borloo de "centristes" même en dehors du contexte d'un sondage.
Non, tu n'es pas le seul !
Jean-Luc Bennahmias
Oui, mais toi tu es juge et partie, Jean-Luc!
:)
Effectivement, et je boue depuis plusieurs moi quand on qualifie de centristes ces personnages qui n'ont cessé de soutenir l'UMP, pour deux d'entre eux, et, pour le troisième, qui a mené une politique très à droite lorsqu'il était premier ministre. Les journalistes (sauf vous), paraissent amnésiques. Ils ne se souviennent pas du CPE ?
Certes le Centre n'est pas une marque déposée. Mais depuis 2007 (et même avant), une formation politique s'est démarquée des clivages traditionnels et a affirmé un positionnement politique et assumé autre que de servir la soupe au PS et à l'UMP. C'est l'UDF de 2006 transformée en MoDem en 2007. Ceux qui ne l'ont pas accepté sont allés soutenir la droite libérale impulsée par Sarkozy (Morin, Leroy qui étaient pourtant les plus critiques envers celui qui deviendrait le Président avant le premier tour - j'ai encore le souvenir de leur comportement le 21 mars 2007 au Zénith de Paris). Alors qu'ils ne reviennent pas se poser en centristes. Quand à Borloo il a franchi le Rubicond beaucoup plus tôt, en 2002 pour lécher les bottes de Chirac... Chirac centriste ? Il y a dû avoir un tremblement de terre...
Merci Laurent de remettre les pendules à l'heure. Et si on considère ces messieurs centristes, pourquoi ne pas y ajouter Baylet, Tapie (je m'étrangle), et autres personnalités du PRG et de "l'aile droite" du PS. Un Vincent Peillon n'est pas moins centriste qu'un Dominique de Villepin...
Oui, marre de ces sondages orientés pour descendre cette troisième voie que nous essayons de promouvoir depuis 2007 et avant (Congrès de Lyon de 2006, Toulouse 2002... etc...)
« Selon un sondage Ifop, 64% des Français sont favorables à un rassemblement des centristes en vue de présenter un candidat unique à la présidentielle. »
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20110124.OBS6812/2012-une-majorite-de-francais-veut-une-candidature-centriste.html
pierre s > Ça, c'est typiquement le genre de sondages dont je me demande à quoi il sert... On avait les mêmes sur la présence de Jean-Marie Lepen à l'élection présidentielle dans les années 2000. Les commentaires convenus tournaient tous autour du thème : "ça ne serait pas convenant qu'il ne puisse pas être candidat, mais il ne faudrait pas que les gens l'élisent". Pour ma part, je me moque qu'untel ou unetelle soit ou non présent à l'élection présidentielle, que telle ou telle tendance politique soit ou non représentée (pourquoi les "centristes" et pas les monarchistes ou le "Parti de la Voie Naturelle" ?). S'ils y arrivent, tant mieux pour eux, et je voterai en conséquence. Mais commencer à gloser sur la manière dont devrait se présenter le plateau de fromage, je n'y vois aucun intérêt.
Si encore on analysait les opinions des gens qui se disent du "centre", ça aurait un sens. On verrait alors si le "centre" en termes électoraux préfère s'unir ou se désunir, et ça aurait un sens politique. Mais là...
"99% des Français sont favorables à ce que les Français soient représentés à l'élection présidentielle".
Je me demande pourquoi cela vous choque. Le centre droit (dont le MoDem fait encore partie pour le plus grand nombre de courant) a toujours été considéré comme le "centre" en France, et en 2002, l'UMP a été construite pour englober le "centre droit" voir plus.
Ce n'est que respecter cet héritage que de se poser la question tel quel. Ca te choque peut être, mais aucune des 4 personnes n'est autre chose qu'un héritier de ceci et se place en moyenne dans cet héritage. contre on peut se poser la question pour De Villepin qui n'a jamais eu cet héritage et qu'il ne s'en réclame pas (mais par contre appelle les centristes à s'organiser autour de lui). Et j'aurais pensé que les sondeurs auraient mis à sa place un autre "présidentiable" : Jean Arthuis (même si je pense qu'il n'est pas assez connu).
Bon, reprenons...
1) "Le centre droit a toujours été considéré comme le "centre" en France": "toujours"? par qui?
2) "En 2002, l'UMP a été construite pour englober le "centre droit" voirE plus": effectivement, et alors?
3) Le MoDem "fait encore partie [du centre droit] pour le plus grand nombre de courant": justement non
Afin de ne pas répéter ce que j'ai déjà écrit, je me permets de vous renvoyer à ma "Foire aux questions sur le centre":
http://www.ipolitique.fr/archive/2010/12/13/definition-centre-en-politique.html
4) Sur Bayrou: vous semblez juste oublier qu'entre 2002 et 2007 il a rompu avec la droite, et n'est donc plus au centre droit.
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