Vœux d'Hervé Morin: que faut-il retenir sur le fond?
05 janvier 2011
Le blogueur Authueil, assistant parlementaire d'un député UMP, a assisté aux vœux d'Hervé Morin, estimant que "sur le fond, ce fut plat". Ce dont je ne suis absolument pas d'accord.
J'ai en effet trouvé plusieurs éléments saillants dans le discours du président du Nouveau Centre. Notamment trois éléments, que ne manqueront certainement également pas de souligner ceux de mes confrères qui s'intéressent au débat d'idées.
1) Hervé Morin ne se contente pas de posséder une belle cuisine et de belles casseroles: il s'en sert et le prouvera en livrant à la ménagère de moins de cinquante ans, sur la chaine Cuisine TV, le 22 janvier, ses deux recettes de coquilles Saint-Jacques en entrée et de haddock au curry en plat, accompagnées d'un Puligny-Montrachet 2006.
2) Plus sérieusement, Hervé Morin a pris l'exact contre-pied du discours anticommunautariste de Jean-Louis Borloo à son "dîner de la République", le 9 décembre dernier. Voilà qui mérite grandement d'être souligné dans cette concurrence entre les deux hommes au centre droit (preuve supplémentaire qu'un positionnement sur l'échiquier politique ne dit rien sur les idées portées).
Hervé Morin: "Je crois profondément qu'il faut se rendre à l'évidence que notre pacte social reposant notamment sur notre creuset républicain assimilateur et intégrateur a vécu. Qu'il faut repenser notre pacte social avec une grille de lecture radicalement différente. Je pense qu'aujourd’hui chacun d'entre nous vit dans un certain nombre de tribus en fonction de ses racines, de son métier, de ses passions, de sa foi". Le président du Nouveau Centre appelle donc à "la reconnaissance du rôle des tribus comme facteur de cohésion sociale et de médiation" (à noter que pour faire passer cette pilule communautariste, Hervé Morin effectue dans son discours un amalgame avec les corps intermédiaires - le président du Nouveau Centre en appelle parallèlement au "respect de principes généraux et de valeurs, qui fondent la République et que la République fait respecter avec la plus grande intransigeance, sans aucune concession comme, par exemple, la laïcité, l'égalité entre les hommes et les femmes, le suffrage universel source de tout pouvoir, la promotion de solidarités collectives"; or, le communautarisme est précisément, par essence, aux antipodes de nombreuses valeurs républicaines: indivisibilité, laïcité, égalité des citoyens devant la loi).
Jean-Louis Borloo: "On nous vantait, il y a encore peu, le multiculturalisme à l'allemande. La chancelière a annoncé, il y a quelques semaines, la fin du Multikulti. La Belgique se cherche. Et nos amis Anglais s'inquiètent que la loi commune s'efface progressivement devant la loi particulière des communautés. Tous se posent la question du modèle d'intégration et de citoyenneté. Et si c'était notre vieux modèle républicain qui était, pour nous, l'avenir? Renan l'écrivait à sa façon: «Il faut parfois se résoudre à paraître démodé pour avoir raison de son temps.» (...) Oui, la République est une chose fragile. Le cours naturel du monde nous incline à l'individualisme, au repli sur nous-mêmes et sur nos communautés. Oubliez la République: vous aurez gagné des tribus, vous aurez perdu des citoyens! La République demande à chacun d'entre nous de se surpasser. Elle nous demande de mettre de côté nos origines, nos appartenances."
3) Sur les 35 heures, Hervé Morin a coupé l'herbe sous le pied des UMP Jean-François Copé, Hervé Novelli et Gérard Longuet en proposant fortement, le premier, un nouveau partage des compétences entre la loi et la négociation collective: aux représentants de la Nation la définition de "règles d'ordre public (durées maximales du travail, repos hebdomadaire...)"; aux partenaires sociaux la définition "des conditions et de la durée du travail". Objectif: en finir avec un "droit du travail général et absolu". Il s'agit là de l'une des principales revendications du Medef dans le cadre de sa "refondation sociale".
[Un problème sur Hautetfort ne permet momentanément pas de commenter les notes; ma réponse au commentaire d'Authueil n'ayant pas été publiée, la voici:
Non, rien ne me/nous permet - sauf à lui intenter un procès d'intention - d'écrire qu'il s'agit d'un positionnement idéologique tactique et non des convictions de fond d'Hervé Morin.
Sur le positionnement du libéral de centre-droit Hervé Morin, début de réponse ici:
http://www.ipolitique.fr/archive/2010/09/21/herve-morin-c...
Avec toutes mes excuses aux éventuels commentateurs!]
10 commentaires
Dans les deux cas, il se positionne contre ses rivaux ! C'est purement tactique et on peut penser que Borloo aurait communautariste, Morin nous aurait sorti un couplet anti communautariste...
Quelles sont ses vrais convictions, indépendamment des autres et des positionnements tactiques ?
Vous écrivez : " [...] un nouveau partage des compétences entre la loi et la négociation collective: aux représentants de la Nation la définition de "règles d'ordre public [...] ; aux partenaires sociaux la définition "des conditions [...] du travail"
La frontière entre les deux est non seulement mince mais également difficile à positionner - comme souvent les frontières, par définition.
D'ailleurs l'ensemble du résultat (Règles d'ordre public + conditions de travail) se retrouvent dans le Code du travail, ou dans les conventions collectives (quand on quitte le champ "général", voire dans l'accord d'entreprise pour des conditions "locales").
Les gouvernements sont toujours prompts à intervenir au delà de la simple définition des "règles d'ordre public", ne serait-ce que pour exécuter leurs engagements politiques (typiquement, les 35h), voire pour palier les défauts de gestion des partenaires sociaux (et là je pense aux actions coercitives gouvernementales sur les retraites, les partenaires sociaux ne parvenant pas à gérer et pérenniser les caisses de retraites - ni aucune des caisses des régimes sociaux d'ailleurs).
L'important, c'est justement ce que vous avez remplacé par des crochets: "la durée du travail"; abroger toute durée légale du travail (39h, 35h, 32h ou que sais-je encore) afin de renvoyer aux partenaires sociaux une définition par branche ou par secteur de la durée du travail, c'est tout de même fondamental comme (r)évolution!
J'ai un peu de mal à comprendre le propos d'Hervé Morin sur le temps de travail :
-- la durée maximale ne relève-t-elle pas du Parlement européen ?
-- avec l'annualisation du temps de travail issu des 35 heures, les ajustements de la durée hebdomadaire ne sont-ils pas déjà encadrés par les conventions collectives voire les accords d'entreprise ?
-- le repos hebdomadaire n'est-il pas déjà encadré par branche dans les conventions collectives ?
Comme Emmanuel Valls, Hervé Morin ne ferait-il pas fausse route en cherchant à monter en épingle un sujet qui ne fait plus réellement débat, sauf quelques désordres ponctuels à régler ici ou là ?
-- sur la durée dite "légale", elle est déjà glissante avec l'annualisation dans de nombreux secteurs et n'a jamais empêché les heures supplémentaires, elles-même strictement encadrées dans les conventions collectives.
Bref, pour moi, il n'y a pas de sujet. Sauf peut-être l'impact des 35 heures sur la dégradation de certains services publics (les Hôpitaux, la Poste) mais là, en l'occurrence, c'est comme employeur que l'État est interpelé.
Vous avez raison de le souligner: les 35 heures recouvrent des réalités différentes. Et, dans certains cas, elles ont en effet permis d'annualiser le temps de travail (une vieille revendication du patronat).
Sur le "non-sujet", vous oubliez tout de même le coût des 35 heures (coût brut, car le coût net nécessiterait de déduire le coût virtuel des emplois qui n'auraient pas été créés sans les 35 heures). Et je maintiens que vouloir ou ne pas vouloir une durée légale du temps de travail relèvent de deux philosophies différentes.
Là, je sêche .. combien ont "couté" les 35 heures en 2010 ? Si vous avez des infos, je suis preneur. Il me semblait que seule la période transitoire avait "couté". Me trompé-je ?
C'est justement le sujet de ma note précédente, publiée le même jour! ;)
http://www.ipolitique.fr/archive/2011/01/05/cout-35-heures.html
Laurent de Boissieu > "je maintiens que vouloir ou ne pas vouloir une durée légale du temps de travail relèvent de deux philosophies différentes"
Je suis on ne peut plus d'accord ! J'ajouterais seulement à cette proposition le terme "commune" ou "générale" avant "légale". Parce que j'ai eu quelques fois l'occasion d'entendre l'opinion selon laquelle la loi devrait fixer une durée légale de temps de travail modulée par branches professionnelles (mesure qui serait, à mon avis, hautement difficile à mettre en place).
En fait, dans ce débat, ce qui fausse tout, c'est qu'on confond parfois "temps de travail" et "temps passé à travailler". Pour faire mon point d'histoire habituel, je me contenterais d'expliquer que la distinction entre ces deux notions date de la première industrialisation, durant le bas Moyen-Âge européen (environ 1300-1500 de notre ère). Le "temps de travail", conçu sur la base d'un accord préalable entre le travailleur urbain (ou agricole), était en fait la manière de fixer la rémunération sans remettre en cause la hiérarchie des métiers fixée par la hauteur du salaire. En d'autres termes, le salaire horaire de base (oui, la rémunération journalière avait une base horaire) restait à peu près fixe au sein d'un métier, l'employeur et le salarié se mettant d'accord sur une durée de travail (on appellerait ça un "temps d'astreinte", aujourd'hui), indépendamment du temps effectivement travaillé. Même si la seconde industrialisation a en partie cassé ce système en consacrant le contrôle de l'activité réelle dans l'entreprise et le salaire mensuel, ce vieux fond visant à fixer une durée légale de travail indépendamment de la durée réellement passée à travailler afin de permettre un "bénéfice" pour les travailleurs (une part de fruit à la plus-value, dirait un marxiste) n'a pas disparu.
A titre personnel, j'estime que sur le long terme, c'est bien la pensée économique médiéviste renforcée de la sensibilité égalitariste nationale qui a raison, et je m'inscrit totalement dans le camp de ceux qui veulent une durée commune légale du temps de travail.
VŒUX 2011 : PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP DE FRANCE ; « INDIGNEZ-VOUS » DE VOTRE SITUATION, NE RESTEZ PAS DANS LA RESIGNATION
Permettez-moi de vous présenter tous mes meilleurs vœux pour cette année 2011, qui j’espère sera moins noire que 2010.
Malheureusement, nos dirigeants songent bien plus à nous pénaliser et les organismes (exemple : la Halde) ainsi que les associations, sensés nous défendre, sont bien plus motivés pour préserver leurs structures même si cela doit se faire au détriment du respect de la dignité et des droits des personnes en situation de handicap (exemples : l’ARSla et l’APF).
Je me suis permis, pour vous présenter ces vœux, de reprendre les propos de Stéphane Hessel, personnalité que je viens de découvrir et pour qui je suis tombé en admiration en raison de la force du message de son manifeste « Indignez-vous » que je vous invite vivement à acheter.
Alors, chers amis, en situation de handicap, ou atteints d’une maladie invalidante, ne restez pas repliés sur vous-mêmes, ne vous résignez pas, vous êtes d’abord des hommes et des femmes comme tout le monde, exprimez-vous, déchainez les passions, car vos droits sont bafoués tous les jours, La France ne respecte pas la Convention de l’ONU, relative aux droits des personnes handicapées.
N’oubliez pas que les élections présidentielles et législatives approchent, les partis politiques et les candidats devront s’engager.
Gérard Doiteau
HANDICAP ET CITOYENNETE
http://etsinousaussi.typepad.fr/et_si_nous_aussi_les_pers
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