Le retour de l'UDF
28 septembre 2010
L'UDF n'est pas morte ! Pour le grand public, le parti créé par Valéry Giscard d'Estaing en 1978 a, certes, politiquement cédé la place en 2007 au Mouvement démocrate (MoDem) de François Bayrou. Mais, juridiquement, l'UDF bouge toujours.
Pour preuve : comme je l'ai révélé ce lundi dans La Croix, le bureau chargé de garantir et d'administrer "les intérêts juridiques, matériels, moraux, les idées et les valeurs de l'UDF" s'est secrètement réuni le 16 septembre dernier. Et aurait pris la décision de réanimer l'UDF.
Quelle est la situation juridique de l'UDF ?
L'UDF est "membre fondateur du MoDem", auquel elle a adhéré le 1er décembre 2007 "pour une période transitoire de trois ans". C'est-à-dire jusqu'au 1er décembre prochain.
Ce bureau comptait originellement 27 membres. Sept d'entre eux ont adhéré à un autre parti politique (un UMP-Parti radical, un Nouveau centre, cinq Alliance centriste), ce qui aurait du entraîner leur radiation de l'UDF (extrait des statuts : "L'appartenance à l'UDF est exclusive de toute adhésion à une autre formation politique au sens de l'Article 4 de la Constitution de la République. Tout manquement à la présente disposition entraîne la radiation automatique.")
Les membres de l'Alliance centriste siègent pourtant toujours au bureau de l'UDF, le parti de Jean Arthuis étant, d'après mes informations, discrètement devenu un mouvement associé de l'UDF (extrait des statuts : "Des Clubs ou Associations ayant pour objet l'organisation de débats publics ou l'expression de courants de pensées peuvent demander leur apparentement à l'UDF").
Pou résumer, les 25 membres du bureau actuel de l'UDF se répartissent selon mes décomptes personnels entre 17 à 19 MoDem (dont un en congés du parti : Michel Mercier, depuis son entrée au gouvernement), cinq Alliance centriste et un à trois sans étiquette.
Pourquoi réanimer l'UDF ?
L'idée d'une "maison commune" des centristes a été avancée dès 2008 par Jean Arthuis, puis reprise par Michel Mercier et plus récemment par François Bayrou. Toujours d'après mes informations, l'UDF (propriétaire du siège du MoDem) pourrait alors changer de nom et revivre publiquement en tant que structure dont aussi bien le MoDem que l'Alliance centriste seraient des composantes.
Est-ce un retour de François Bayrou à droite ?
Certains de mes confrères ont parlé de "recentrage" (en pensant "redroitage") de François Bayrou. C'est vrai dans le sens où, aujourd'hui, c'est davantage avec certains de ses anciens amis de l'UDF (Jean Arthuis, Nicolas Perruchot) qu'avec les dirigeants du PS idéologiquement compatibles que l'ancien candidat à l'élection présidentielle dialogue. Mais c'est faux dans le sens où François Bayrou n'est pas retourné à droite.
C'est même au contraire Jean Arthuis qui s'est recentré. Présent à l'université de rentrée du MoDem, le fondateur de l'Alliance centriste fait partie des ex-UDF qui étaient restés à droite sans toutefois vouloir adhérer au Nouveau centre d'Hervé Morin et de François Sauvadet. Or, Jean Arthuis a verbalement rallié la ligne centriste de François Bayrou dans la perspective de la prochaine élection présidentielle ("Si le candidat du centre n'est pas qualifié au second tour de la présidentielle, il doit chercher à conclure une alliance de gouvernement aussi bien avec le candidat de la droite qu'avec celui de la gauche", déclarait-il dans La Croix le 21 septembre dernier).
Il me semble certain que François Bayrou ne variera pas de son positionnement centriste jusqu'à l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle (j'entrevois par exemple des alliances à géométrie variable aux cantonales, comme aux municipales de 2008). Même si, pour ce moment politiquement décisif, le président du MoDem exclut d'emblée de reconduire son refus d'alliance avec la gauche comme avec la droite. "J'ai mis un point final à cette interrogation", expliquait-il en aparté à l'université de rentrée du MoDem en précisant que, s'il n'est encore une fois pas lui-même qualifié au second tour en 2012, il apportera "une autre réponse qu'en 2007". En clair : il s'alliera avec le candidat de la gauche ou le candidat de la droite.
Son livre Abus de pouvoir, publié en 2009, ferme toutefois a priori toute possibilité d'alliance d'entre les deux tours avec Nicolas Sarkozy. Sauf à imaginer un scénario à la britannique, où les "libéraux démocrates" de Nick Clegg se sont finalement alliés, contre toute attente, au Parti conservateur de David Cameron.
15 commentaires
merci pour cet éclairage : j'avais noté avec étonnement la disparition du terme "démocrate" du discours de clôture de F Bayrou le 26 septembre 2010, élément de langage distinctif de l'identité revendiquée du MoDem lors de sa création, et le retour de celui de "centre"...
F Bayrou qui, pour reprendre sa formule, "n'aime pas le mot "centriste" dans centriste, il y a triste", serait-il en train de reconsidérer sa stratégie ou plutôt ses objectifs?
Que de souvenirs !
Nous étions à la fondation du Mouvement Démocrate et un jour avant à la journée de l'UDF.
Nous avons toujours notre carte UDF en même temps que celle du MoDem. Je suis heureuse de voir les chiffres de répartition (donc Michel Mercier doit se libérer du gouvernement avant.. mais comment sera-t-il crédible ? )
François Bayrou nous a dit à la création du MoDem "Citoyens Démocrates, bonjour..." que va-t-il nous dire maintenant si cela se fait ? Un Mouvement est fait pour évoluer, c'est pas si mal en fait.
Merci Laurent d'avoir mis le lien de ton article sur Twitter.
Le romantisme de M. Bayrou sait se faire discret lorsque l'avenir politique de son parti et/ou de sa personne se fait moins certain qu'auparavant, ce qui peut se comprendre. Il sait qu'il a séduit au moins la moitié de son électorat de 2007 avec son positionnement "ni droite ni gauche", aussi ne peut-il pas (et probablement ne veut-il pas) s'arrimer durablement à l'un ou l'autre camp comme c'était le cas de l'UDF.
Aussi ne lui reste-t-il que deux positions tactiques, toutes deux "centristes" :
- l'extrême-centre (ou "centre pilier", si M. de Boissieu a adopté la formule), qui consiste à affirmer une "troisième voie non pas "entre" droite et gauche mais "autre" que droite et gauche" et donc logiquement à refuser toute alliance avec l'un ou l'autre camp, même ponctuelle et/ou circonstancielle*,
- le centre pivot, qui peut être indépendant au premier tour et peut conclure des alliances à géométrie variable au second tour (voire dès le premier, si la situation se présente vraiment mal),
avec en ligne de mire l'espoir de renverser la situation en imposant un "bloc du centre" équivalent aux "bloc de gauche" et "bloc de droite"**.
La première position tactique est, des deux, la "romantique". Elle donne une impression d'intransigeance (peu commune dans la famille démocrate-chrétienne, sujette au culte du consensus) et de refus de la compromission qui a quelque chose d'une chevauchée solitaire... et a bien failli se finir ainsi, en effet. Avec quatre échecs électoraux successifs***, le MoDem doit mettre de l'eau dans son vin.
Mais on peut souligner qu'outre un parfum très "parti-radical-sous-la-quatrième" qui risque d'éloigner bon nombre de jeunes électeurs, chez lesquels François Bayrou a réalisé en 2007 un score plus honorable que chez d'autres générations, cette stratégie de l'alliance à géométrie variable avait déjà été adoptée pour les élections municipales, avec un succès mitigé. Ceci-dit, elle semble toujours plus efficace que la tactique de la "charge du cavalier solitaire" (le brave Jean Lassale, terrassé avec panache) des dernières élections régionales, même si le contexte était différent (présence d'Europe Écologie et retour du vote protestataire chez le FN).
* : position très difficile à tenir dans un mode de scrutin à deux tours avec deux candidats au maximum au second tour - probablement est-ce pour cette raison qu'il avait émit un temps l'idée de modifier la Constitution pour y permettre la présence d'un troisième larron au second tour...
** : à ma connaissance, un jeu tripartite serait une première mondiale : il me semble qu'une force politique nouvelle qui s'impose l'a jusqu'à présent toujours fait au détriment de l'une des deux autres en présence (comme le Labour s'est imposé face au Whig au Royaume-Uni)
*** : 4 députés aux législatives pour 7,61% des suffrages, 3 mairies de plus de 30 000 habitants et Pau, fief du chef, perdues aux municipales, une quatrième place à moins de 10% aux européennes et une branlée sous les 5% aux régionales, avec une seule région à plus de 10% et seulement 3 entre 5% et 10% (données tirées de wikipéd... non, je blague, du site france-politique.fr, bien sûr)
Même en sommeil, l'Union pour la démocratie française porte encore assez bien son nom.
Dans une telle hypothèse de rassemblement reconfiguré, sans les "centristes" de l'UMP, pourquoi l'UDF devrait-elle changer de nom ?
Je vois au moins une raison objective : l'UDF n'était pas au centre mais à droite (en ce sens, le véritable successeur de l'UDF c'est le Nouveau centre et non le MoDem); reprendre le nom UDF, ce serait donc symboliquement retourner à droite (et perdre les MoDem venus de la gauche; cf. la fin de mon papier dans La Croix daté du 27 septembre).
Le positionnement historique de l'UDF était incontestablement au centre droit, jusqu'au Congrès de Lyon en tout cas - janvier 2006. Mais la réalité juridique ne prime-t-elle pas ? Et puis, les anciens UDF qui ont rejoint l'UMP ont eux-même contribué, par leur mouvement, à recentrer l'UDF, avant même la formation du MoDem. Cela dit il est certain que symboliquement, le retour du sigle UDF donnerait une image vieillotte, plus que droitière à mon sens. À éviter, j'en conviens.
La question du recentrage me semble tout de même un peu théorique. Quelque soit la configuration partisane, on est selon moi de plain pied dans le système bipolaire qui fonde la Ve République.
D'un côté Bayrou se dit au centre, mais comme vous le relevez a mis à la fois de côté l'idée d'un centre en capacité de s'imposer à lui seul en se substituant à l'une des composantes du duo-pôle UMP/PS ; et de l'autre côté, il rejette a priori la possibilité de s'allier avec l'UMP... Bayrou est tactiquement au centre, mais de facto dans le camp de l'opposition de gauche.
De l'autre Arthuis se dit au centre, mais a déjà démontré qu'il s'en désolidariserait si le centre ne se positionnait pas au centre-droit. Arthuis est donc au centre par le verbe et à droite dans ses actes.
Que l'UDF ressuscite au centre en regroupant ces deux tendances aux inclinations contraires est possible, mais au second tour de la présidentielle, je ne vois pas, comme en 2007, ce qui la garantirait d'une nouvelle scission entre ceux qui souhaiteront s'allier avec l'un des camps et ceux qui refuseront cette alliance ou souhaiteront carrément s'allier à l'autre.
Le parti radical a d'ailleurs déjà fait depuis longtemps la démonstration qu'un tel attelage ne pouvait faire long feu.
Sur Bayrou "de facto dans le camp de l'opposition de gauche", c'est le débat que j'ai à chaque fois avec JC Lagarde (qui pense comme vous); mais je ne suis pas d'accord et je parie que les élections cantonales seront l'occasion pour le MoDem de renouer des alliances à géométrie variable selon les départements (comme aux municipales de 2008; par exemple avec l'UMP en Gironde et avec le PS en Côte d'Or).
Vous avez en revanche parfaitement raison pour la suite : si François Bayrou échoue encore en 2012 à accéder au second tour de la présidentielle, le MoDem éclate entre les deux tours (retour à la bipolarisation absolue). Le "deal" avec l'UDF c'est en quelque sorte "laissez moi une dernière fois tenter de briser la bipolarisation; si j'échoue, je vous redonne les clefs de l'UDF" ...à droite (ou au centre droit si vous préférez).
(quant à J Arthuis, je pense que vous avez noté mon "verbalement"...).
D'accord pour nuancer l'arrimage de Bayrou à l'opposition de gauche. Mais les alliances locales à géométrie variable restent assez anecdotiques. D'autant qu'à l'inverse, le schéma appliqué aux régionales (tout comme la positionnement qui est celui des élus MoDem au Parlement européen), confirment au contraire une stratégie n'ouvrant de possibilité d'alliance qu'avec la gauche. Encore faut-il que le PS, coincé entre EE et le FG y trouve un intérêt.
La posture "kayakiste" des municipales de 2008 me semble assez peu d'actualité. Et si elle était renouvelée aux cantonales, ce qui, nous sommes d'accord, est très probable, elle n'aura pas la même dimension politique. Le MoDem n'a plus les forces d'être au coeur de ce scrutin. De plus, les cantonales ont toujours donnée lieu à des alliances de "troisième tour" assez fantaisistes. Comme cet élu MoDem qui a rejoint la majorité UMP-NC en Côte-d'Or contre l'obtention d'une vice-présidence...
Après, sur le deal, je vous suis totalement. Reste à savoir si Bayrou parviendra à convaincre beaucoup d'élus centristes qu'il peuvent trouver un intérêt dans cette ultime tentative de casser le système.
Seul un Sénat qui basculerait à gauche avec une majorité relative impliquant un soutien des centristes serait en mesure de rebattre suffisamment les cartes pour venir nourrir le deal.
Merci pour l'info sur le réveil du bureau provisoire de l'UDF. Je m'inquiétais, voyant venir la fin des 3 ans, du risque que personne ne prenne l'initiative et qu'on se retrouve en apesanteur juridique...
Concernant la phrase de Jean Arthuis, c'est certes une parole verbale, mais elle a un très grand poids. Car elle ferme tout une période (l'après-régionales) pendant laquelle, comme vous l'écrivez, le mot "recentrage" était en fait une accusation de "redroitage".
Jean Arthuis met les points sur les i en disant dans le même souffle que François Bayrou est au centre et qu'il doit pouvoir s'allier avec la gauche ou avec la droite.
L'exemple des LibDems est très juste. On peut avoir des préférences, mais ce sont les électeurs qui élisent, pas les candidats ! Nous faisons campagne (et dès les cantonales ;-) ) pour ce que nous proposons, pour nos candidats, pour le changement.
Et si (six fois hélas) nous échouons, il sera bien temps de voir si l'une des alternatives en place est un peu moins pire que l'autre.
Mais au moins, contrairement aux écologistes qui annoncent déjà leur échec, nous aurons essayé.
@ LdB
Vous écrivez :
"Toujours d'après mes informations, l'UDF (propriétaire du siège du MoDem)"
D'après mes informations qui divergeraient des vôtres, la situation aurait connu une notable évolution. Avez-vous connaissance de "l'association des amis du centre démocrate" (présidée par le sénateur Pozzo Di Borgo) qui serait désormais propriétaire des part de la SCI ?
Détails en mp, si vous le souhaitez.
@Thierry P.: j'ai pensé à vous en écrivant cela! Je vous envois ce WE un message car je crois savoir d'où vient notre "divergence"...
BRAVO pour le scoop, Laurent !
Pour ceux qui s'étonneraient d'un "retour à droite" de Bayrou (d'ailleurs démenti ici), je rappelerais qu'il n'est pas plus actuellement "à gauche" aujourd'hui qu'il ne serait (éventuellement) "à droite" demain. Pour tenter de faire revivre un véritable centre en France, il est condamné au jeu d'équilibre et de bascule régulière entre la gauche et la droite, avec un tropisme actuel mais TEMPORAIRE a gauche (car l'UMP hégémonique semble se suffire à lui-même à droite, pour des raisons de personnes et, surtout, pour faire oublier les 40 ans d'ancrage du centre à droite).
Désolé de troubler ce chorus autour de l'UDF mais pour moi l'UDF comme le MODEM sont bien des partis de droite !
Le débat sur la position centriste du MODEM n'a pas lieu d'être aujourd'hui car François Bayrou et son parti se trouvent coincés entre un PS dont le centre de gravité a clairement dérivé vers la sociale-démocratie voire le social-libéralisme et une UMP qui, elle, est LA force de droite.
Il n'ya donc plus qu'un papier à cigarette d'espace entre l'aile droite du PS (DSK : directeur du FMI, pilier du capitalisme et du libéralisme) et l'aile "sociale" de l'UMP.
Cet absence d'espace politique pour le MODEM explique pour moi l'échec de sa stratégie de troisième force. Le Nouveau Centre n'étant là que pour contrer le MODEM et rabattre vers l'UMP une partie de l'électorat de la droite "modérée".
Si le centre a jamais eu un sens politique, c'était plutôt à l'époque où la gauche et la droite étaient clairement séparées entre une gauche qui voulait réformer (ou révolutionner) le capitalisme pour modifier les rapports de force sociaux (nationalisations, congés payées, durée du temps de travail,...) et une droite qui souhaitait conserver ou libéraliser le modèle social français.
Et même à cette époque (avant 1983 ?), on pourrait discuter de cette notion de centre !
Par contre, avec la dérive actuelle de l'UMP vers l'extrême-droite, il se libère un espace pour une droite républicaine et démocrate. D'où le rapprochement tactique entre courants de l'ex-UDF ?
Solidaire27 > En fait, on en revient toujours aux deux gros problèmes du centre :
- l'absence d'homogénéité idéologique et/ou de suprématie d'un courant idéologique sur la totalité de cet espace de la géographie politique française
- la confusion (parfois entretenue) de la notion de "centre" : est-ce un espace intermédiaire entre gauche et droite ou un espace alternatif à la gauche et à la droite ?
Si on suit le raisonnement de M. Bayrou (un centre libéral, social et "démocrate" conçu comme alternative à la droite et à la gauche), le MoDem dispose d'un boulevard (que j'évalue personnellement à environ 15% des suffrages) entre PS et UMP. Mais cette conception est loin d'être partagée, aussi bien par les acteurs que les commentateurs de la vie politique nationale, y compris au centre et même au MoDem.
Si en revanche on considère que le centre est la "passerelle" entre la gauche et la droite, il y a effectivement aujourd'hui relativement peu d'espace disponible entre l'aile sociale-libérale du PS et l'aile démocrate-chrétienne de l'UMP (sans même parler du NC qui grignote une partie de l'espace disponible).
Les commentaires sont fermés.