Des sondages sur les catholiques
30 août 2010
La Croix a publié la semaine dernière un sondage sur l'opinion des catholiques en ce qui concerne, d'une part les expulsions de Roms en situation irrégulière, d'autre part la légitimité de la prise de position de l'Église catholique.
Ce blog étant totalement indépendant, ce billet, comme tous les autres, n'engage bien entendu que moi et aucunement mon journal. Mais je tiens à réagir à titre personnel aux billets de Koz et de Bernard Lecomte (ancien de La Croix) mettant en cause ce sondage.
1) En ce qui concerne la représentativité de l'échantillon
Même si ce sujet ne m'est pas totalement étranger, un journaliste doit bien à un moment faire confiance aux hommes de l'art lorsqu'il publie des données. Les instituts de sondage signalent d'ailleurs toujours d'un astérisque lorsqu'"en raison de la faiblesse des effectifs, les résultats sont à interpréter avec prudence". Or, dans ce sondage, la seule catégorie ainsi signalée est celle des "musulmans" : nous n'avons donc aucune raison de ne pas faire confiance à l'institut CSA sur la fiabilité des autres résultats.
2) En ce qui concerne la population catholique
Les sondeurs ne sondent ni les reins ni les cœurs, et la population catholique est forcément déclarative (comme toutes les autres variables, de l'âge à la profession en passant par la proximité partisane).
D'où l'intérêt du groupe des catholiques pratiquants (appartenance religieuse) par rapport au groupe des catholiques non pratiquants (sentiment d'appartenance culturelle). Si l'on ne regarde que le groupe des catholiques pratiquants réguliers (en quelque sorte les "vrais" cathos au sens religieux), les résultats du sondage ne sont plus exactement les mêmes :
39% des catholiques pratiquants réguliers opposés aux expulsions – c'est toujours moins que l'ensemble des Français (42%) - effet âge -, mais c'est plus que les catholiques non pratiquants (34%) 56% des catholiques pratiquants réguliers estiment que l'Église est dans son rôle – c'est cette fois beaucoup plus que l’ensemble des Français (40%) et que les catholiques non pratiquants (33%) 40% des catholiques pratiquants réguliers estiment que l'Église n'est pas dans son rôle – beaucoup moins que l'ensemble des Français (53%) et que les catholiques non pratiquants (61%) Que remarque-t-on ? Que l'opinion des catholiques pratiquants est plus proche de celle de l'ensemble des Français que de celle des catholiques non pratiquants. Pour avoir étudié plusieurs sondages électoraux autour de la variable religieuse, j'ai souvent remarqué ce phénomène. Dans un récent papier sur la popularité (en baisse) de Nicolas Sarkozy dans les milieux catholiques, je n'avais ainsi délibérément retenu dans mon analyse que la catégorie des catholiques pratiquants. Mon intuition serait que le sentiment d'appartenance culturelle au catholicisme appartient à la panoplie de l'homme de droite voire très à droite, ce qui "fausse" les résultats par rapport aux catholiques religieusement parlant (les seuls catholiques au sens de Bernard Lecomte et Koz).
6 commentaires
OK, Laurent, mais qu'est-ce que 39 % ou 56 % des "catholiques pratiquants réguliers" quand ce sondage (un petit millier de sondés aléatoires selon la méthode des quotas) n'en a questionné qu'environ... 80 ?
Sans rancune !
Bernard Lecomte
Et quid de la pertinence des questions du sondage? Comme en témoigne la réaction du Mgr Vingt-Trois (http://www.radionotredame.net/blogs/lentretien_du_cardinal_andre_vingt_trois) : il ne s'est pas senti concerné par la question de savoir si l'Eglise était dans son rôle en critiquant la politique du gouvernement, car, dit-il, il n'a pas critiqué la politique du gouvernement...
@Bernard Lecomte. Certes, mais je ne vois pas au nom de quoi je saurais mieux qu'un sondeur si tel ou tel résultat est fiable ou non...
Bien cordialement !
@Clémence : j'avais déjà écouté cette réaction :)
Tu poses là deux grandes questions.
1) La question posée par les sondeurs joue effectivement beaucoup dans les réponses; si l'on demande "êtes-vous favorable au démantèlement des squats illégaux de Roms qui violent le droit de propriété privée et à la reconduite dans leur pays d'origine des Roms qui sont en situation irrégulière?", la réponse ne sera bien entendu pas la même que si l'on demande "êtes-vous favorable au démantèlement des lieux de vie précaires des Roms et à l'expulsion des hommes, femmes et enfants roms en Roumanie où ils sont victimes de racisme et de discriminations?"...
2) Ce que Mgr Vingt-Trois dit est littéralement vrai mais ne correspond pas au bruit médiatique : le fait est que les gens ont bel et bien reçu comme message que l'Église avait "critiqué la politique du gouvernement en matière de sécurité et notamment sa politique à l'égard des Roms". Plus on monte dans la hiérarchie de l'Église catholique moins il s'agit de critiquer et plus il s'agit de rappeler le message chrétien, mais la politique du gouvernement a bel et bien été critiquée par des clercs et des chrétiens engagés.
À bientôt !
En fait, cette histoire des sondages sur les catholiques se pose avec à peu près la même acuité pour tous les sondages, non ?
Pour ma part, j'aurais tendance à accorder crédit à cette étude. Après tout, comme l'a écrit avec facétie M. Mélenchon sur son blog : La Croix, "c’est en quelque sorte parole d’évangile".
De toutes manières, je préfère tant qu'à faire compléter les sondages par des analyses sociologiques, afin d'obtenir des résultats plus clairs.
PS :
Lors de la seule fois où j'ai été interrogé lors d'un sondage, on m'a demandé si j'étais catholique... Étant donné que, bien que n'ayant jamais pratiqué (pas de catéchisme, pas de messe, aucun sacrement autre que le baptême) et n'étant pas non plus croyant, je suis mentionné sur les registres paroissiaux car baptisé à 7 jours (il paraît que c'est la coutume), j'ai répondu que je l'étais, mais je me demande si en fait j'ai bien fait...
@Brath-z: moi c'est l'inverse; je suis chrétien, mais ne croyant pas à tous les dogmes de l'Église catholique je trouve plus honnête de ne pas me dire catholique...
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