Ouverture ?
23 février 2010
J'ai déjà abordé ce sujet. Mais j'y reviens rapidement car cela m'agace d'entendre parler d'ouverture au sujet de la nomination de Didier Migaud, actuel président PS de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, au poste de premier président de la Cour des comptes.
L'ouverture, c'est ouvrir sa majorité politique en intégrant une personnalité issue d'un parti de l'opposition dans son gouvernement ou sur une liste électorale.
L'ouverture, en revanche, ce n'est pas nommer une personnalité de l'opposition à la tête d'une juridiction financière ou d'une commission de réflexion. Ce qui s'appelle simplement placer l'intérêt général au-dessus des clivages partisans.
Bien entendu, le but de Nicolas Sarkozy est d'enfoncer un coin dans le PS et de communiquer sur la poursuite de l'ouverture. Mais nul n'est obligé de s'abstenir de réfléchir en validant tête baissée la communication élyséenne.
10 commentaires
Je suis d'accord avec vous pour signifier que l' "ouverture" au sens sarkozyste du terme c'est l'intégration par la majorité d'une personnalité issue d'un parti (ou d'une mouvance) de l'opposition (ou, en tous cas, de la "non-majorité") dans un gouvernement, une liste, un groupe parlementaire de la majorité et qu'en conséquence parler d'ouverture pour Didier Migaud est tout aussi stupide que de qualifier d'ouverture la participation d'un député PS à une mission parlementaire présidée par un UMP.
Néanmoins, l'ouverture (politique), sans les guillemets, c'est-à-dire au sens prééxistant à la présidence de Nicolas Sarkozy, il me semble que c'est lié intimement à la notion d'inflexion des idées, voire d'élargissement de la majorité politique par le compromis. Lire ou relire à ce sujet l'une des premières notes de ce blog consacrée à ce sujet : http://elucubrations.de.brath-z.over-blog.com/article-35587845.html
Sur l'ouverture. J'ai écrit tout l'inverse ! L'ouverture au sens de Nicolas Sarkozy, c'est toute nomination concernant un membre de l'opposition. Alors que l'ouverture au sens politique, c'est uniquement intégrer un membre de l'opposition dans sa majorité, c'est-à-dire soit au gouvernement soit en tant que candidat à une élection. Nommer une personnalité de l'opposition à une haute fonction de la République ou dans une commission de réflexion, ce n'est pas de l'ouverture.
Sur les idées. Effectivement : Bernard Kouchner par exemple aux Affaires étrangères, c'était de la vraie ouverture politique. Mais de la fausse ouverture idéologique vu que, notamment sur les questions liées à ce portefeuille ministériel, Bernard Kouchner est plus proche de Nicolas Sarkozy que Nicolas Sarkozy ne l'était de Jacques Chirac. J'ai prévu demain une petite note proche de cette idée...
Je vois. Désolé de vous avoir attribué une autre distinction que la votre.
Manifestement, si nous sommes d'accord pour dire que l'ouverture ne consiste pas à la nomination d'une personnalité de l'opposition à une haute fonction de la République ou dans une commission de réflexion, nous ne sommes pas d'accord sur ce que recouvre le sens du terme "ouverture". A mon sens, l'ouverture qui consiste au simple débauchage de personnes (pas nécessairement de la scène politique, d'ailleurs) de l'opposition sans inflexion de la ligne politique, c'est l'ouverture sarkozyste, et ce n'est pas l'ouverture au sens donné sous Mitterrand, à une époque ou, en sus de l'intégration de personnalités d'opposition au gouvernement s'ajoutait la dimension d'une inflexion de la politique et même du discours. Là-dessus, je partage la dénonciation de la "fausse ouverture" que faisait François Bayrou en 2007.
Sur le sujet de l'ouverture sarkozyste :
J'avais l'impression jusqu'à présent que la qualification d'"ouverture" pour des nominations de personnalités d'opposition relevait plus de la bourde journalistique (subtilement orientée - comme à l'habitude ;p - via Frédéric Lefevbre dans l'intérêt évident de Nicolas Sarkozy et de l'UMP, il est vrai), mais il est vrai que Éric Besson a salué la nomination de Didier Migaud comme un signe d'ouverture, alors qu'il me semble que jusqu'à présent, c'était là une tache dévolue, dans la stratégie de communication gouvernementale, aux journalistes. Par exemple, lorsque Michel Rocard avait été membre d'une commission sur le métier d'enseignant, il me semble que personne au gouvernement ni même à l'UMP n'avait à l'époque parlé d'ouverture, alors que j'avais pu entendre ou lire de telles choses sur Canal+, France 2 et TF1, et dans Libération (une question : "alors, vous aussi, vous avez cédé aux sirènes de l'ouverture ?" ou quelque chose d'approchant), Le Figaro et Le Point.
Alors peut-être le "sens sarkozyste" du mot "ouverture" a-t-il rejoint son sens médiatique.
Malheureusement, c'est plutôt le sens sarkozyste de l'ouverture qui a été intériorisé par ceux de mes confrères que j'appelle les journalistes-perroquets (c'est-à-dire les journalistes politiques qui pensent qu'ils sont là pour répéter et non pour analyser ce que disent les hommes politiques). Bref, je vois d'avance certains journaux titrer demain sur Nicolas Sarkozy et l'ouverture au sujet de la nomination de Didier Migaud...
"Journalistes-perroquets" ! Quelle bonne formulation que voila ! J'employais souvent à l'envie l'expression "journaliste cire-pompe" dans ce sens, mais il est vrai qu'on peut être cire-pompe sans être perroquet et inversement (le journaliste-perroquet, comme vous le dites, pense que son métier consiste à répéter).
Ceci-dit, pour revenir à la querelle de définition, j'ai l'impression que jamais auparavant la confusion quant au sens des mots n'avait été aussi grande. On peut se demander si cela est volontaire ou non*.
* : Dans le passé, de telles confusions ont été volontairement organisées, voir par exemple les glissements sémantiques mis en œuvre sur le conseil de Bentham. "Grâce" à lui, la "république" a servi à qualifier uniquement un type d'institution (et plus le "bien commun" ni le "bon gouvernement"), la "cosmopolitique" des révolutionnaires anglais de 1641-49 et français de 1789-95 s'est transformée en un "internationalisme" bien moins révolutionnaire (tandis que "cosmopolite" prenait, lui, un sens infamant), les "associations" et "organisations" ouvrières se sont changées en "syndicats" (à l'époque, le mot "syndicat" est apparemment assez mal vu, ce glissement-là est signalé par Marx dans Misère de la philosophie), etc.
Bonjour Laurent,
Pas d'accord sur ta définition de l'ouverture. Le poste de premier président (pourquoi dis-tu vice-président?) d'un telle institution donne un pouvoir réel, plus que celui d'une commission à durée limitée dont le rapport peut aller au placard sans dommage. Le contraire de l'ouverture c'est le sectarisme. Nommer Migaud à la présidence de la commission des finances c'était déjà de l'ouverture. Sarkozy aurait pu choisir un UMP plus accommodant mais il a comme tu dis le "sens bien compris de l'intérêt national". Daniel C.B. a fait lui aussi preuve d'ouverture en obligeant les Vert a faire liste commune avec des personnalité aussi diverses que Bové ou Eva Joly. Ne réduis pas l'ouverture à un trou de serrure...
Renaud Artru > Même si ce message est adressé à M. de Boissieu, je vais me permettre une remarque : il me semble que dans cette note il n'est pas question d'ouverture d'esprit (par opposition à sectarisme) mais de cet objet politique très particulier que l'on nomme "ouverture". Si on emploie les mêmes termes en politique que dans la vie de tous les jours, le sens n'en est pas souvent le même.
Bien évidemment, la connotation éminemment positive associée au mot "ouverture" par opposition à "sectarisme" ou "dogmatisme" fait partie d'une vaste stratégie de communication (qui avait été utilisée entre 1988 et 1993 : lorsque Georges Marchais parlait des "accointances du gouvernement socialiste avec la droite", François Mitterrand arguait qu'il s'agissait d' "ouverture"... au sens politique, mais aussi au sens d'ouverture d'esprit, ce qui passait bien mieux !).
Il me semble que M. de Boissieu mêle encore moins étroitement que moi les différents domaines de réflexion, puisqu'il insiste pour différencier l' "ouverture" au sens de la méthode de gouvernement (j'ai failli taper "de la stratégie de gouvernement", mais je me suis retenu... ah ben non, en fait) et l' "ouverture" au sens de l'inflexion des idées, lorsque je les associe (voir notre échange plus haut).
Bonsoir Renaud,
Merci pour ta lecture vigilante : je ne sais pas non plus pourquoi j'ai écrit "vice-président" ! Je corrige de suite...
Je ne réduis pas l'ouverture "à un trou de serrure", mais je dis simplement que faire preuve d'ouverture en nommant des membres de l'opposition à de hautes fonctions ce n'est pas ce qu'en politique on appelle l'ouverture. En politique, l'ouverture c'est très précisément le fait d'élargir sa majorité à des personnalités issues de l'opposition (Mitterrand-Rocard en 1988, Sarkozy-Fillon en 2007). Or ni Rocard, ni DSK ni Migaud n'ont rallié la majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy. Bref, ce ne sont pas des personnalités d'ouverture !
Bonjour au Dauphiné !
De petites réactions :
1) Sur le fond : Laurent, je reconnais bien sûr comme toi que les nominations évoquées ne sont pas du tout une ouverture de la majorité et encore moins une ouverture idéologique. Mais j'irai quand même plus loin que toi dans la qualification de cette politique. Le fait de nommer à des fonctions importantes/en vue des personnalités de l'opposition - et quelles que soient les arrières-pensées politiciennes évidentes - est relativement nouveau dans la vie politique à une telle échelle (on trouverait tjs des exemples dans le passé, mais moins systématiques). On ne peut négliger ce phénomène d'"ouverture des nominations".
2) Celà peut faire école et introduire une nouvelle pratique dans la vie politique française, distinguant mieux les fonctions neutres au-dessus des partis et les fonctions partisanes. Ce serait évidemment un progrès "à la scandinave", peut-être dans l'esprit des institutions de la Ve.
Mais il faut évidemment avoir conscience que celà peut aussi s'arrêter brutalement : Sarkozy bénéficie à la fois de :
- la cohésion de la majorité (pas de rivaux de la majorité à écarter en les nommant à des fonctions symboliques, pas trop d'impatience des lieutenant à obtenir des postes..),
- de la puissance de la majorité (pas d'amis à recaser vite dans la perspective d'un changement imminent de majorité),
- de la faiblesse et du manque de cohésion de l'opposition (faute de perspectives immédiate, de ligne directrice et de "leadership" (comment traduire, Laurent ?) clairs, les personnalités de gauche acceptent des postes proposés.
Une situation moins favorable pour l'UMP pourrait le conduire à abandonner cette stratégie et revenir à la pratique antérieure.
3) Un détail concernant les journalistes, un sujet que je connais aussi un peu. Brath-z est trop dur :
- Peu de journalistes sont vraiment "cireurs de pompes" même si des connivences peuvent finir par naître entre personnes (on est fait de chair et de sang, de tripes ; on peut finir par apprécier et trop bien comprendre ceux qu'on voit régulièrement).
- L'expression de Laurent ("journalistes-perroquet") correspond axactement à une dérive en cours du métier : c'est infiniment plus par manque de temps et de moyens (les rédactions se paupérisent, les effectifs se réduisent, les embauches aux rédactions web notamment sont faites avec des jeunes mal payés et souvent peu formés) et à cause de la pression exercée par Internet (privilégier la réaction rapide et le texte court) que les journalistes finissent par répéter/résumer les communiqués de presse et les dépêches AFP au détriment de l'analyse, de la profondeur de connaissance du sujet, du recul, de la mise en perspective, de l'enquête, etc. Le journaliste devient perroquet sans vraiment le vouloir, sans en avoir conscience ou même en le regrettant mais sans pouvoir véritablement s'y opposer (faute de temps).
C'est une tendance très préoccupante pour l'avenir de l'information et de la conscience (pas seulement politique) des citoyens.
Libéral européen > Il est vrai que mon expression "journalistes-cireurs de pompes" est dure, mais comme je ne connais pas vraiment le milieu journalistique (je suis dans ce que l'on appelle "le monde universitaire") c'est parfois l'impression, en tant qu'étranger total au milieu, qui ressort de certains entretiens et analyses de journalistes politiques (je ne citerai pas de noms pour ne pas importuner M. de Boissieu).
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