Les Français ont une confiance sélective envers la politique
12 janvier 2010
"La démocratie représentative ne peut pas fonctionner sans confiance", a rappelé hier Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof), en présentant les premiers résultats d'un nouveau baromètre de confiance politique (1). Le constat semble sans appel : 67% des Français n'ont "confiance ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner le pays". La confiance pour son propre camp est toutefois davantage élevée à droite qu'à gauche : 66% des électeurs UMP ont confiance dans la droite, alors que seulement 49% des électeurs PS ont confiance dans la gauche. Dans leur ensemble, les électeurs de gauche ne sont que 33% à avoir confiance dans leur camp pour gouverner. Au total, il existe donc un "électorat en déshérence". Celui-là même que convoitent Europe Écologie ou le MoDem...
Dans le détail, les institutions locales sont les seules à échapper à la défiance : les Français accordent largement leur crédit aux échelons politiques municipal, départemental et régional, qu'il s'agisse des institutions en tant que telles ou de leurs élus. À l'inverse, les institutions nationales et internationales inspirent majoritairement de la défiance. Près de deux tiers des Français éprouvent ainsi de la défiance tant envers le président de la République actuel qu'envers l'institution présidentielle. "Ce n'est pas toute la politique qui est condamnée : il y a une déconnexion entre la scène politique locale et la scène politique nationale", souligne Pascal Perrineau. Il existe par ailleurs un décalage entre la défiance envers le gouvernement en tant qu'institution (68%) et celle envers le premier ministre actuel (58%). "Il y a un phénomène Fillon, qui conserve un capital de popularité intéressant malgré le contexte de crise", analyse le politologue.
Le baromètre a, en outre, mesuré l'image qu'inspire différentes organisations ou institutions. D'un côté, les Français ont confiance envers celles qui représentent l'État régalien et l'État providence : les hôpitaux (86% de confiance), l'école (83%), l'armée (75%), la police (71%), l'administration (63%), les grandes entreprises publiques et la justice (60%). De l'autre, ils n'ont pas confiance dans la plupart des structures de médiation traditionnelles : les partis politiques (76% de défiance), les médias (72%), les banques (63%), les grandes entreprises privées (55%) et les syndicats (52%). Seules s'en sortent les Églises (50% de confiance, 46% de défiance) et, surtout, les associations (71% de confiance).
Très riche, le baromètre déborde largement du cadre politique. "La crise n'a pas atteint le sentiment privé du bonheur", constate Pascal Perrineau face aux 91% de Français qui se disent "heureux". Mais, conséquences de la crise obligent, 55% des Français estiment qu'ils risquent de se retrouver au chômage dans les mois à venir. Enfin, 40% d'entre eux veulent "réformer en profondeur" le système capitaliste, et 51% le "réformer sur quelques points". Tandis que 55% demandent "que l'État contrôle et réglemente plus étroitement les entreprises", contre 41% qui veulent, au contraire, "que l'État leur fasse confiance et leur donne plus de liberté". Une question sur laquelle le clivage droite-gauche joue à plein.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 12/01/2010
(1) Enquête réalisée du 9 au 19 décembre par TNS Sofres pour le Cevipof, l'Institut Pierre-Mendès-France et Edelman auprès d'un échantillon représentatif de 1 502 personnes inscrites sur les listes électorales
2 commentaires
Voici le tableau exact d'une collectivité minée par les clientélismes à tous les niveaux.
Ainsi, les français se reconnaitraient dans les représentations élues localement; une des interprétations possibles seraient de dire qu'ils se reconnaissent facilement dans la main qui les fait manger.
Par contre, ils ont du mal à s'identifier au pouvoir national. Plus loin de moi, pas de compromission possible. Le pouvoir de l'état qui s'incarne au niveau de l'éducation, une faillite infernale !!! dans le maintien de l'ordre, on voit ce qu'il en est dans nos centres urbains, dans notre fiscalité, qui présente des aspects si décadents que l'on se demande si nos dirigeants sont maîtres de leurs sens (fiscalité sur le patrimoine, ...), dans notre justice, le principal acteur du scandale d'Outreau vient de recevoir une promotion, on croît rêver, !!!
Ils expriment une défiance constante envers les organes de pouvoir transnational. Ce qui met bien en exergue le sentiment de frilosité et de mal-être qui envahit notre pays et certains autres pays européens.
Avec une vie sociale animés par des syndicats issus directement du dix-neuvième siècle et des partis politiques qui ne représentent qu'une faible partie de la population.
Dramatique fracture qui fait fi des dictons de nos sages, Monsieur Rosanvallon qui met en avant le nécessaire discours conflictuel hors des périodes électives, Monsieur Attali qui propose aux politiques une voie de progrès utile, intelligente et efficace !!! Ils pensent les français, ils pensent juste mais reculent sans cesse devant les indispensables réformes de nos structures déclinantes.
Je pense que le Modem et EE jouent d'ailleurs un jeu dangereux en se faisant les chantres d'un poujadisme parfois ambigu.
Quand on voit que le Modem attaque plus Sarkozy que le PS, et qu'Europe Ecologie attaque plus le PS que Sarkozy, il y a de quoi se poser des questions sur les motivations réelles de ces mouvements qui se veulent "non-politiciens" (ou en tout cas en dehors du jeu gauche droite habituel)...
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