François Bayrou propose un "arc central" de la droite antisarkozyste à la gauche
07 décembre 2009
Les élections régionales des 14 et 21 mars 2010 constituent pour François Bayrou une étape majeure vers l'élection présidentielle. L'occasion pour lui de tester avant 2012 sa stratégie de rassemblement au second tour "de tous ceux qui veulent une autre orientation politique". Le président du MoDem a ainsi profité du congrès de son parti, ce week-end, à Arras, pour préciser les contours de l'"arc central" qui doit, selon lui, former le "socle de l'alternance" : de la gauche de gouvernement à la "droite sociale" en passant par les écologistes et le centre.
Cette proposition a immédiatement reçu le soutien de l'ancienne candidate du PS à l'élection présidentielle, Ségolène Royal. "Il a raison, il faut faire cet arc central", a expliqué la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes en se disant prête à "faire de sa région un laboratoire du rassemblement", proposant immédiatement "cinq places éligibles" de sa liste au MoDem (sur 54 places). Cette proposition d'alliance dès le premier tour rappelle celles déjà formulées par les présidents PS de région Jacques Auxiette (Pays de la Loire) et Jean-Jack Queyranne (Rhône-Alpes).
Sans surprise, François Bayrou a décliné "avec sympathie" ces "offres d'ouverture électorale" dès le premier tour, martelant : "Nous sommes décidés à défendre le pluralisme, la liberté de choix des électeurs, à porter des convictions qui ont une cohérence au premier tour des élections parce que le premier tour des élections, c'est le tour du pluralisme." Il n'empêche, dans la perspective du second tour, le dialogue entre le centre et la gauche est déjà avancé au sein d'un "rassemblement social, écologique et démocrate" réunissant des membres du MoDem (Marielle de Sarnez, Jean-Luc Bennahmias), du PS (Vincent Peillon, François Rebsamen), d'Europe Écologie (Daniel Cohn-Bendit), du PRG (Christiane Taubira) et du Mouvement unitaire progressiste (Robert Hue).
Si les choses bougent à gauche, François Bayrou ne parvient en revanche toujours pas à remplir les bancs de droite de son "parlement de l'alternance" avec des "Chaban d'aujourd'hui". Comprenez : des personnalités UMP non sarkozystes. "J'en connais individuellement", affirme le président du MoDem, tout en admettant pour l'instant un décalage "entre déclaration privée et déclaration publique". Dans l'entourage de François Bayou reviennent les noms de Dominique de Villepin, Alain Juppé ou François Baroin. Tant pis si Alain Juppé et Dominique de Villepin - contre le gouvernement duquel François Bayrou avait voté une motion de censure - n'ont pas forcément marqué l'opinion comme étant l'incarnation d'une "droite sociale" (1).
En définitive, c'est donc plutôt le député non inscrit Nicolas Dupont-Aignan (ex-UMP), fondateur du parti Debout la République, qui pourrait le mieux incarner cette mouvance. L'intéressé, dont le nom est également cité par les proches du président du MoDem, présente en effet plusieurs avantages. D'une part, Nicolas Dupont-Aignan connaît bien François Bayrou, puisqu'il fut membre de son cabinet au ministère de l'éducation nationale. D'autre part, ce gaulliste, qui partage des valeurs communes avec la gauche chevènementiste, a déjà voté à l'Assemblée nationale en compagnie de l'opposition contre la majorité. De quoi rassurer une opposition de gauche déjà divisée sur l'opportunité d'ouvrir le dialogue avec le centre...
Mais François Bayrou possède de bonnes raisons d'insister pour inclure une partie de la droite au sein de l'"arc central". Se contenter d'une alliance avec la gauche équivaudrait de fait au passage à gauche du MoDem, c'est-à-dire, dans un paysage politique bipolarisé, sa participation au jeu d'alliance du bloc de gauche. Tandis que former un "arc central", de la droite anti-sarkozyste à la gauche de gouvernement, rejoindrait l'idée qu'il défend depuis une quinzaine d'années : la création d'un "grand centre", du centre droite au centre gauche.
Quant à déterminer où se situera le "centre de gravité" idéologique de cet "arc central" d'alternance, ce sera aux électeurs de décider, justement au premier tour des élections. "Nous sommes les premiers à mettre sur la table un projet avec des propositions précises pour répondre à la question de l'alternance et pour dialoguer avec les autres formations de l'opposition", s'est félicité hier François Bayrou, après l'adoption, "à l'unanimité moins deux abstentions" (2), du "projet humaniste" du MoDem. Reste à voir si la partie de la gauche jusqu'à présent hostile à toute alliance avec le MoDem jugera ou non le "petit livre orange" compatible avec ses convictions.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 07/12/2009
(1) La liste est en outre longue des mesures du gouvernement Villepin incompatibles avec le programme du MoDem : ouverture du capital d'EDF, instauration du bouclier fiscal, etc.
11 commentaires
Bonne analyse.
Il me parait cependant pas illogique que les gaullistes, quelle que soit leur appartenance, ressentent un besoin profond de promouvoir un changement avec la politique actuelle du gouvernement qui n'a pour le coup rien de gaulliste...
Certaines personnalités de l'UMP devraient peut être se poser la question de l'origine de leur engagement.
Position cohérente de M. Bayrou, mais sa stratégie ne me semble pas compatible avec une éventuelle (le PS n'a toujours pas tranché, depuis maintenant 3 ans) stratégie de "gauche arc-en-ciel".
Nouvelle posture de la girouette du Béarn: je ne la vois pas avoir une meilleure fin que les 3 précédentes.
Bayrou ne s'était pas pris une gamelle aux régionales, élection qui manquait à son superbe palmares
François Bayrou n'a pas changé de stratégie ce week-end. Il défend en effet la même depuis l'après-municipales de 2008 : autonomie au premier tour et rassemblement de l'opposition au second tour. Cette stratégie (que certains appellent "gauche arc-en-ciel") est également celle d'Europe Écologie et du Front de Gauche (même si ce dernier ne veut pas du MoDem).
La cuisine c'est bien gentil, vous la connaissez certainement mieux que moi. Ce qu'il y a d'interessant dans cette afaire c'est de voir que des gens issus de la famille européene la plus dogmatique (françois bayrou), des gaullistes (nicolas dupont aignan), des souverainistes comme monsieur chevenement et des sociaux démocrates sont sur le point de s'entendre. C'est tout de même une inovation idéologique majeur.
De Bayrou à Chevènement, cela n'est pas plus incohérent que de Villiers à Lamassoure !
Qu'un large rassemblement qui irait de M. Bayrou (voire M. Dupont-Aignan) à M. Chevènement puisse s'opérer (evidemment sur des bases communes, voire sur un compromis), ça me paraît être une innovation avant tout technicienne, voire politicienne. Une innovation idéologique pourrait en résulter, mais ça ne me semble pas si évident.
Il y a bien longtemps que le clivage droite-gauche ne correspond plus aux clivages idéologiques ! Le clivage droite-gauche ne repose en effet aujourd'hui que sur des considérations tactiques et stratégiques.
Sinon, nous aurions six grandes familles politiques :
- (extrême-)gauche antilibérale et supranationaliste (Front de Gauche, NPA)
- gauche sociale-libérale et supranationaliste (PS, Europe Écologie, MoDem, PRG)
- "ailleurs" antilibéral et stato-souverainiste (MRC, DLR)
- droite libérale et supranationaliste (UMP)
- droite libérale et stato-souverainiste (MPF)
- extrême droite stato-souverainiste (FN)
C'est exactement ce que je voulais lire. Le clivage gauche-droite n'a jamais eu grande pertinence. Le principal point de fracture dans la vie publique française est depuis toujous la nation. Les nationaux et ceux qui veulent dépasser les états. Ce clivage court à travers notre histoire. Le clivage gauche/droite n'a jamais eu grande pertinence.
Cela dit, il est probable qu'un nouvel élément de la politique française, le sarkozysme, parvienne à faire perdre en pertinence à ce clivage en réunissant des antipodes, à voir, c'est en tout cas passionant.
Je nuance vos propos : il existe plusieurs clivages idéologiques (ce qui n'a rien à voir avec la question du positionnement géographique) qui, spatialement et temporellement, ont plus ou moins de pertinence.
Quant au sarkozysme, mise à part la tarte à la crème de la "réconciliation de la France du oui et de celle du non" (ah bon ?), je ne vois pas en quoi il se distingue en réunissant "des antipodes"...
M. de Boissieu > Concernant les familles politiques françaises, deux points me chiffonnent dans votre analyse :
- même si pour le moment le Front de Gauche reste le cul entre deux chaises, il me semble que, de plus en plus, il s'oriente (en tous cas, le PG s'oriente dans cette voix) vers non pas du supranationalisme mais de l'internationalisme
- le Front National reste économiquement parlant libéral, mais d'un libéralisme "classique" (néanmoins mâtiné de formules ultralibérales façon relance reagganienne)
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