Le grand emprunt viendra bousculer les équilibres du budget
20 octobre 2009
Le projet de loi de finances pour 2010, examiné à partir d'aujourd'hui par les députés, sera pourtant bientôt dépassé, puisqu'il ne tient pas compte du futur grand emprunt. Ce n'est en effet que le mois prochain que la commission présidée par les anciens premiers ministres Alain Juppé (UMP) et Michel Rocard (PS) rendra ses conclusions. Or le montant et les modalités de cet emprunt national impacteront bien évidemment le déficit budgétaire et la dette de l'État.
Hier, dans un entretien au quotidien Les Échos, Michel Rocard a précisé que, selon lui, "l'emprunt ne devra pas être trop supérieur à 30 milliards d'euros". Des propos qui font écho à ceux d'Alain Juppé, qui avait auparavant demandé de ne "pas charger la barque de plus de 20 à 25 milliards par an, d'où l'idée peut-être de faire plusieurs tranches annuelles". Quoi qu'il en soit, pour l'ancien premier ministre de Jacques Chirac, "100 milliards d'euros" constitueraient "un maximum". Reste à déterminer en-dessous de quel seuil cet emprunt national, solennellement annoncé par Nicolas Sarkozy en juin dernier, devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, perdrait toute signification. "Si le grand emprunt devient un tout petit emprunt, on aura raté une occasion historique", a d'ores et déjà prévenu Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, sans toutefois avancer de chiffre.
Mais Alain Juppé et Michel Rocard partagent le souci de ne pas dévaloriser la qualité de la signature de la France, qui lui permet aujourd'hui d'emprunter sur les marchés financiers à des taux avantageux. Hors futur grand emprunt, les émissions de dette à moyen et long terme sont de toute façon estimées l'an prochain à 175 milliards d'euros. Enfin, l'ancien premier ministre de François Mitterrand a qualifié de "pas raisonnable" l'éventualité de lever cet emprunt national auprès du grand public car "il faudrait majorer de 1,5% la rémunération des souscripteurs pour être sûr du succès de l'opération". Ce choix démarquerait l'emprunt Sarkozy des grands emprunts historiques – Pinay (1952 et 1958), Ramadier (1956), Giscard d'Estaing (1973), Barre (1977) ou Balladur (1993) – qui ont toujours eu une visée politique : mesurer l'adhésion des Français à une politique.
Derrière le montant et l'idée même de ce nouvel emprunt se cache en réalité une bataille sourde, qui dure depuis plus de quinze ans, entre, d'un côté, les partisans de la rigueur budgétaire, et, de l'autre, les partisans – parmi lesquels Henri Guaino – d'une grande politique d'investissements publics de long terme, financée s'il le faut par l'emprunt. Cette "autre politique" s'était jusque-là toujours heurtée aux critères de Maastricht puis au Pacte de stabilité et de croissance. Or ces derniers ont volé en éclat avec la crise : pour 2010, Bercy prévoit un déficit public de 8,5% du PIB (3% maximum selon Maastricht) et une dette des administrations publiques de 84% du PIB (60% maximum selon Maastricht). Depuis son discours de Versailles, Nicolas Sarkozy distingue ainsi trois déficits différents : le "mauvais déficit" ou "déficit structurel" ; le "déficit de crise", conjoncturel, lié au plan de relance ; "le bon déficit qui finance les dépenses d'avenir", à l'exemple de ce que la France a fait "il y a quarante ans (…) avec l'espace, le nucléaire ou l'équipement téléphonique du territoire".
Rien ne dit cependant si, une fois les effets de la crise estompés, cette nouvelle politique publique demeurera compatible avec les engagements européens de la France.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 20/10/2009
15 commentaires
Juste une question : a-t-on une idée de ce à quoi ce grand emprunt va servir ?
La Dette de la France n'existe pas !
« la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973, puis l’article 104 du traité de Maastricht, ont ôté le droit de création monétaire à la Banque de France et livré la monnaie aux banques et sociétés d’assurance. La dette fin 1979 était de 239 milliards d’euros, fin 2008 elle s’établit à 1327 milliards d’euros, soit une hausse de 1088 milliards en 30 ans, pendant lesquels nous avons payé 1306 milliards d’intérêts ! » Cheminade oct 2009
Les citoyens doivent dire NON à l'austérité sociale que la pensée dominante veux nous imposer!
Afin de faire face à la colère qui vient! Afin de faire face à la logique destructrice du système ! Afin de faire face au mépris de la classe dirigeante, en montant sur la scène de l'histoire! Afin de rompre avec la règle du jeu!
Je vous invite à lire et à partager le dernier tract de Solidarité et progrès :
http://www.solidariteetprogres.org/article5871.html
Il est temps que toutes les révoltes particulières donnent naissance à un projet commun révolutionnaire!
David C.
david.cabas.over-blog.fr
@Brath-z : justement, nul ne le sait encore (la commission Juppé-Rocard doit rendre son rapport mi-novembre, mais des idées circulent à droite et à gauche : l'UMP, par exemple, a présenté ce mardi ses propositions).
@David C. : cela signifie juste que la France s'est amputée d'un outil, mais non que la dette de la France n'existe pas; les analyses de M. Cheminade sont intéressantes dans la mesure où elle sortent des sentiers battus, mais la filière LaRouche/POE/Solidarité&Progrès est plus que suspecte (abondante littérature sur le sujet, parmi lesquelles du n'importe quoi mais aussi du vrai).
Merci pour votre réaction!
Si on fait le calcul comme plusieurs personnes se sont amusé à la faire, la dette publique est clairement une dette illégitime, composer de plus en plus de l'intérêt de la dette.
Dans, l'effondrement économique, politique, culturelle que nous connaissons. MM. LaRouche et Cheminade proposent la rupture de la règle du jeu en proposant une banqueroute organisée afin d'organiser une nouvelle architecture économique internationale.
David C.
david.cabas.over-blog.fr
2 points différents :1) ATTENTION : Concernant LaRouche, Cheminade, S&P, etc. Même si leur discours peut paraître attrayant (lutte contre la haute finance cosmopolite, appels à une politique keynésienne de relance par de grands projets nationaux ou internationaux..), il faut SE MEFIER : il y a trop d'accusations et de rumeurs concernant ce mouvement : secte sleon l'UNADEFI, émanation de l'extrême-droite américaine selon des journalistes politiques, voir création de la DIA (agence de renseignement de l'armée américaine) selon d'autres, etc.
Si on veut soutenir une politique keynésienne, il ne faut pas se risquer pas à soutenir ce mini-parti qui soulève plein d'interrogations, dont on ne sait vraiment qui est derrière, quinle finance, pour qui il roule vraiment. Il est plus prudent, malgré tous leurs défauts, se soutenir des partis dont l'idéologie, l'organisation, les financements et les buts réels sont au moins clairement connus (chevènementistes, PCF, souverainistes, Parti de gauche, gauche du PS, etc.).
2) Concernant l'EMPRUNT, je métonne de ce débat consistant à fixer un chiffre psychologique un peu au hasard (100 ? c'est trop. 30 ? c'est un minimum ! Alors 50 ? 60 ? 70?). Si son but est vraiment économique (et pas uniquement de communication politique), il faut analyser la chose un peu plus scientifiquement, calculette à la main :
* Regarder, par rapport aux prévisions de croissance du PIB et de chômage, combien de points de croissance il faut réinjecter dans l'économie pour limiter au mieux les dégâts de la crise (meilleur rapport emprunt/chômage ou PIB).
* Regarder jusqu'à combien l'Etat peut emprunter sans dégrader sa signature et donc payer des intérêts exorbitants (la courbe est facile à tracer).
* Regarder les besoins en infrastructure nationales par rapport à l'équipement des pays voisins, par rapports aux besoins écologiques pour remplir nos engagements (ex : créer des autoroutes ferroviaires..), etc
Sur LaRouche et ses amis : l'accusation de secte me semble farfelue, sauf à considérer que Lutte Ouvrière est également une secte; les autres points sont en revanche ceux notamment que j'avais à l'esprit en parlant de filière suspecte (ils étaient troskistes dans les années 70', proches de l'extrême droite dans les années 80', gaullistes dans les années 90', etc.).
Sur le grand emprunt : il ne s'agit absolument pas de déterminer "combien de points de croissance il faut réinjecter dans l'économie pour limiter au mieux les dégâts de la crise". Ça, c'est le rôle du plan de relance.
Sauf à le dénaturer, le grand emprunt n'a en effet avec la crise qu'un rapport d'opportunité : en explosant les critères de Maastricht, la crise a paradoxalement permis à cette autre politique de voir le jour (mais survivra-t-elle à l'après-crise ?). Une autre politique qui ne se veut pas une réponse à la crise et qu'il eut en effet été préférable de mener hors contexte de crise...
Libéral européen à l'air d'être très très fâché! En tout, je vous invite à lire editorial de J. Cheminade depuis les années 80, ils n'ont rien d'extrémiste. Peut être un extrémiste de la justice sociale :-) Il y a beaucoup de mensonges autour de Solidarité et Progrès qui devrais pourtant être mis en perspective vu la situation économique et politique actuelle.
LaRouche et ses amis ne sont pas keynésien mais plutôt Roosevelltien, le saviez vous que pendant huit ans, de 1937 à 1944,Keynes a été le directeur de la Eugenics Society anglaise. http://www.solidariteetprogres.org/article4964.html
En tout cas, il faut quand même faire attention au rumeur d'Orléans et à la calomnie (grande arme politique!)
Bonne journée
David C.
david.cabas.over-blog.fr
Merci à tous pour vos réponses.
Non, non Lama pas fâché. Mais Lama très prudent quand il entend des rumeurs récurrentes sur plusieurs décennies, reprises par des personnes sérieuses et très différentes. C'est tout. C'est juste un "principe de précaution" appliqué à la politique, avec, j'en suis conscient, ce qu'il peut avoir éventuellement d'injuste.
Laurent > Ah d'accord, je comprend mieux pourquoi J.-F. Khan a surnommé MM. Juppé et Rocard de "tartuffes" dans son bloc-note dans Marianne, il y a quelques semaines. Donc on annonce un grand emprunt, mais sans savoir pour en quoi faire. En somme, c'est bien dans la tradition de l'emprunt Pinay, "pour mesurer l'adhésion des français", voire selon certains tous les autres emprunts nationaux depuis 1945.
Pour une fois que M. Sarkozy met en place une mesure dans la filiation de ses prédécesseurs, je ne vais pas m'en plaindre, mais enfin, ce n'était peut-être pas là la plus judicieuse à reprendre à son compte.
Non Brath-z : on annonce un grand emprunt et on lance une consultation pour déterminer où investir intelligemment et efficacement l'argent récolté. La démarche n'est pas stupide... et elle rompt justement avec les précédents emprunts (sauf, je crois, l'emprunt Ramadier de 1956, lié à la politique algérienne) dont les recettes n'étaient pas affectées à des dépenses ciblées.
L'emprunt national annoncé par Nicolas Sarkozy n'a aucune utilité (c'est de notoriété publique) .
1° la France peut emprunter, et emprunte tous les jours, sur les marchés internationaux à des conditions intéressantes. Tout le monde a déjà indiqué que pour assurer le succès de l'emprunt national il sera nécessaire de consentir quelques conditions extraordinaires : un intérêt plus élevé ? des conditions de remboursement de style loto ? des avantages fiscaux avec la création d'une niche nouvelle ?
2° personne ne sait à quoi utiliser les fonds qui seront ainsi rassemblés. Des comités ont été créés, des pistes sont étudiées avec tous les quémandeurs imaginables. Une seule antienne : il s'agira de financer des dépenses d'avenir; la belle affaire, on s'en doute.
En résumé la seule perspective actuelle est de financer plus cher qu'aux conditions du marché des projets que l'on ignore.
Il faudrait tenter d'inverser cette perspective :
- financer moins cher qu'aux conditions du marché, en rajouttant la possibilité d'un gain en capital
- multiplier les projets en confiant aux acteurs économiques le soin de les proposer.
Pour celà il faudrait lancer le fameux fonds souverain que beaucoup de pays ont déjà créé. Ce serait en l'espèce une sorte de "hedge fund" entièrement financé par le produit de l'emprunt. Il pourrait avoir la triple mission de financer des projets de PME, des rachats de groupe menacés de prise de contrôle par des société non européennes, des grands projets comme le ferroutage par le financement de Réseau Ferré de France. Bien entendu ces interventions se feraient essentiellement par prise de participation minoritaire, avec pour objet une retrocession au marché financier à des échéances différentes suivant l'importance et l'avenir des sujets; il ne s'agit pas de créer une banque d'investissement mais bien un outil aux mains des français pour accélerer notre mutation économique. L'idée serait de réorienter l'épargne des français sur des sujets de véritable développement économique, sur le maintien sous contrôle national de grandes sociétés (n'oublions pas par exemple la disparition du paysage de Pechiney en particulier), au détriment peut-être des investissements stériles dans la rente foncière.
Un tel projet aurait aussi pour avantage de retirer des mains de l'état la gestion des produits de l'emprunt, à condition que la gestion de ce fonds souverain soit entièrement indépendante du pouvoir exécutif.
olivier seutet > J'ai deux-trois réserves :
Primo, j'ai une certaine tendance à me méfier des arguments du style "c'est de notoriété publique", "c'est le bon sens même", etc. On retrouve malheureusement ce type d'argument un peu partout. Passons, c'est un effet de langue malheureux dans un débat publique.
Secondo, sur le fond, je ne connais pas trop trop cette question, mais il me semble que si la France peut bien emprunter à des grands organismes (style banques multinationales et grands fonds d'investissement) à des conditions point trop scandaleuse (grâce à une image de "client solvable" entretenue par je ne sais quel effet de manche), il n'est pas du tout dans la démarche habituel d'emprunter à des particuliers, et que par conséquent, il n'y a pas de "conditions extraordinaires" à l'emprunt national, mis à part celles qui sont liées au fait que c'est là une situation extraordinaire. A moins que vous ne fassiez référence à la manière qu'aura l'état de rembourser, mais là, je suis un peu perdu, je l'avoue.
Tertio, si j'ai bien tout compris ce que m'a expliqué M. de Boissieu, cet emprunt sera plus "orienté" que les précédents, en ceci que les recettes ainsi récoltées seront attribuées à des postes déterminés par la suite, alors qu'auparavant elles n'étaient destinées qu'à fournir à l'état un "bonus" à ses politiques habituelles. Alors certes nous ne savons pas à quels projets et postes elles vont être attribuées, mais on sait qu'elles vont être attribuées, ce qui n'était pas le cas des grands emprunts précédents. Comparaison n'est pas justification, aussi ce troisième point n'est-il nullement une défense du grand emprunt décidé par M. Sarkozy, mais je pense que pour une fois on peut lui faire crédit de plus de cohérence et de logique que ses prédécesseurs sur cette question-ci. En revanche, la question de l'opportunité d'un tel emprunt reste ouverte, mais j'ai déjà du mal à comprendre les tenants et aboutissants de l'affaire pour en plus me permettre de juger.
@Brath-z : S'il s'agit d'un grand emprunt public, afin d'attirer l'épargne des Français, les modalités devront être attractives par rapport aux autres produits d'épargne...et donc au final être très coûteuses pour l'État. C'est, je pense, ce que veut dire non sans raison Olivier Seutet.
@olivier seutet et Brath-z : Une fois n'est pas coutume, ce n'est effectivement pas un emprunt pour alimenter sans discernement le budget de l'État (ce qui le distingue des classiques et quotidiennes émissions de dette) mais pour financer des projets publics précis.
@olivier seutet : Total accord pour un fonds souverain (fonds d'État), mais total désaccord sur votre vision synarchique et antidémocratique...
Simplement pour revenir sur Solidarité et Progrès:
ce n'est peut être pas une secte mais pour avoir parler longuement avec deux membres qui prospectaient place Bellecour (Lyon) le doute est permis.
Je ne connaissais pas cette organisation quand je leur ai parlé, et leurs idées me paraissaient intéressantes. De retour chez moi je me suis donc renseigné et j'ai découvert qu'ils considéraient que seul la musique classique peut éveiller l'esprit des plus jeunes, que le réchauffement climatique est une vaste escroquerie, que les banquiers juifs ont créé la crise bancaire pour asservir les peuples et qu'il faut absolument coloniser Mars d'ici 2015...
Comme j'aime le débat, j'ai donc décidé d'aller parler avec les jeunes gens qui vendaient le journal de S&P, et leur comportement était pour le moins surprenant :
je me suis faite traitée de conne simplement parce que je n'étais pas d'accord avec eux sur la musique classique.
Mais la phrase la plus "spectaculaire" fut tout de même :
"De toute façon, il est inutile que je te parle, il y a des choses que je sais, et que je sais que tu ne sais pas. Au revoir".
Méfiance donc.
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