Allô Bruxelles ?
10 septembre 2009
Jean Quatremer avec ses Coulisses de Bruxelles est sans doute l'un des journalistes blogueurs les plus intéressants, tant par les informations qui figurent dans ses notes que par la régularité de celles-ci. Sur le fond, certes, il est très militant, mais, comme le proclame avec justesse Marianne2 (horresco referens sans doute pour mon confrère de Libération), "le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti" (Albert Camus).
Mais qu'est-il donc arrivé cet été à Jean Quatremer ? S'est-il subitement converti au souverainisme ?
L'institution européenne la plus intégrée est la Commission de Bruxelles. Cette dernière est là pour défendre l'intérêt général de l'Union européenne. Ses membres ne représentent donc pas leur État d'origine, et c'est pour cela qu'il est d'ailleurs prévu, à terme, qu'il n'y ait plus par principe un commissaire européen par État membre.
Et pourtant, Jean Quatremer a consacré toute une note pour mesurer "l'influence [peau de chagrin] de la France à Bruxelles" en décomptant méticuleusement le nombre de postes de cabinet et de chefs de cabinet de nationalité française.
Nous aurait-on menti ? Car mesurer l'influence d'un État membre à son poids au sein de l'administration bruxelloise revient à considérer que ladite administration n'est pas si indépendante que cela des États et que la notion d'intérêt général de l'Union européenne n'est qu'un leurre...
6 commentaires
J'ai l'impression depuis bien longtemps que sur ce point l'ambiguïté est de mise et ce de manière volontaire.
Comme la plupart des chefs d'états ne veulent pas voir leur influence (notamment en matière de politique étrangère) diminuée du fait (par exemple) d'une diplomatie européenne ou encore d'une politique de défense (encore hypothétique), l'exécutif européen semble être le plus assujetti aux intérêts des états membres des instances institutionnelles européennes.
Si le droit européen est globalement reconnu comme supérieur aux droits nationaux (qu'on le déplore, qu'on s'en réjouisse ou qu'on s'y résigne), l'exécutif me semble plus faire office de bouc émissaire aux politiques de chaque état membre, qui paradoxalement cherche à y peser le plus possible.
Enfin c'est mon impression de néophyte en la matière.
Il me semblait pourtant que la nouvelle constitution européenne devait éviter ce genre de problème et mettre tous les pays membres à égalité (sachant bien évidemment que les gros pays se sont sans doute trouvés une porte de sortie malgré tout)? ... Sans doute me suis-je trompé...
Il me semble que le texte constitutionnel n'est pas appliqué (les deux pays dont le peuple a été consulté ont voté "non", du coup le projet semble en suspens) et que le fumeux traité de Lisbonne est gelé en attendant le revote des irlandais (et s'ils revotent non, ben il y en aura un troisième, surement).
Il faut différencier l'influence de la France de l'influence du gouvernement français. En ce qui concerne la Commission, l'essentiel est que les commissaires ne prennent pas d'instruction auprès des gouvernements nationaux. Au delà il est naturel que la présence de citoyens de tel ou tel pays importe car les sensibilités de chacun sont utiles pour que l'institutions les prenne en compte.
Il n'est pas incompatible de penser que la Commission doit demeurer le plus indépendante possible et qu'il existe un intérêt général européen d'une part et d'être attentif à la présence de ses concitoyens au sein e l'instance qui contribue le plus à définir ce qu'est cet intérêt général.
Le véritable problème vient des modalités de nomination des Commissaires qui sont proposés de facto par les gouvernements nationaux au lieu d'être issus du choix d'un président de la Commission issu du vote à l'élection européenne. La nomination étant fonction du bon vouloir du prince de tel ou tel pays, le nominé en reste quelque part redevable. Fort heureusement les filtres sévères mis en place par les eurodéputés (auditions, etc.) permettent e veiller à ce que l'on nomme pas n'importe qui. M. Berlusconi en sait quelque chose.
Non, je pense vraiment que comptabiliser la nationalité des commissaires européens (ou des postes de cabinet) est intrinséquement contraire à la logique d'une construction européenne supranationale, pour laquelle milite Jean Quatremer.
Par ailleurs, "être attentif à la présence de ses concitoyens au sein de l'instance qui contribue le plus à définir ce qu'est l'intérêt général européen" revient à dire que cet intérêt général européen n'existe pas ex nihilo mais se construit dans un rapport de force entre États; bref, retour aux relations internationales classiques (l'UE comme simple construction juridique et non plus comme expression d'une volonté générale européenne).
Sur la désignation de la Commission européenne (dont son président), une construction européenne supranationale voudrait en effet logiquement qu'elle dépende du résultat des élections européennes et non du choix souverain des États membres.
Je comprends que le comptage de Jean puisse paraître de prime abord un peu hexagonalement étriqué.
Et pourtant, imaginez un instant que la Commission soit intégralement constituée d'anglophones, tous compétents par ailleurs, et choisi par un Président britannique. Ne pensez-vous pas, par delà vos louables remarques sur l'intérêt général, que les jugements rendus par cette Commission ou les propositions qu'elle ferait, risqueraient d'être un tantinet trop "britorientés" et de déconsidérer, de mésestimer, voire d'ignorer, certains aspects ou angles des questions et problèmes qu'elle affronterait ? Question de formation, voire de formatage.
J'ai beau tremper dans un environnement international au quotidien, avoir une vision communautaire de l'Europe, abhorrer le nationalisme, il n'en demeure pas mois que l'unité devant se faire dans la diversité, je suis farouchement attaché à la pluralité en matière de recrutement des élus et fonctionnaires en charge des questions européennes. Même les plus européens d'entre eux n'y trouveront que des avantages, et les citoyens européens y compris, qui ne seront que mieux représentés dans leurs différences.
Voilà je pense ce que Jean voulait signifier.
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