Tous les candidats élus ne siègeront pas
11 juin 2009
L'ensemble des candidats UMP avaient pris sept engagements "devant les Français". L'un d'eux ne souffre aucune ambiguïté : "Les candidats de la majorité présidentielle s'engagent à être présents au Parlement européen à Strasbourg et à Bruxelles." Cet engagement ne sera finalement pas tenu, puisque Brice Hortefeux, ministre du travail et des relations sociales, élu en troisième position dans la circonscription Massif central-Centre, devrait rester au gouvernement. "J'étais candidat à une place non éligible pour aider, pour accompagner, pour partager des convictions, et pas pour exercer une fonction, s'est défendu l'intéressé hier sur Europe 1. Si j'avais voulu exercer des responsabilités au Parlement, j'aurais été tête de liste."
Être candidat non pour aller siéger mais pour "tirer" une liste est effectivement une pratique maintes fois utilisée. Depuis les premières élections européennes au suffrage universel direct, quatre "élus" n'ont ainsi même pas participé à la séance constitutive du Parlement : François Mitterrand (PS), Jean-François Deniau (UDF) et Pierre Méhaignerie (UDF) en 1979, puis François Léotard (UDF) en 1989. Plus nombreux sont ceux qui sont allés siéger à Strasbourg... quelques mois. Huit ont démissionné l'année même de leur élection : en 1989, Alain Juppé (RPR), Michèle Barzach (RPR), Alain Madelin (UDF) et Claude Allègre (PS); en 1999, François Hollande (PS), Nicolas Sarkozy (RPR), Roger Karoutchi (RPR) et Philippe de Villiers (MPF).
La loi sur la parité en politique a par ailleurs déjà produit une candidature de paille. En 2004, la liste FN avait obtenu deux élus dans la circonscription Nord-Ouest : Carl Lang (sortant) et Chantal Simonot-Destouches. Cette dernière participa à la séance constitutive en juillet, mais renonça dès septembre, afin de laisser la place au parlementaire européen sortant Fernand Le Rachinel, non réélu.
Outre Brice Hortefeux, Jean-François Kahn a également annoncé qu'il n'irait pas siéger. Bien qu'ayant donné dans l'Est son meilleur score au MoDem, le fondateur de l'hebdomadaire Marianne a démissionné en faveur de sa deuxième de liste, l'eurodéputée sortante Nathalie Griesbeck, non réélue, estimant qu'il avait failli à sa mission d'obtenir au moins deux sièges pour sa liste.
Autre pratique, celle du "tourniquet". Elle consiste à démissionner collectivement au bout d'un certain temps, afin de laisser la place aux suivants de liste. Tel fut le cas des élus RPR un an après les européennes de 1979, dans le but de dévaluer l'importance du Parlement. Puis celui des Verts à mi-mandat au cours de la législature 1989-1994, au nom cette fois des principes d'égalité et de collégialité.
Enfin, si les candidatures multiples sont interdites en France depuis la campagne plébiscitaire du général Boulanger dans sept départements en 1888, elles sont en revanche autorisées pour les élections européennes en Italie. Silvio Berlusconi (Parti du peuple de la liberté), Umberto Bossi (Ligue du Nord), Luigi De Magistris et Antonio Di Pietro (Italie des valeurs) étaient ainsi candidats dans l'ensemble des cinq circonscriptions. Sans même avoir l'intention de siéger, en ce qui concerne le président du Conseil, Silvio Berlusconi, élu cinq fois. De quoi faire des jaloux.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 10/06/2009
6 commentaires
1 élu (par surprise) qui n'ira pas sieger sur 29 élus. C'est pas un peu dur de dire que "les engagements ne sont pas respectés" ?
Si Barnier ou Dati (pour ne citer que les plus emblématiques) annonçaient ne pas vouloir aller siéger je serais parfaitement scandalisé. Mais Hortefeux, 3eme de liste pour "aider" (ses explications sont convaincantes) je ne vois pas où est le probleme. D'autant plus que si il cede la place au 4eme de liste, ses électeurs ont également voté pour celui là.
Franchement, on serait dans un journal papier, je dirais que c'est une polémique destinée à faire du remplissage
1) non, on n'est pas candidat pour "aider" ou pour se réserver une place au chaud en cas de départ du gouvernement (de même que je suis très choqué par le retour automatique des ex-ministres au Parlement).
2) cet article a été publié dans un journal papier, comme vous dites, et je trouve au contraire pas inintéressant de rappeler - mes confrères l'ont-ils fait ? - que Brice Hortefeux n'est pas le premier à agir ainsi.
Quelle culture politique !
Mais ou va-t-il trouver toutes ces précisions !
Flo,
Un élu, même "par surprise", se doit d'assumer la mission qui lui échoit. Pour les présentes élections, c'est un cas d'école - et merci à Laurent de Boissieu pour l'historique et la mise en perspective - mais on ne transige pas avec la voix du peuple. Inutile d'invoquer la théorie du mandat impératif pour démontrer qu'en démocratie le peuple règne.
Concernant le couple Barnier-Dati, si on songe à l'indigence du gouvernement auquel ils ont appartenu, on est en droit de s'étonner du fait que Hortefeux n'ait pas été séduit par Bruxelles... Car il est clair que les ministres sont des bulles médiatiques auxquels il ne reste que le mot (à défaut de la chose) - les commandes étant aux mains des Guéant et Guaino.
Hortefeux manque de probité. Comme pour le passage en force du traité réformateur par les élites, je note son mépris à l'égard du peuple. Quant aux raisons tendant à justifier le maintien au gouvernement de l''élu malgré lui" (Fessoz), elles sont fallacieuses et risibles. On éconduit Pérol mais on ne peut se passer de la qualité de Hortefeux dans le contexte de la crise financière... balivernes! songez que les cimetières eux aussi sont remplis de gens irremplaçables.
Pour le verbe, c'est Guaino, mais pour l'action, c'est effectivement Guéant.
Par ailleurs, puisque je l'apprécie beaucoup, je me permets ce petit rectificatif : c'est Françoise Fressoz (et non Fessoz).
Absolument.
J'irai plus loin: le verbe de Guaino s'est fait performatif (c'est pourquoi je parle de pouvoir car l'action politique a pu se réaliser au terme du stade de la formulation). Reste que s'il est évident que ce sont les textes de Guaino sur la grandeur de la France et l'exaltation de la nation qui ont permis l'élection de l'actuel président, un Sarkozy libéral n'aura pas dépassé 5%. Je vous renvoie aux papiers d'E. Zemmour, remarquables à ce sujet et qui démontrent la "duplicité" idéologique de Sarkozy durant la campagne et qui n'a pas cessé.
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