Faut-il poursuivre les libéralisations de services publics ?
02 juin 2009
La Croix a interrogé les partis en lice aux élections européennes sur les grandes questions qui se posent à l'Union européenne.
Faut-il poursuivre les libéralisations de services publics ?
Peu de sujets sont aussi controversés que celui de la libéralisation des services publics au sein du marché unique européen. C'est effectivement sur le fondement de directives européennes que les grands services publics en réseau (transports aérien et ferroviaire, télécoms, poste, électricité, gaz) sont libéralisés en France. Il ne s'agit pas pour autant de décisions imposées par la Commission européenne mais adoptées en conseil des ministres européens, donc avec le soutien des gouvernements français successifs.
Face à cette libéralisation, les candidats aux élections européennes sont profondément divisés. Il y a d'abord ceux qui assument le passage de la notion française de services publics, monopoles d'État, vers la notion européenne de « services d'intérêt économique général » (SIEG). Ces derniers ne concernent que l'exploitation des réseaux (exemple : vente d'électricité), séparée de la gestion des infrastructures, monopole de fait restant public (exemple : lignes électriques). Les SIEG sont ouverts à la concurrence, mais avec la garantie d'un service dit universel. « Il n'y a pas de raison de ne pas appliquer les directives adoptées », revendique l'UMP Alain Lamassoure, en insistant sur « le bénéfice pour le consommateur de la fin du monopole d'Air France ou de France Télécom ». Selon l'ancien ministre des affaires européennes, le clivage droite-gauche joue à plein sur ce sujet : « Le PS s'accroche aux services publics car c'est l'unique point d'accord entre les partis de gauche. La gauche veut une loi européenne pour défendre les services publics. La droite veut une loi européenne pour brancher les réseaux et arriver à terme à un monopole public européen à la place des 27 monopoles nationaux. »
Il y a, ensuite, les partis qui estiment qu'on est allé « trop loin » et plaident en faveur d'un « moratoire » sur les libéralisations en cours. C'est le cas des Verts ou du PS. « Cela a été un débat difficile au sein de la famille socialiste européenne, car nous étions un peu seuls à porter l'idée d'un cadre européen pour les services publics, mais l'ère du blairisme est aujourd'hui bien passée », assure Harlem Désir, tête de liste PS en Île-de-France. « Si les SIEG continuent de dépendre de deux logiques différentes, celle du marché et celle de l'intérêt général, on sait à l'avance laquelle des deux l'emportera, la raison économique étant toujours la plus forte », renchérit Marielle de Sarnez, son adversaire du MoDem. « Le grand texte législatif sur les services publics que nous demandons avec la gauche est un des enjeux de la prochaine législature », poursuit l'eurodéputée.
Reste que les uns et les autres s'accusent de « double langage ». « Le MoDem a voté au Parlement européen avec l'UMP contre l'adoption d'une directive-cadre sur les SIEG », dénonce Harlem Désir. « C'est l'Acte unique européen, signé par François Mitterrand et Laurent Fabius, qui fonde juridiquement la fin des monopoles publics, rappelle cette fois Alain Lamassoure. Le PS hurle contre l'Europe ultra-libérale, mais ce n'est pas Barroso qui a libéralisé les services publics, cela remonte à Delors ! »
Allant plus loin, il y a, enfin, ceux qui, comme le Front de Gauche, souhaitent « revenir sur toutes les directives de libéralisation » adoptées depuis 1990. « Les Verts et le PS disent qu'ils veulent arrêter de libéraliser les services publics, mais ils oublient de dire que, si l'on veut garantir des services publics échappant à la logique du marché et aux règles de la concurrence, il faut aussi remettre en cause les traités existants », complète Raoul Marc Jennar, tête de liste du NPA dans le Sud-Est. « Les autres gauches européennes ne partagent pas cette conception des services publics, qui est en réalité moins de gauche que française », rectifie Nicolas Dupont-Aignan, au nom des listes gaullistes Debout la République, qui militent aussi pour « le maintien ou le rétablissement du monopole public ».
Laurent de Boissieu et Mathieu Castagnet
© La Croix, 28/05/2009
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