Défense européenne et OTAN sont-elles compatibles ?
31 mai 2009
La Croix a interrogé les partis en lice aux élections européennes sur les grandes questions qui se posent à l'Union européenne.
Défense européenne et OTAN sont-elles compatibles ?
Depuis le rejet par la France de la Communauté européenne de défense (CED), en 1954, la construction européenne piétine dès que sont abordées les questions de défense. Dans ce contexte, la décision de Nicolas Sarkozy de revenir dans le commandement intégré de l'Otan est diversement appréciée selon les partis politiques. Même si, pour la majorité d'entre eux, défense européenne et Otan ne sont pas incompatibles. C'est d'ailleurs ce que réaffirme le traité de Lisbonne, en cours de ratification. « La défense européenne est non seulement compatible avec l'Otan, mais elle est absolument nécessaire à l'équilibre de l'Otan, argumente Dominique Baudis, tête de liste UMP dans le Sud-Ouest. Or, pour construire ce pilier européen de l'Otan, il fallait bien que la France revienne complètement à l'intérieur de l'Otan ! »
Une opinion que, dans l'opposition, ne partagent ni le MoDem ni le PS. Selon eux, Nicolas Sarkozy n'a en effet pas suivi la bonne chronologie : la construction d'un pilier européen de l'Otan aurait dû être le préalable au retour de la France dans le commandement intégré. « Nous devons construire une défense européenne, expliquait ainsi François Bayrou lors de la dernière présidentielle. Dès lors, l'Otan aura un tout autre visage, et les réticences françaises à son égard s'effaceront. » Mais, regrette-t-il aujourd'hui, la France n'a à ce jour « rien obtenu » en échange de sa réintégration, car « ce ne sont pas quelques postes de généraux à l'intérieur du système de l'Otan qui vont lui donner la possibilité de bâtir la défense européenne indépendante que nous voulions ». Conclusion pour le MoDem : « Instaurer une défense européenne indépendante est plus difficile depuis que la France a rejoint le commandement intégré de l'Otan. »
Même analyse pour Harlem Désir, tête de liste PS en Île-de-France. « Cet alignement ne favorise en rien l'émergence d'une défense européenne, assure le parlementaire européen sortant. D'ailleurs, il n'y a eu aucune avancée durant la présidence française ni depuis. Ce qu'il faut maintenant, c'est travailler à l'indépendance de la politique de défense, et non en faire le simple pilier d'une organisation qui reste dominée par les États-Unis. »
Au-delà des divergences de calendrier et de priorité, les trois « grands » partis se retrouvent donc pour envisager la défense européenne au sein d'une Otan rénovée et codirigée par l'Union européenne et les États-Unis. Une perspective que ne partage, en revanche, pas Nicolas Dupont-Aignan, au nom des listes Debout la République. « À quoi bon avoir une Europe de la défense si celle-ci doit n'être qu'une simple succursale de l'Otan ? » s'interroge celui qui, à une défense européenne, préfère des « coopérations militaires à la carte ». Allant plus loin, Nicolas Dupont-Aignan estime de toute façon que « la question même de l'Otan se pose » depuis la disparition du pacte de Varsovie et la fin de la guerre froide.
Une vision géopolitique qui rejoint les préoccupations de la liste Europe Écologie. « La question n'est pas la compatibilité de l'Europe et de l'Otan mais celle de l'Otan avec le monde dans lequel nous vivons : cela ressemble à une armée de Blancs riches qui se préparent contre les pauvres colorés du reste du monde », avance Hélène Flautre, tête de liste dans le Nord-Ouest. Sa proposition alternative : « une défense dans le cadre d'une ONU rééquilibrée » entre Nord et Sud. « Nous sommes contre le principe même de ces alliances militaires, renchérit Raoul Marc Jennar, tête de liste du NPA dans le Sud-Est. Nous préférons un monde fondé sur la force du droit plutôt que sur le droit de la force. Et nous ne pensons pas du tout qu'un État ou une fédération comme l'Europe doivent nécessairement être dotés d'une armée. »
Laurent de Boissieu et Mathieu Castagnet
© La Croix, 26/05/2009
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