Lorsque le CRIF importe le conflit israélo-palestinien en France
02 mars 2009
Mais quelle mouche a piqué le CRIF ?
Le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) organise ce soir son dîner annuel, auquel sont invitées de nombreuses personnalités politiques. Or, cette année, le PCF en tant que tel n'a pas été invité. Motif : il a participé aux manifestations contre l'offensive israélienne à Gaza.
En quoi la prise de position d'un parti politique (le PCF) à propos de la politique d'un État étranger (Israël) peut-il motiver l'invitation ou non à la soirée d'une association qui se veut le porte-parole des Français de confession juive ?
Quelle que soit la religion concernée et quel que soit l'État concerné, c'est une décision indéfendable.
Ne pas importer le conflit israélo-palestinien en France, disiez-vous ?...
9 commentaires
On peut soutenir les palestiniens sans se compromettre avec l'islamo-fascisme. Le PCF n'a pas choisi cette voie en défilant à Paris sous les mêmes banderoles que celles des extrémistes religieux islamiques et antisémites.
http://www.dailymotion.com/search/johnjohn314/video/x85n32_konopnicki-le-pcf-encadre-des-manif_news
Tel que présenté par Guy Konopnicki, je suis en effet bien d'accord avec lui et avec vous. Mais ce n'est pas ainsi que le PCF présente les choses...
Il se trouve que des débordements ont eu lieu dans la plupart des manifestations de soutien au peuple palestinien (et paradoxalement moins dans les quelques manifestations de nationalistes, sur le dos desquelles certaines organisations revendiquées d'extrême-gauche ont fait reposer l'essentiel des débordements, mais passons, ce genre de polémique risque fort de ne jamais trouver son issue), y compris celles auxquelles a participé le PCF.
Cependant, là où certaines groupuscules extrémistes (de gauche, de droite, nationalistes ou islamistes revendiqués) ont clairement cautionné ce genre d'agissements, il me semble que le PCF (ainsi que d'autres mouvements) s'en est totalement désolidarisé. Ce qui ne retire évidemment rien à son manque de réaction "à chaud".
Concernant le CRIF, j'en viens à me demander de plus en plus si cette organisation ne représente pas en fait une minorité de français de confession juive (ou plutôt de juifs de nationalité française, puisque leur politique affichée semble être un identitarisme juif qui ferait passer la foi avant l'appartenance à la nation française), voire même simplement elle-même. En tous cas, même si ce n'est pas le cas, ses prises de position inconditionnellement pro-Israël et son affirmation éhontée que "quatre-vingt-quinze pour cent" des français juifs soutiennent l'intervention armée (alors que bon, certaines organisations comme l'Union Juive Française Pour La Paix semble avoir à peu près autant d'adhérents et de sympathisants que l'ensemble des organisations adhérentes du CRIF, soit entre quatre-vingt et cent mille, sur les six cent mille français de confession juive) suffisent à mes yeux à discréditer durablement une organisation qui semble s'être changée en agence de communication d'Israël, voire même de la droite religieuse (puisque l'extrême-droite semble être devenue laïque sous l'impulsion du parti Israel Beitenou de Lieberman) de cet état. Qui plus est, ce genre de déclaration est à mettre en parallèle avec la manifestation de soutien à Tsahal organisée par ce même CRIF durant les phases les plus meurtrières de la dernière intervention. Voila qui prouve bien (il faudrait être borné pour ne pas l'admettre) que loin de refuser l'importation du conflit en France, le CRIF s'y évertue et même jette de l'huile sur le feu en niant ses agissements (un comportement assez arrogant qui pousse des factions extrêmes déjà clairement engagées dans l'importation de ce conflit en France à l'importer plus encore).
Enfin bon comment croire qu'une fraction du peuple français qui n'a en commun "que" le partage d'une foi commune (et encore, il faut distinguer les différentes tendances du judaïsme... Entre séfarades, ashkénazes et les plus au moins conflits entre les "héritiers spirituels" de chacune des douze tribus, il paraît que c'est assez compliqué, du point de vue du dogme... enfin bon, il faudrait l'avis d'un théologien là-dessus) puisse être, sur une question éminemment politique comme celle du conflit israëlo-palestinien, unanime à un tel point ?
Même si la sympathie à l'égard de l'état d'Israël semble être logiquement plus importante chez les français juifs que chez, par exemple, les français catholiques, (notamment du fait, choquant à mes yeux, de la confusion entre l'entité politique qu'est l'état d'Israël et la signification mythologique et religieuse du pays d'Israël dans les textes sacrés), on trouve au sein de cette "communauté" (oui, entre guillemets, je n'aime pas ce terme, mais bon, on l'emploie à toutes les sauces, alors...) des divergences bien plus profondes et, au fond, comme au sein de toutes ces soit-disant "communautés" (religieuses ou non), bien peu de points fédérateurs.
Un bien long commentaire, bourré de parenthèses, mais j'espère ne pas avoir trop débordé.
Votre commentaire est très intéressant, et j'en partage l'essentiel. L'erreur du CRIF - que vous soulignez en creux au début de votre commentaire - est de faire comme si les propos antisémites (hautement condamnables, bien entendu) faisaient partie des mots d'ordre de la manifestation (auquel cas, j'aurais été d'accord avec le CRIF), alors qu'il s'agit de débordements (comme dans toute manif, ou presque).
Le militant républicain et laïque que je suis soutient ce texte et n'est pas d'accord avec toute forme de communautarisme. La République devrait être à mon avis implacable face au racisme et à l'antisémitisme et bien évidemment il faut tout faire pour le combattre de la manière la plus claire, et notamment sur internet où l'islamisme, l'extrémisme, l'antisémitisme, le racisme ont pignon sur rue. On ne peut pas éclipser la question de l'extrémisme islamique qui gagne du terrain chez nous et la République doit se montrer encore une fois implacable là-dessus aussi. Il faut soutenir les modérés des deux camps mais cela c'est avant tout une question internationale, à savoir le conflit israélo-palestinien.
Je suis heureux de voir que je ne suis pas seul à partager ce genre d'idées (je sais d'expérience comment des procès en antisémitisme peuvent voler rapidement... enfin bon, je le cherchais surement, sinon je ne serai pas aller sur des forums de soutien assumé à l'extrême-droite israélienne) sur les communautarismes et sur la position à adopter à ce sujet.
D'ailleurs, petite parenthèse, une de plus, j'aimerai souligner ce qui me semble une erreur sémantique souvent commise et dont je ne suis pas à l'abri moi-même : celle de parler de racisme et d'antisémitisme.
Les puristes de la logique et du langage distinguent le racialisme (qui est la classification des êtres humains sous diverses "races"), le racisme (qui est la hiérarchisation des dites races), certains même sont plus pointus et vont jusqu'à mentionner l'ethnodifférentialisme. De même ils font souvent la différence entre l'antijudaïsme, qui est la haine des juifs pour des raisons religieuses, et l'antisémitisme, qui est la haine des juifs pour des raisons "scientifiques" (je travaille moi-même dans le domaine de la science, et même si je ne suis pas biologiste, je ne peux pas ne pas mettre de guillemets, attendu la manière dont les théories antisémites prétendent s'appuyer sur des critères et méthodes scientifiques).
Loin de ces considérations, l'homme de la rue (ou n'importe qui quand il est jeune et/ou ne s'intéresse pas forcément de près à ces questions) considère que le racisme, au fond, c'est un concept flou qui regroupe à peu près toutes les haines, sauf l'homophobie et le sexisme. A chaque fois que j'ai demandé à des gens, parfois des inconnus, et même des professeurs de philosophie, a priori plus sensible à l'argumentaire linguistique développé plus haut que d'autres, si l'antisémitisme était un racisme, on m'a dit que oui.
Le traitement de l'antisémitisme en termes de sociologie et de politique me semble identique que celui réservé aux autres formes de racisme.
Et pourtant on s'obstine, malgré nous souvent, à l'en distinguer. Ainsi il y a en France une LICRA, organisation dont je salue l'utilité même si elle a une certaine tendance à la frilosité et à la mauvaise foi en ce qui concerne l'humour (cf : l'affaire Dieudonné), qui fait la distinction entre le racisme et l'antisémitisme. Comme si un antisémite n'était pas un raciste, ce qui est sémantiquement faux puisque l'antisémitisme est une théorie raciste dès sa fondation au XIXème siècle (pour l'anecdote, les premiers écrits se réclamant de l'antisémitisme s'appuient sur les travaux d'universitaires juifs de la fin du XVIIIème siècle !), et ne pourrait être considéré comme vrai qu'à condition qu'il s'agisse d'intolérance religieuse (une religion n'est pas une race, quoique vu l'oukhaze en ce qui concerne le mot "race" dans les médias, on en arrivera peut-être un jour à lui intégrer aussi la religion après avoir fait croire à l'homme de la rue que la couleur de la peau était un critère de classification), ce qui n'est pas vraiment le sens que l'on donne communément à ce mot.
Je ne sais pas si je suis clair, là. Il est minuit passée.
Bref, je reprend et conclue.
L'antisémitisme est un racisme comme un autre.
Ne pas intégrer le premier terme dans le second est un véritable encouragement au particularisme, comme si les juifs n'étaient pas comme les autres, puisqu'on ne peut pas les haïr de la même façon (ce n'est surement pas l'effet recherché au départ).
Si dans les années 1950/60, à une époque où, malgré tout, l'antijudaïsme (haine du juif pour motif religieux) existait, il est apparu qu'il valait mieux regrouper en une seule "catégorie" tous ceux qui haïssaient les juifs, quelle que soit leur motif de haine (ça reste de la haine quand même), sous le vocable "antisémites" (ce qui justifiait un "traitement de faveur" à cette haine particulière par rapport aux autres racismes), dans la société d'aujourd'hui où on ne rencontre plus guère d'antijudaïsme religieux (le soit-disant conflit judéo-musulman est et reste politique à quatre-vingt-dix pour cent, et les derniers chrétiens nostalgiques de l'inquisition doivent être en train de mourir en silence dans leurs lits, si ce n'est déjà fait), cette distinction ne s'impose plus.
Mieux, cette distinction est même malsaine, puisque, comme je l'ai précisé au-dessus, elle laisse croire que la haine du juif est différente fondamentalement de la haine du noir, alors qu'elle a eu simplement plus de temps pour murir (de haine de l'inconnu, elle est devenue haine de "l'infiltré", paranoïa du complot mondial, etc... Quand on voit la recrudescence de la haine anti-arabe dans le monde au prétexte de la théorie du "Conflit des Civilisations" - qui parle plus de la Chine que du monde arabe, au passage - on se dit qu'en fait c'est l'évolution "naturelle" de toute haine... la haine de l'inconnu, de l'autre, s'institutionnalise en haine de l'impie - que ce soit l'impie religieux ou l'impie culturel - puis en haine de l'infiltré, qui vole le travail, accapare argent et pouvoir, constitue un "empire", etc.).
Bon, une fois de plus c'est un véritable roman que j'ai pondu là, mais bon, j'avais envie, pour une fois, d'expliquer pourquoi je n'aime pas qu'on distingue l'antisémitisme du racisme.
Bon sang ce dernier commentaire était encore plus long que le précédent !
Il faut que j'apprenne à être synthétique.
Je ne peux, encore une fois, qu'être à 99,99% d'accord avec vous ! Même si, pour la LICRA, la dénomination s'explique je pense plus pour des raisons historiques (LICA à sa création) que pour des raisons philosophiques.
Certes, mais distinction ne signifie pas caution apportée. L'antisémitisme est un racisme, c'est l'évidence même. Mais je crois que le poids de l'Histoire est tel qu'il ne s'agit pas de le distinguer mais d'être extrêmement vigilant et attentif à tout débordement raciste et/ou antisémite.
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