Néo-socialisme = nazisme ?
27 novembre 2008
"Dans le socialisme, les 'néos', ceux qui ont été contre le vieux et pour le neuf, n'ont pas toujours laissé de très bons souvenirs", a lancé Lionel Jospin contre Ségolène Royal durant la campagne interne du PS.
Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, a ainsi pu dénoncer la "comparaison pour le moins osée entre le parcours de Ségolène Royal et celui des nazis, par un ancien Premier Ministre et ancien premier secrétaire...".
Voilà qui mérite quelques rappels historiques :
- tous les néo-socialistes ne suivront pas Marcel Déat dans le collaboration, certains seront Résistants (comme Max Hymans)
- tous les néo-socialistes n'ont pas été exclus de la SFIO en 1933 (le groupe Révolution Constructive continuera à exprimer cette tendance au sein de la SFIO)
- tous les exclus ou démissionnaires de 1933 n'étaient pas néo-socialistes (il y avait également parmi eux des participationnistes non planistes comme Paul Ramadier ou Pierre Renaudel)
- le planisme inspirera le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) puis, à la Libération, le gaullisme
Bref, la réalité historique est loin de l'équation néo-socialisme = nazisme...
2 commentaires
Bravo pour ces précisions !
Les choses sont très emmêlées à cette époque, surtout si on y rajoute le clivage de l'attitude pendant la guerre, qui transcende TOUS les partis : libéraux collabos et libéraux résistants, anars collabos et anars résistants, trotskistes collabos et trotskistes résistants, AF collabos et AF résistants, etc. Non pas tous les partis : apparement, seuls les petits partis fascistes (Francisme, PFF) n'ont pas fourni beaucoup de résistants.
Tiens, exemple de complexité, je viens de découvrir que le directeur de cabinet du ministre Marcel Déat en 1936 est devenu grand résistant : Claude Bonnier, DMR région B des FFI, compagnon de la Libération (http://www.ordredelaliberation.fr/fr_compagnon/120.html).
Exemple inverse : Maurice Papon a fait partie des cabinets ministériels de François de Tessan (radical-socialiste), l'un des rares ministres français mort en déportation (Buchenwald).
Mais on s'éloigne du sujet. La comparaison de Jospin était une attaque non seulement historiquement fausse, mais minable par sa bassesse : l'amalgame avec le fascisme. Décevant pour quelqu'un qui veut se poser en caution morale et humaniste.
Desole de vous contredire, (“Liberal europeen”), mais la comparaison faite par Lionel Jospin me parait largement justifiee au plan historique. Au fond, Lionel Jospin dit 2 choses :
Tout d'abord, la tentative de Royal au PS s’apparente a celle des Neos en 1933, en ce sens qu’elle represente une forme d’acculturation de la pensee socialiste. C’est l’introduction, sous le theme du renouveau, de modes de pensee et de methodes totalement etrangers a la facon de penser la politique et, plus generalement, a la culture politique des socialistes. Un theme, notamment, est mis en avant: celui du « leadership », tres recurrent dans la propagande royaliste. Une formule de Royal m’a beaucoup frappe, car elle est tres revelatrice : « contrairement a la droite, les socialistes n’ont pas le sens du chef ; il va falloir qu’ils l’apprennent » (interview de Mathieu Croissandeau, dans le Nouvel Observateur en octobre-novembre 2007). Si on y ajoute certains themes mis en exergue par Royal durant la presidentielle (le petit drapeau francais dans chaque foyer, la rehabilitation de l’autorite), il y a une curieuse resonnance avec la formule des Neos de 1933 : « Ordre, Autorite, Nation ». Depuis 1933, les socialistes n’avaient jamais connu une remise en cause aussi radicale de leurs themes et modes de pensee. Que les royalistes se parent, a tort ou a raison, de la vertu du renouveau et de la modernite ne fait que renforcer la justesse de cette comparaison historique.
En second lieu, Lionel Jospin dit que les Neos de 1933 n’ont pas toujours laisse de bons souvenirs. C’est rigoureusement exact, au plan historique. Certes, il y a eu des Neos, comme Paul Ramadier, Louis Vallon, Max Hymans, qui furent des Resistants de la premiere heure. Mais il y eut aussi Adrien Marquet, Paul Faure et Marcel Deat. Qui peut le nier ? Ici, la comparaison de Jospin se fait plus prospective : il pense, au fond de lui-meme, que ce qui est nouveau n’est pas toujours bon, et que l’aventure Royal, d’une facon ou d’une autre, va mal se terminer. Pour qui ? Royal ? Le PS ? Les deux ? L’ensemble de la Gauche ? Nul ne le sait encore. Mais il a le droit de le penser. D’ailleurs, je suis exactement de son avis : tout ceci va mal tourner. Il n’y a aucun scandale a penser, et dire cela. Mais il y a quelque chose d’indigne a deformer ainsi les propos de Jospin : il n’a evidemment jamais compare Royal a Deat.
(desole pour l’absence d’accent : probleme de clavier)
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