Un "plan européen" ? Où ça ?...
14 octobre 2008
Contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, le "plan européen" de réponse à la crise financière ne doit rien à l'Union Européenne : il n'a, en quelque sorte, d'européen que le nom...
Qui en est à l'origine : une institution européenne ? Non, la réunion des chefs d'État et de gouvernement des quinze États de la zone euro. Bref, un sommet interétatique (précédé par une rencontre bilatérale franco-allemande) et non une instance européenne supranationale.
Quelles sont les mesures prises : des mesures européennes ? Non, des mesures coordonnées mais authentiquement nationales.
Enfin, sans même discuter de la pertinence du choix de former un marché unique européen, soulignons le fait que ceux qui ont effectué ce choix n'en ont pas tiré toutes les conséquences.
La monnaie unique européenne est, certes, une conséquence qui a été ultérieurement tirée de ce choix originel, afin d'éviter des dévaluations compétitives au sein d'un marché unique. Même si, au passage, le statut de la Banque Centrale Européenne lui confère un caractère antidémocratique (indépendance du pouvoir politique) et dogmatique (monétarisme).
Or, sauf à vouloir faire du marché unique européen une zone de surenchères fiscales, au détriment des États les plus socialement avancés, il aurait dû également s'accompagner de la mise en place de politiques fiscales et sociales uniques, elles-mêmes définies par un pouvoir politique européen unifié et légitime. Bref, qui dit marché unique européen et monnaie unique européenne devrait également dire État européen (se superposant aux États nationaux dans un système fédéral ou se substituant aux États nationaux dans un système unitaire).
Contrairement aux cris d'orfraie que poussent les souverainistes libéraux, le problème ce n'est donc pas un hypothétique État européen. Le problème (ou plutôt, les problèmes : démocratique, social, etc.) c'est, précisément, l'absence d'État européen. Reste encore à savoir s'il serait ou non possible de construire un tel État européen dans le respect de l'identité constitutionnelle française.
C'est-à-dire de bâtir une République européenne unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Ce que ne sera probablement jamais l'Union Européenne...
2 commentaires
Miracle ! Alleluia ! Bonheur !
Oui, oui, Laurent de Boissieu a bien écrit : "qui dit marché unique européen et monnaie unique européenne devrait également dire État européen (se superposant aux États nationaux dans un système fédéral ou se substituant aux États nationaux dans un système unitaire). Contrairement aux cris d'orfraie que poussent les souverainistes libéraux, le problème ce n'est donc pas un hypothétique État européen. Le problème (ou plutôt, les problèmes : démocratique, social, etc.) c'est, précisément, l'absence d'État européen."
Je n'aurais (presque) pas écrit autre chose !
Même si je ne suis pas d'accord, évidemment, avec la toute dernière phrase, car je pense qu'il ne faut "jamais dire jamais" et que ce qui a été fait dans l'UE dans un cadre idéologique libéral depuis presque 30 ans peut être fait très différement dans un cadre idéologique tout autre dans les années à venir (qui peut le nier ?) (celà dépendra d'ailleurs in fine du choix des électeurs européens). C'est bien une autre leçon de cette crise financière : RIEN n'est impossible, TOUT peut être différent.
Par ailleurs, il faut nuancer un point : la crise a prouvé l'efficacité des structures étatiques nationale, certes. Mais les "anti-UE" (je ne sais exactement quel terme nuancé employer) ne peuvent vraiment en faire un argument. Si les Etats sont au premier plan, c'est parce que la dynamique et la foi européenne ont été (temporairement, je l'espère) cassées par les "non" au traité constitutionnel européen. Tout de même, saprelipopette, on ne peut à la fois casser une machine et ensuite tirer argument du fait qu'elle ne marche plus !
Autre réflexion : s'il manque un gouvernement économique à l'Europe, il existe bien un "gouvernement" monétaire avec la BCE. Si elle a des défauts (notamment des missions moins tournées vers la croissance et l'emploi que la Fed américaine) et en a eu par le passé (rigidité monétaire excessive), tout le monde s'accord à reconnaître que la BCE a bien joué son rôle, dés l'été 2007, en injectant autant de liquidités que nécessaire pour sauver les banques, au mépris de tous ses dogmes de rigueur.
J'irai même plus loin. Même si je suis favorable à une politique monétaire plus expansionniste que celle de Duisenberg-Trichet, on accuse à l'inverse la Fed d'avoir été trop expansionniste sous l'ère Greenspan (en particulier depuis le 11 septembre 2001..) et d'avoir ainsi provoqué la bulle financière qui vient d'exploser. Comme quoi, la BCE n'a pas si mal joué son rôle au cours des années 2000 : le "gouvernement" monétaire européen a fonctionné.
Désolé, Libéral européen, il n'y a ni "miracle", ni "bonheur"... ni revirement de ma part.
Il s'agit simplement de déconnecter en théorie le contenant et le contenu. Puis de poser en pratique la question suivante : tous les contenus sont-ils compatibles avec tous les contenants ?
Or, précisément, je ne le pense pas : ce que le Conseil Constitutionnel appelle l'"identité constitutionnelle française" (c'est-à-dire la République unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale) ne me semble pas compatible avec l'actuelle construction européenne de nature supranationale.
Peut-être que cette construction européenne vaut la peine de jeter le républicanisme français aux oubliettes de l'Histoire. Mais, alors, que les politiques l'assument et posent directement la question aux citoyens !
Par ailleurs, je te mets au défi de me trouver un seul présidentiable prônant la mise en place de politiques fiscales et sociales uniques. Au contraire, comme le répète régulièrement Jean-Claude Trichet, "le fait que la zone à monnaie unique ne soit pas simultanément une zone à politique budgétaire unique, à politique fiscale unique, à politique sociale unique, à politique structurelle unique a été voulu explicitement par les gouvernements qui ont négocié et signé le Traité de Maastricht, et par les Parlements et par les peuples (sic !) qui ont ratifié ce Traité".
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