François Bayrou oppose l'humanisme au capitalisme
27 octobre 2008
Le Mouvement Démocrate (MoDem) ne renierait apparemment pas le nom provisoire choisi par Olivier Besancenot et ses camarades pour leur future organisation : Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Dans le contexte de la crise financière, François Bayrou a en effet brandi, dimanche, l'étendard de l'anticapitalisme, tout au long du discours de clôture de la première "conférence nationale" de son mouvement.
L'ancien candidat à l'élection présidentielle a insisté sur "l'échec du postulat fondamental qui animait les deux systèmes" marxiste et capitaliste. "Le capitalisme a échoué parce que l'idée que la somme des intérêts particuliers ferait l'intérêt général s'est révélé faux", a-t-il détaillé. Contrairement à Nicolas Sarkozy, il ne s'agit donc pas seulement pour François Bayrou de réformer le capitalisme mais bien de l'abroger. "On cherche à nous faire croire qu'il y aurait un capitalisme vertueux, le gentil capitalisme des affaires d'autrefois, perverti par le méchant capitalisme financier", a dénoncé François Bayrou en affirmant qu'il ne croit "pas plus à la refondation du capitalisme qu'à la refondation du socialisme". Car, explique-t-il, "l'adhésion au capitalisme comme modèle de société est à peu près le contraire exact de ce que nous pensons" puisque "ce que nous mettons en premier, ce n'est pas l'argent, c'est l'être humain". Concluant : "C'est pourquoi nous n'adhérons pas au capitalisme, nous adhérons à l'humanisme".
De tels propos ne sont pas sans rappeler la formule que répétait souvent Lionel Jospin (PS) : "Oui à l'économie de marché, non à la société de marché". Reste à savoir comment, au-delà des principes, François Bayrou donnera corps à cette pensée "humaniste" ou "démocrate" dans un programme politique. Il est vrai cependant que l'histoire des idées politiques regorge de cette recherche d'une troisième voie ni marxiste ni capitaliste : socialismes associationistes du XIXe siècle (Vincent Peillon invite le PS à le redécouvrir dans un livre récent : La Révolution française n'est pas terminée, Seuil), solidarisme de Léon Bourgeois, personnalisme d'Emmanuel Mounier ou encore association capital-travail de Charles de Gaulle. Il y avait d'ailleurs du Mounier ou du De Gaulle dans le Bayrou dénonçant la "société matérialiste, mécanique, financière et consumériste".
Concrètement, François Bayrou a ainsi fermement combattu le travail du dimanche afin "qu'il y ait un jour sur sept où la déesse consommation puisse être ramenée à sa juste place, qui ne doit pas être la première ! Un jour pour le verbe être et pas pour le verbe avoir". Enfin, le président-fondateur du MoDem a par ailleurs rappelé qu'il avait évoqué bien avant la crise financière la Taxe Tobin (sur les mouvements spéculatifs de capitaux) et s'est posé en défenseur des services publics "qui n'appartiennent pas à l'univers marchand". Citant l'exemple de La Poste, bien qu'il n'ait jusque là jamais remis en cause les directives européennes de libéralisation des services publics en réseau (télécommunications, énergie, services postaux, transports ferroviaires).
Laurent de Boissieu
© La Croix, 27/10/2008
2 commentaires
"bien qu'il n'ait jusque là jamais remis en cause les directives européennes de libéralisation des services publics en réseau"
Pas tout à fait d'accord. François Bayrou s'est au moins attaqué à la façon française de "libéraliser" la Poste ( http://www.letelegramme.com/gratuit/generales/france/modem-bayrou-veut-rebondir-sur-la-crise-20081027-4058586_1511399.php ), les renseignements téléphoniques ( http://www.bayrou.fr/discours/bayrou-paris-zenith-210307.html ), EDF ( http://www.bayrou.fr/propositions/edf-gdf.html ) ou les trains grandes lignes (2005), sans parler des autoroutes ( http://www.bayrou.fr/propositions/autoroutes.html ).
Examinons de près :
1) Sur les renseignements téléphoniques, je lui accorde, mais ce n'est pas ce que j'appelle un grand service public en réseau.
2) Sur les autoroutes, je lui accorde également, mais c'est hors-sujet puisqu'à ma connaissance il s'agit d'une décision purement nationale (et, j'ajoute : scandaleuse...).
3) En revanche, en ce qui concerne La Poste ou EDF, François Bayrou ne s'est opposé qu'à la répartition du capital (part de l'État et du privé, qui est à la discrétion des États) dans le cadre d'un marché libéralisé mais ne s'est jamais opposé à la libéralisation (pas plus, d'ailleurs, que le PS...). Or peu importe économiquement (pour EDF, il peut également y avoir des raisons stratégiques et sécuritaires) la propriété de ces entreprises : une fois que ces secteurs sont libéralisés, la logique de la concurrence et un mode de gestion privé (rentabilité) l'emportent, que le propriétaire soit l'État à 100%, 51% ou 0%.
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