L'Union Méditerranéenne revue et corrigée
13 juillet 2008
Le Sommet de Paris pour la Méditerranée est en soi un incontestable succès diplomatique pour la France : 43 États représentés au plus haut niveau, c'est-à-dire au niveau des chefs d'État ou chefs de gouvernement.
Succès, également, pour la paix, avec, autour de la même table, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, le premier ministre de l'État d'Israël, Ehud Olmert, le président de la République arabe syrienne, Bachar al-Assad, et le président de la République libanaise, Michel Sleimane.
Nul ne saurait retirer cela à Nicolas Sarkozy.
L'Union pour la Méditerranée, en revanche, n'apparaît que comme une pâle contrefaçon du projet d'Union Méditerranéenne.
Le génie de l'idée d'Union Méditerranéenne était double. D'une part, il promettait d'ouvrir l'horizon de la France au-delà de la seule fixation européenne. Et, d'autre part, il consistait à sortir du dialogue Nord-Sud pour promouvoir un véritable projet commun entre États, qu'ils soient du Nord ou du Sud, riverains d'une même mer, d'un même berceau de civilisation. Par nature, il s'agissait donc d'un projet fondamentalement contradictoire avec une intégration européenne de la France à finalité fédéraliste. Car construire une Union Méditerranéenne c'eût été considérer que la France possède autant, si ce n'est davantage, de liens historiques et culturels, d'intérêts économiques et politiques, avec les États riverains de la Méditerranée qu'avec ceux de la mer Baltique.
"Que tous nos regards se soient tournés exclusivement vers le Nord et vers l'Est, que le Sud ainsi fût oublié intellectuellement, culturellement, moralement, politiquement, économiquement, que la Méditerranée cessât d'être un lieu d'où jaillissait pour nous la richesse, la culture et la vie, qu'elle cessât de représenter une promesse pour ne plus constituer qu'une menace, n'est pas pour rien dans la crise d'identité et la crise morale que nous traversons", analysait judicieusement le candidat Sarkozy en proposant, pour le coup, une véritable politique de civilisation.
Comme le soulignait explicitement le parallèle sémantique Union Européenne/Union Méditerranéenne, c'est bien d'une construction régionale d'égale nature que l'Europe qu'il s'agissait durant la campagne présidentielle : "C'est à la France, européenne et méditerranéenne à la fois, de prendre l'initiative avec ses partenaires du Sud de l'Europe, d'une union Méditerranéenne comme elle prit jadis l'initiative de construire l'union Européenne (…) Cette Union Méditerranéenne aura vocation à travailler étroitement avec l'Union Européenne, et un jour à avoir avec elle des institutions communes". Inspirée par le gaulliste Henri Guaino, l'Union Méditerranéenne n'avait toutefois en réalité pas l'Union Européenne (intégration supranationale) mais le Conseil de l'Europe (coopération interétatique) pour modèle : "L'union de la Méditerranée aurait un Conseil de la Méditerranée comme l'Europe a le Conseil de l'Europe", expliquait alors Nicolas Sarkozy.
Las ! L'Union Européenne a tué l'Union Méditerranéenne, ne concédant, lors du Conseil européen du 13 mars 2008, que "la relance du Processus de Barcelone, transformé en Union pour la Méditerranée" (ce qui donne en langage technocratique européen : “processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée”). Initié en 1995, le Processus de Barcelone désigne la politique extérieure dite de voisinage de l'Union Européenne vis-à-vis des États du Sud de la Méditerranée, dans le cadre d'un classique dialogue Nord-Sud.
Même si aucun traité européen n'instaure une politique étrangère unique, l'Union Européenne est donc déjà, de fait, exclusive : les États européens ne sont plus autorisés à participer à un autre projet régional conforme à leur histoire et à leurs intérêts. La position de l'Allemande Angela Merkel et celle du Libyen Mouammar Kadhafi ont, d'ailleurs, été exactement la même : oui à un dialogue entre, d'un côté, l'Union Européenne dans son ensemble, et, de l'autre, l'Union Africaine et la Ligue Arabe dans leur ensemble ; non à la construction d'une Union Méditerranéenne regroupant exclusivement les États concernés membres de l'Union Européenne, de l'Union Africaine ou de la Ligue Arabe (raisonnement d'autant plus absurde que ces deux organisations régionales n'ont pas les mêmes États membres !).
Bref, contrairement aux apparences, l'Union Méditerranéenne sera sans doute à inscrire dans la case des promesses non tenues du président de la République.
3 commentaires
Je comprend bien l'argumentaire dévelopé, mais, honnêtement, on ne peut aller trop loin dans ce sens. L'Union européenne n'a pas "tué" l'Union méditerranéenne car :
* Les efforts de la France depuis 50 ans sont axés sur la construction européene et non méditerranéenne. Le choix européen est donc un choix ancien de la France (ralenti mais pas stoppé par le général de Gaulle) et, à aucun moment, un choix entre les 2 unions ne s'est trouvé posé.
* La proximité de la France avec ses voisins terrestres (Allemagne, Espagne, Italie, Benelux, etc.) est infiniment plus grande qu'avec le rivage sud de la Méditerranée, ceci sur tous les plans (histoire, langue, culture, économie, culture politique, société et moeurs, etc.). Des politiques d'intégration sont donc naturelles (la CECA est venu d'une proximité naturelle entre Lorraine-Rhur-Benelux par exemple).
*D'autant que, depuis la décolonisation, les voies ont été assez divergentes entre l'Europe et le sud Méditerranée (démographie, choix et dynamisme économique, place de la religion). Ce n'est pas la faute de l'UE mais la conséquence de la décolonisation, inévitable par ailleurs (on ne pouvait rien bâtir de pérenne sur un rapport initial de domination, je pense qu'on est d'accord là dessus).
* De toutes façons, l'hétérogénéité des systèmes politiques autour de la Méditerranée permet difficilement d'aller très loin dans la coopération avec des régimes qui emprisonnent et torturent leurs opposants, ont des quasi-systèmes de partis uniques, ne respectent pas la liberté d'expression ou la liberté religieuse, voire sont carrément instables. C'est pour celà que l'UE n'a accepté l'Europe de l'Est qu'une fois démocratisée.
*L'Union méditerranéenne, malgré la symétrie sémantique avec l'UE, n'a vocation qu'à devenir l'une de ces nombreuses "unions" régionales de la planête (style communauté andine, alena, apec, OUA, etc.) qui sont en fait, en raison du nombre et/ou de l'hétérogénéité des participants, que de vastes forums de discussion éventuellement capables de mettre sur pied des coopérations techniques ponctuelles. C'est bien, très utile, et celà va dans le bon sens pour la planète. Mais en aucun cas un projet concurrent de l'UE.
* Il y a bien eu opposition de l'Union Européenne au projet d'Union Méditerranéenne, qui n'est plus réduit qu'à être un aspect (le Processus de Barcelone rebaptisé Union pour la Méditerrannée) de sa politique extérieure. Bref, l'UE a tué l'UM. Les États européens non riverains de la Méditerranée n'avaient strictement rien à y faire. Leur seule présence dénature l'idée.
* Le problème de l'UE, justement, c'est qu'il ne s'agit pas de ce que tu appelles "une de ces nombreuses "unions" régionales de la planête" (coopération interétatique) mais d'un processus à finalité fédéraliste (intégration supranationale). Ce qui explique pourquoi la France n'a pas pu se défaire de ce carcan pour mettre en oeuvre son projet initial d'Union Méditerranéenne.
vous avez reçu la preuve que les traité de l'union était des faux en écriture et vous ne le dénoncez toujours pas !
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