"Règle d'or" ou "plaquée or" ?
19 mai 2008
Par voie d'amendement soutenu par le Nouveau Centre et une partie de l'UMP (Gilles Carrez, Étienne Blanc, Yves Bur, Frédéric Lefebvre), l'orthodoxie financière pourrait faire son entrée dans la Constitution française. Devrait ainsi être introduit dans le texte fondamental l'obligation de voter "des lois de programmation" définissant "les orientations pluriannuelles des finances publiques" et s'inscrivant "dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques" (État, collectivité locales, Sécurité sociale).
Pour les libéraux, ce serait trop peu. Nous serions en effet encore loin de la "règle d'or" budgétaire interdisant à tout gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement. C'est pourtant cette idée qui était présente dans le programme présidentiel de François Bayrou ("hors période de récession", précisait toutefois prudemment le candidat), avant d'être reprise dans une proposition de loi constitutionnelle du Nouveau Centre.
Mais Français Bayrou et ses (ex-)amis n'en ont pas le monopole. "Je ferai en sorte qu'à l'avenir il soit interdit de financer les dépenses de tous les jours par de la dette", avait promis le candidat Nicolas Sarkozy. Tandis que le projet de l'UMP, engageant donc tous les députés élus sous cette étiquette, prévoyait également d'"inscrire dans la Constitution ou dans la loi organique relative aux lois de finances la « règle d’or » selon laquelle le déficit des finances publiques n'est autorisé que pour financer des dépenses d'investissement".
Pour les antilibéraux, en revanche, ce serait déjà trop. Car cela reviendrait - reproche déjà opéré à feu le projet de Constitution européenne - à figer dans le marbre constitutionnel une orientation économique, devant ressortir du verdict des urnes et non d'une obligation absolue : en démocratie, la Constitution est là pour fixer un cadre commun large, au sein duquel s'expriment les choix librement opérés par les citoyens lors des élections nationales.
2 commentaires
Il est difficile de porter un jugement tranché sur cet aspect de la réforme, car tout dépendra de l'interprétation qui sera faite de la "règle" posée dans la Constitution.
Pour ma part, j'y vois un détonant mélange:
- d’hypocrisie à court terme: parce qu’il ne s’agit que d’un « objectif », portant non sur le seul État mais embrassant aussi les comptes sociaux et les collectivités locales, aucune réelle contrainte ne pèsera sur la politique sarkozyste
- et d’irresponsabilité à plus longue échéance: en inscrivant une nouvelle norme dans la Constitution, on donne au Conseil constitutionnel la possibilité de juger et, un jour, de sanctionner la politique budgétaire.
Il y a en effet hypocrisie, car cela n'a plus rien à voir avec la "règle d'or" voulue par les libéraux et cela ne concerne en effet, comme vous le soulignez avec justesse, pas seulement le budget de l'État.
Mais je suis plus confiant que vous quant au Conseil constitutionnel, car il ne s'agit pas là d'un principe pouvant souffrir plusieurs interprétations, mais d'une obligation (qui, certes, ne mange pas de pain) de voter des lois de programmation visant (simple objectif) l'équilibre des comptes des administrations publiques.
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