Feu les services publics
01 mai 2008
"Voulez-vous vraiment que le contribuable subventionne le gaz ?", a déclaré François Fillon, hier, lors des questions d'actualité au gouvernement, en réponse à une interrogation de François Hollande sur la hausse du prix du gaz.
En effet, Monsieur le Premier ministre, en théorie un service public reçoit bien des subventions de l'État pour assumer sa mission de service public. En une phrase, c'est donc tout l'héritage du programme du Conseil national de la Résistance qui a été balayé par François Fillon. Circulez, il n'y a - plus - rien à voir !
Il est vrai que nous n'avons plus des services publics (monopoles d'État) mais des "services d'intérêt économique général". On veut, certes, nous faire prendre des vessies pour des lanternes en nous disant qu'il ne s'agit que de la traduction européenne du mot. Mais les "services d'intérêt économique général" sont, par principe, soumis à la concurrence. Ce qui change absolument tout...
Tout cela me donne l'occasion de revenir sur l'affaire de la carte famille nombreuse...
Résumons. Le deuxième Conseil de modernisation des politiques publiques s'est tenu à l'Élysée le 4 avril dernier. Parmi les 116 mesures proposées figure la "prise en charge, en les maintenant, des tarifs sociaux de la SNCF par la politique commerciale de l'entreprise". Ce sont ces tarifs sociaux qui permettent d'offrir des réductions sur le réseau de la SNCF aux familles nombreuses (à travers la carte famille nombreuse, à laquelle s'ajoutent des avantages qui ne sont pas tous liés aux transports : piscines, cinémas, offres commerciales privées), aux étudiants et apprentis, ainsi qu'aux salariés pour leurs congés annuels. Cette somme représente 70 millions d'euros, versés jusque là de façon forfaitaire à la SNCF par l'État.
"Les tarifs sociaux du train s'inscrivent dans la politique commerciale de la SNCF, nous explique-t-on. Ils seront maintenus mais devront être financés par les utilisateurs du train (en particulier les professionnels) plutôt que par les contribuables". Naïfs que nous étions de penser qu'il s'agissait d'avantages liés à la politique familiale (carte famille nombreuse instaurée en 1921) ou à la politique sociale (billet de congé annuel) de la nation !
Finalement, le gouvernement, ou plutôt le président de la République, a semblé renoncer, le 11 avril dans une déclaration, à cette suppression : "L'État continuera de prendre en charge ces tarifs sociaux, a affirmé Nicolas Sarkozy. Il en sera naturellement tenu compte dans le dividende que l'État actionnaire demandera à la SNCF".
La dernière précision est importante.
Grosso modo, lorsqu'une entreprise fait des bénéfices, elle peut soit les redistribuer à ses actionnaires (dividende), soit les redistribuer à ses salariés (participation), soit les réinvestir dans l'entreprise (développement, remboursement de la dette, etc.). Dorénavant, les sommes consacrées via la SNCF à la politique sociale et à la politique familiale ne viendront donc pas du budget de l'État mais de la part du dividende versé - pour la première fois cette année depuis la nationalisation des chemins de fer en 1938 - par la SNCF à l'État actionnaire. Autant d'argent en moins que l'entreprise publique pourrait consacrer à son développement plutôt que de la redistribuer à son actionnaire unique. Or la SNCF, service public, ne devrait pas verser un dividende à un actionnaire, fusse-t-il l'État. Ce devrait être à l'État de verser de l'argent de nos impôts à la SNCF, comme à Gaz de France (oui, Monsieur Fillon), afin que ces entités puissent pleinement remplir leur rôle de service public. Ce qui est, justement, de moins en moins le cas (fermetures de lignes non rentables, remise en cause du principe du prix au kilomètre, etc.).
4 commentaires
Je veux bien que mon impôt serve à entretenir et moderniser l' industrie de stockage et de distribution du gaz (ça c' est le service public). Mais PAS à subventionner le prix du gaz. J' ai assez à faire avec le prix du mazout avec lequel je me chauffe.
La modernisation de la SNCF, d' accord. Mais ça commence aussi avec l' entretien (la remise en état devrais-je dire) et l' extension des voies ferrées réalisées via RFF dont l' Etat, pas la SNCF, assure le financement.
En d' autres termes, il ne faut pas tout mélanger ...
De deux choses l'une. Soit on considère que le gaz est un bien marchand comme les autres et, dans ce cas, en effet, l'État n'a pas à subventionner ce secteur, qu'il s'agisse des infrastructures (GRTgaz), de la distribution ou du prix. Soit on considère que la gaz n'est pas un bien marchand comme les autres et, dans ce cas, il est tout à fait logique que l'État subventionne ce secteur, y compris les prix.
Quant à la SNCF, son démantèlement a en effet commencé avec la séparation SNCF/RFF, qui revient, d'un côté à laisser à l'État les infrastructures (et la dette), de l'autre côté à libéraliser l'exploitation du réseau ferré.
A entendre les protestations et demandes diverses, le gaz ne semblerait pas être un produit marchand lorsqu' il est distribué en réseau (GDF). Mais, personne n' en parlant, il serait un produit marchand lorsqu' il est livré en bonbonnes ou en citernes par des distributeurs notamment affiliés à des pétroliers.
Le service public, gloire de l' Etat Français, ne serait bon en ce cas que pour les citadins.
Ce que vous dites dans ce dernier message est très pertinent !
Cela dit, pour vous livrer ma pensée profonde, je suis un phobique du gaz de ville (expériences malheureuses avec des personnes âgées) et je plaiderais volontiers en faveur de son interdiction...
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