Sarkozy versus Onfray
13 avril 2007
Éclairage
"J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie", a affirmé Nicolas Sarkozy dans un entretien avec Michel Onfray dans le mensuel Philosophie Magazine (avril 2007). "Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable."
Les propos de Nicolas Sarkozy s'inscrivent dans un courant de pensée qui recherche des bases biologiques aux comportements sociaux. Au XIXe siècle, ce courant s'intéresse aux caractéristiques physiques, avec notamment la théorie de Cesare Lombroso (1835-1909) sur le "criminel-né". Au XXe siècle, il se tourne vers la génétique. Ce courant inspire les politiques de stérilisation pratiquées entre 1907 et 1958 dans certains États américains, entre 1934 et 1945 en Allemagne (parallèlement à l'eugénisme racial), entre 1935 et 1976 en Suède, ou encore en Norvège, Finlande et Danemark.
Sur le plan théorique, cette thèse a connu un renouveau avec la publication, aux États-Unis, en 1975, par Edward Osborne Wilson, de l'ouvrage Sociobiology : The New Synthesis. Sur le plan pratique, il est à l'origine des recherches visant à isoler le chromosome ou le gène permettant d'expliquer tel ou tel comportement social. Du "chromosome du crime" (1965) au "gène de l'homosexualité" (1993). À chaque fois, cependant, ces travaux ont été contredits.
Ces débats sont sensibles puisqu'ils font intervenir des notions philosophiques et religieuses fondamentales : inné versus acquis, nature versus culture, matérialisme versus spiritualisme, essentialisme versus existentialisme, déterminisme versus liberté. En témoigne la vigueur des réactions aux propos de Nicolas Sarkozy, au-delà du seul monde politique.
Laurent de Boissieu
© La Croix, 12/02007
2 commentaires
Je partage votre analyse mais irait un peu plus loin dans ses implications politiques.
Cet épisode de la campagne a été très utile, en permettant de connaître beaucoup mieux M. Sarkozy, qui a dévoilé l’opinion qui est à la base de sa façon de concevoir l’Homme et donc la société ainsi que sa politique. C’est, en effet, ce déterminisme génétique qui est au cœur de son idée de la rupture.
Or, la politique ce n’est pas créer les conditions pour que ceux qui par hasard auraient hérité de bons gènes puissent vivre sans être contrariés par ceux qui en auraient de mauvais, afin que la vie soit "la sélection des plus aptes," comme le pense M. Sarkozy, mais travailler à instituer les règles, les repères et les conditions qui permettront à tous de se construire une existence où ils ne seront pas livrés à la sauvagerie de la force, des intérêts ou des pulsions (même lorsqu’on les appelle concurrence, marché et consommation).
Pour lire l'intégralité de cette analyse, je vous renvoie à La vraie rupture de Sarkozy : le déterminisme génétique
Le lien de l'article "La vraie rupture de Sarkozy : le déterminisme génétique" se trouve ici : http://www.plateforme2007.net/spip.php?article118.
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