Le recours aux ministres issus de la société civile
30 mars 2007
Éclairage
"Il y aura des gaullistes avec moi, et aussi des socialistes, et surtout des compétences issues de la société civile", a affirmé François Bayrou, le 27 mars, dans un entretien publié par Le Figaro. Dans ce contexte, le terme "société civile" renvoie à la nomination de ministres qui ne sont ni des élus ni des membres de cabinets politiques ou de la haute administration publique. Un phénomène qui n'est pas nouveau. Outre, pour la première fois, des femmes - alors que ces dernières ne sont encore ni électrices ni éligibles -, le gouvernement Blum de 1936 comporte ainsi plusieurs ministres non politiques : Suzanne Lacore (directrice d'école primaire), sous-secrétaire d'État à la santé publique chargée de la protection de l'enfance, Irène Joliot-Curie (prix Nobel de chimie), puis Jean Perrin (prix Nobel de physique), sous-secrétaires d'État successifs à la recherche scientifique.
Les ministres issus de la société civile sont parfois des personnes inconnues du grand public, comme la juriste Simone Veil, nommée en 1974 ministre de la santé dans le gouvernement Chirac. Mais, le plus souvent, il s'agit de personnalités reconnues dans leur domaine de compétence, à l'image du scientifique Hubert Curien, ministre de la recherche des gouvernements de gauche entre 1984 et 1993. Deux premiers ministres ont mis en avant leur ouverture à la société civile : Michel Rocard en 1988 (avec Alain Decaux, Bernard Kouchner, Léon Schwartzenberg...) et Jean-Pierre Raffarin en 2002 (Luc Ferry, Claudie Haigneré, Francis Mer...). Le recours à la société civile répond à la crise de la représentation démocratique.
Le succès n'a toutefois pas toujours été au rendez-vous. Nommé ministre délégué chargé de la santé le 29 juin 1988, Léon Schwartzenberg a ainsi démissionné dès le 8 juillet. Tandis que Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie entre 2002 et 2004, a tiré de son expérience gouvernementale un livre au titre accusateur : Vous, les politiques... (Albin Michel).
Laurent de Boissieu
© La Croix, 29/03/2007
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