immigration et identité nationale
15 mars 2007
En 2002, la sécurité avait été le thème dominant de l'élection présidentielle. Cette année, la campagne électorale se cherche une thématique phare. Après le travail et l'autorité, déclinés aussi bien par Ségolène Royal que Nicolas Sarkozy, c'est le thème de la nation qui s'invite aujourd'hui dans le débat. Jeudi dernier, dans l'émission "À vous de juger", sur France 2, le ministre de l'intérieur a suggéré la création d'"un ministère de l'immigration nationale et de l'identité nationale, parce qu'aujourd'hui le dossier de l'immigration est explosé en trois ministères différents". Une proposition qui a permis à Nicolas Sarkozy de se placer au centre de la campagne, alors que tous les regards se tournaient plutôt vers la montée spectaculaire de François Bayrou dans les sondages.
L'idée d'instituer un ministère de l'immigration n'est pas nouvelle. La création d'un "grand ministère de l'immigration et de l'intégration regroupant l'asile, l'immigration, la politique des visas et l'intégration" figure déjà dans le projet législatif de l'UMP. Les Verts, eux, promeuvent "un ministère adapté à l'ère de la mondialisation, chargé à la fois de la coopération solidaire, des migrations et du commerce mondial".
Le thème de la nation n'est pas non plus nouveau. Ségolène Royal l'avait développé dans sa déclaration de candidature interne au PS, à Vitrolles le 29 septembre 2006, puis dans son discours d'investiture après le vote des militants, à Paris le 26 novembre 2006. "La nation n'est pas le monopole de la droite et encore moins de l'extrême-droite", avait-elle ainsi martelé. "Avec moi, l'identité nationale ne disparaîtra pas dans la mondialisation ou le repli sur soi", a-t-elle encore repris, lundi, dans son discours au gymnase Japy, à Paris.
Quant à Nicolas Sarkozy, il a fait de la nation, depuis l'année dernière, un de ses chevaux de bataille. "Le Pen n'est pas propriétaire de la nation, ni de l'identité nationale", a-t-il ainsi affirmé à son tour, le week-end dernier, dans Le Journal du Dimanche. "Le 21 avril 2002, le non à la Constitution européenne, la montée du vote extrême et du vote protestataire sont d'abord l'expression d'une profonde crise de l'identité nationale", avait déjà diagnostiqué le président de l'UMP à Caen, vendredi.
Un constat qu'opère également François Bayrou lorsqu'il écrit, dans son livre publié l'année dernière (Au nom du tiers état, Hachette), que la France est "à l'épicentre d'un séisme qui vient de loin, au point de rencontre de deux forces antagonistes qu'il va falloir conjuguer. Une force qui vient de dehors : l'onde immense de la mondialisation. Une force qui vient du dedans de notre peuple et de notre histoire : le grand courant national qui a produit le modèle républicain". Une vision reprise vendredi dernier, le président de l'UDF expliquant à Perpignan que "l'identité nationale de la France, elle a un nom, c'est la République".
Si tous s'accordent pour défendre l'identité française, reste à définir ce qui, aujourd'hui, la menacerait. Trois matières ressortent des discours politiques. Tout d'abord, l'Union européenne, soit en tant que construction supranationale (Philippe de Villiers, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan), soit en tant qu'ensemble incompatible avec les valeurs républicaines (Nicolas Dupont-Aignan). Ensuite, comme semblent le dire Ségolène Royal et François Bayrou, la mondialisation. Enfin, l'immigration, qu'il s'agisse de l'immigration en général (Jean-Marie Le Pen) ou en particulier de l'immigration de personnes de confession musulmane (Philippe de Villiers).
Or, en proposant la création d'un "ministère de l'immigration et de l'identité nationale", Nicolas Sarkozy se range dans cette troisième catégorie. "La politique de l'immigration, c'est l'identité de la France dans trente ans", a-t-il insisté dans le Journal du Dimanche. "C'est la conjonction de coordination et qui fait le plus problème, affirme ainsi sur son blog l'ancien ministre de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement. La question de l'identité nationale de la France à notre époque est une question décisive. Mais elle n'intéresse pas que les immigrés. Elle concerne tout le pays et d'abord ses élites. C'est parce que celles-ci, depuis longtemps, ont cessé de croire en la France que l'intégration des immigrés est rendue plus difficile".
Laurent de Boissieu
© La Croix, 15/03/2007
2 commentaires
En complément de votre article fort intéressant:
Un autre regard sur le lien entre Immigration et Identité Nationale
Lier immigration et identité nationale, qui correspond à un « socle de valeurs » ( « laicité, séparation du temporel et du spirituel, égalité entre l’homme et la femme, et c ») car « la France est une communauté de valeurs » selon Nicolas sarkozy, est une réalité vécue pour les 110 000 migrants qui signent le Contrat d’Accueil et d’Intégration chaque année (CAI créé depuis juillet 2003) !
Cette réalité est d’ailleurs approuvée par les migrants comme le souligne le rapport sur « l’intégration économique des migrants et la valorisation de leur épargne », rendu le 5 octobre 2006 au Ministre de l’Intérieur, en se fondant sur une étude CSA.
Par ailleurs, lier immigration et identité nationale est prévu par la Loi du 25 juillet 2006 ( dans son article 5) : « L’étranger admis pour la première fois au séjour en France (…) prépare son intégration républicaine dans la société française. A cette fin, il conclut avec l’Etat un CAI (…) par lequel il s’oblige à suivre une formation civique, et lorsque le besoin est établi, linguistique. La formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l’égalité entre les hommes et els femmes et la laîcité ».
Il est à noter que François Bayrou, qui critique cette proposition, a, selon mes informations, voté ce texte, ou du moins s’est il abstenu. Cela n’avait de toute façon pas suscité son émoi à l’époque et surtout pas ce passage.
De manière pragmatique, ce que propose Nicolas Sarkozy est que les 30% de non francophones qui signent actuellement le CAI et ne parlent pas français apprennent des rudiments de français avant d'arriver en France, comme le font déjà les Pays-Bas.
D’autres analyses sur www.labayrousina.fr, le 1er site critique sur François Bayrou.
Benjamin le Picador
La France a signé la Charte des Droits Fondamentaux. Celle-ci a été officiellement proclamée à Nice en 2000. L Article 21 interdit la discrimination en fonction de la Nationalité. Pourquoi Mme Veil soutient-elle l illegalité& europeenne pronée par Sarkozy ?
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