Faux journalistes et vrais blogueurs
28 janvier 2006
Pour son congrès extraordinaire des 28 et 29 janvier, l'UDF a décidé d'accréditer es-qualité des blogueurs. Il s'agit d'une première en France. Les blogueurs accrédités ont eu accès au congrès au même titre que les journalistes, un badge "blog", distinct du badge "presse", leur étant réservé.
Une seule "condition" était posée par l'UDF : "Celle de bien vouloir annoncer sur votre blog que vous serez au congrès".
L'invitation a été "envoyée à 25 blogueurs/blogueuses sélectionné(e)s pour l'intérêt que leur blog accorde, soit à l'UDF, soit à la vie politique française en général; y compris des blogueurs adhérents à d'autres partis que l'UDF".
Cette initiative soulève plusieurs questions. D'une part la sélection des blogueurs. L'UDF elle-même précise qu'elle a "conscience de la difficulté à définir des critères objectifs d'invitation". Deux blogueurs non-UDF (Versac et Valerio Motta) étaient finalement présents. D'autre part l'éventuel détournement de cette nouvelle accréditation en sous-journalisme. Un weblog et un article de presse ne relèvent en effet pas de la même démarche. Des journalistes (à commencer par moi) utilisent parfois la forme du weblog sans en respecter l'esprit "journal" au sens "journal personnel" et non "journal d'informations". Aux blogueurs de ne pas suivre le (mauvais) exemple en ne cherchant pas à s'improviser journalistes !
3 commentaires
Le sujet est intéressant et les évolutions technologiques remettent en question régulièrement la définition des métiers. Aujourd'hui ne voit-on pas finalement poindre une remise en cause du statut même de journaliste? En effet quelle sera encore la valeur d'une carte de presse demain, si des sites comme Agora Vox (que j'apprécie beaucoup d'ailleurs) atteignent la notoriété et la crédibilité de certaines agences de presse?
Evidemment tout cela posent un certains nombres de problèmes, car si d'un coté internet donne l'illusion de a liberté on remarque comme vous le notez que la réalité est beaucoup plus compliquée.
OUFSA OUFSA OUFSADAR !!!
Une remarque m'est inspirée à la fois par votre sujet et par le commentaire de PEL, qui se demande "quelle sera encore la valeur d'une carte de presse demain..."
On peut en effet se poser cette question. Mais , à mon sens, ce n'est pas tant la qualité de certains blogs qui remet en question ce prestigieux document que la médiocrité de certains de nos médias professionnels. Chacun a pu se rendre compte, depuis environ quatre ans, de la baisse de la qualité de l'information sur les chaînes hertziennes de la télévision française : le fait divers est presque systématiquement préféré au fait politique, tandis que ce dernier prend des accents de compte-rendu élogieux des faits et gestes de l'actuel ministre de l'Intérieur. Quant aux quotidiens régionaux, ils souffrent de mouvements de concentration aux mains de groupes financiers pour qui une bonne gestion comptable vaut mieux qu'une information sincère et indépendante. À ce titre, on observera, par exemple, l'évolution actuelle de la Voix du Nord.
Face à cette tendance à la désinformation (pour ne pas dire de grossièretés), on ne peut que se féliciter de voir les citoyens prendre en main leur information. On ne peut qu'encourager ce désir qu'éprouvent les citoyens de s'exprimer.
Pour autant, vous soulevez des questions et exprimez des inquiétudes tout à fait légitimes. Un blogueur n'est certes pas un journaliste : il n'en a ni les privilèges, ni les obligations. Les privilèges, vous les citez : rémunération et prise en charge des frais. Les obligations sont celles qu'impose la déontologie des professionnels.
De ce deuxième point découle, pour le lecteur de blogs, une nécessaire prudence : c'est à lui, finalement, qu'incombe la lourde tâche de recouper ses informations. Quant aux conséquences du premier point, elles font précisément l'objet de votre article : le blogueur invité ne l'est pas dans les mêmes conditions que le professionnel. C'est à titre gracieux qu'il fournit son travail (tout comme moi-même, en ce moment précis). Le risque de dérive, de la part des invitants (en l'occurrence, l'UDF) est évident : s'offrir une couverture "médiatique" sans en supporter les frais. Au pire, cela pourrait se faire au détriment de la presse professionnelle.
Mais, puisqu'il est de bon ton d'ouvrir son sujet au moment de conclure, on peut se demander, comme vous le suggérez, au demeurant, si cette dérive qui consiste à recourir au travail gratuit n'est pas une tendance générale de la société contemporaine : dans tous les domaines, le mot d'ordre n'est-il pas de réduire, par tous les moyens possibles, le coût du travail ?
SV
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